Jurisprudence : CA Lyon, 06-02-2024, n° 21/06233, Confirmation

CA Lyon, 06-02-2024, n° 21/06233, Confirmation

A55472LZ

Référence

CA Lyon, 06-02-2024, n° 21/06233, Confirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/104807894-ca-lyon-06022024-n-2106233-confirmation
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AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE


RAPPORTEUR


R.G : N° RG 21/06233 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NY3P


CPAM DU FINISTERE


C/

S.A. [5]


APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Pole social du TJ de LYON

du 28 Juin 2021

RG : 15/01401


AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS


COUR D'APPEL DE LYON


CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE


ARRÊT DU 06 FEVRIER 2024



APPELANTE :


CPAM DU FINISTERE

[Adresse 1]

[Localité 3]


représenté par Mme [T] [R] (Membre de l'entrep.) en vertu d'un pouvoir spécial


INTIMEE :


S.A. [5]

(Assuré : [G] [S])

[Adresse 2]

[Localité 4]


représentée par Me Denis ROUANET de la SELARL BENOIT - LALLIARD - ROUANET, avocat au barreau de LYON substituée par Me Alexis DOSMAS, avocat au barreau de LYON


DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 09 Janvier 2024


Présidée par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Présidente, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Anais MAYOUD, Greffière.



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :


- Delphine LAVERGNE-PILLOT, présidente

- Vincent CASTELLI, conseiller

- Nabila BOUCHENTOUF, conseillère


ARRÊT : CONTRADICTOIRE


Prononcé publiquement le 06 Février 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile🏛 ;


Signé par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Magistrate, et par Anais MAYOUD, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


********************



FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS


M. [S], salarié de la société [5] (la société), a été mis à disposition de la société [6], en qualité d'ouvrier non qualifié.


Le 10 décembre 2014, la société a établi une déclaration d'accident du travail survenu le 5 décembre 2014 à 19h00, au préjudice de M. [S], dans les circonstances suivantes : « manutention de palettes avec un gerbeur. La cheville a vrillé lorsqu'il s'est retourné (réserves) », déclaration accompagnée d'un certificat médical établi le 6 décembre 2014 faisant état d'une « entorse et foulure du pied gauche » et d'une lettre énonçant des réserves « vis-à-vis de la survenance de cet accident aux temps et lieu de travail du fait de la déclaration tardive de M. [S] et de l'absence de témoin ».


Le 20 janvier 2015, la caisse a informé la société que l'instruction était terminée et que, préalablement à la prise de décision sur le caractère professionnel de l'accident qui interviendrait le 9 février 2015, la société avait la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier, ce qu'elle a fait le 30 janvier 2015.


Après enquête administrative, la caisse a pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle le 9 février 2015.


Le 3 avril 2015, la société a saisi la commission de recours amiable d'un recours aux motifs que « l'agent de la caisse n'a pas présenté toutes les pièces devant être présentes dans ce type de dossier, au regard de l'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale🏛 ».


Par requête reçue au greffe le 22 juin 2015, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale, devenu le pôle social du tribunal judiciaire, aux fins de contestation de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.


Le 6 janvier 2016, l'état de santé de M. [S] a été déclaré consolidé au 11 janvier 2016.



Par jugement du 28 juin 2021, le tribunal :


- déclare inopposable à la société la décision de prise en charge par la caisse de l'accident du travail survenu le 5 décembre 2014 à M. [S],

- dit que la procédure est sans frais pour les recours introduits avant le 1er janvier 2019.



Par déclaration enregistrée le 27 juillet 2021, la caisse a relevé appel de cette décision.


Dans le dernier état de ses conclusions reçues au greffe le 22 décembre 2022 et reprises oralement sans ajout ni retrait au cours des débats, elle demande à la cour de :


- infirmer le jugement,

- juger que l'instruction a été parfaitement contradictoire à l'égard de la société et que la caisse a pleinement satisfait à son devoir d'information préalable, conformément aux dispositions des articles R. 441-11 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale🏛🏛,

- confirmer, en conséquence, l'opposabilité à l'égard de la société de la décision de prise en charge de cet accident du travail et de l'ensemble de ses conséquences médicales jusqu'à la consolidation de son état de santé,

- déclarer la société mal fondée dans ses prétentions.


Par ses dernières écritures reçues au greffe le 5 janvier 2024 et reprises oralement sans ajout ni retrait au cours des débats, la société demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.


En application de l'article 455 du code de procédure civile🏛, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.



MOTIFS DE LA DÉCISION


SUR LE RESPECT DU PRINCIPE DE LA CONTRADICTION


La caisse soutient que, dans le cadre du contentieux de l'opposabilité d'une décision, les certificats médicaux de prolongation n'ont pas à être communiqués au stade de l'instruction, puisqu'ils sont indifférents pour sa prise de décision, de sorte que la société a bien pris connaissance de l'ensemble des pièces constitutives du dossier. Elle ajoute qu'elle n'a aucune obligation de communiquer à la société les éléments médicaux du dossier, ni de l'informer des conséquences médicales de l'accident du travail.


En réponse, la société invoque le caractère incomplet du dossier consulté au motif qu'aucun certificat de prolongation ne figurait au dit dossier. Elle en déduit qu'elle n'a pas pu prendre connaissance de l'ensemble des pièces susceptibles de lui faire grief.


Selon l'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°85-1353 du 17 décembre 1985, applicable au litige, prévoit que :


« Le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre ;

1°) la déclaration d'accident et l'attestation de salaire ;

2°) les divers certificats médicaux ;

3°) les constats faits par la caisse primaire ;

4°) les informations parvenues à la caisse de chacune des parties ;

5°) les éléments communiqués par la caisse régionale ;

6°) éventuellement, le rapport de l'expert technique.

Il peut, à leur demande, être communiqué à l'assuré, ses ayants droit et à l'employeur, ou à leurs mandataires.

Ce dossier ne peut être communiqué à un tiers que sur demande de l'autorité judiciaire. »


L'alinéa 3 de l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2009-938 du 29 juillet 2009🏛, dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13.


En l'espèce, la société a été informée, le 20 janvier 2015, de la fin de l'instruction et a été invitée à venir consulter les pièces du dossier pour une prise de décision devant intervenir le 9 février 2015.


Il est établi que, le 30 janvier 2015, la société a consulté les pièces du dossier d'accident du travail de M. [S].


Le 3 février 2015, la société a informé la caisse que « le contradictoire n'a pas été respecté selon l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale », de sorte qu'elle n'a pas été en mesure de prendre connaissance de l'intégralité des éléments susceptibles de lui faire grief.


Le 9 février 2015, elle a été informée par la caisse de la prise en charge de l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels.


La CPAM reconnaît que lorsque la société s'est rendue dans ses locaux le 30 janvier 2015 afin de consulter le dossier, les certificats de prolongation ne figuraient pas dans celui-ci.


Ainsi, il est acquis aux débats que le dossier soumis par la caisse à la consultation de la société à l'issue de l'instruction de l'accident du travail, avant qu'une décision ne soit prise sur celle-ci, ne contenait pas les certificats médicaux de prolongation que la caisse détenait par devers elle.


Or, parmi les « divers certificats » désignés de manière large par l'article R. 441-13, doivent figurer au dossier mis à la disposition de l'employeur, notamment tous les certificats de prolongation qui sont en possession de la caisse au moment où elle clôture son instruction et ce, d'autant plus que ces certificats sont susceptibles de faire grief à l'employeur, y compris au stade de l'examen de l'origine de l'accident du travail.


Ce faisant, la CPAM a méconnu les dispositions des articles R. 441-13 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, ainsi que le principe de la contradiction, dont la violation au stade de la procédure instruite par la caisse ne saurait être couverte ultérieurement, en cas de recours, par la contradiction qui est apportée par la procédure judiciaire.


La sanction de cette méconnaissance est l'inopposabilité à l'employeur de la décision de prise en charge par la caisse de l'accident concerné.


Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il déclare inopposable à la société la décision de prise en charge par la caisse de l'accident du travail survenu le 5 décembre 2014 au préjudice de M. [S].


SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES


La décision attaquée sera confirmée en ses dispositions relatives aux dépens.


La caisse, partie perdante, est tenue aux dépens d'appel.



PAR CES MOTIFS :


La cour,


Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour,


Y ajoutant,


Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère aux dépens d'appel.


LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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