ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Commerciale
11 Mars 1997
Pourvoi N° 94-20.069
Société Constructions navales d'Aquitaine
contre
société Sofice.
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que la société Constructions navales d'Aquitaine a été mise en redressement judiciaire le 5 février 1991 et, par la suite, en liquidation judiciaire, sans avoir payé des moteurs de navire que lui avait vendus, avec clause de réserve de propriété, la société Iveco ; que, subrogée aux droits et actions de celle-ci, la société Sofice a revendiqué ces moteurs inventoriés le 21 février 1991 ; que la cour d'appel a condamné le liquidateur judiciaire, ès qualités, à restituer les moteurs à la société Sofice ou à lui en payer le prix, sur le fondement de l'article 121 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Sur le premier moyen
Attendu que le liquidateur judiciaire fait grief à l'arrêt d'avoir dit recevable l'action de la société Sofice, alors, selon le pourvoi, que dans ses conclusions d'appel, il faisait valoir que lors de sa déclaration de créance, établie le 11 février 1991, par la société Fiat France pour le compte de la société Sofice, cette dernière n'était pas subrogée dans les droits de la société Iveco et le déclarant n'était pas valablement mandaté, de sorte, que faute d'avoir procédé à une déclaration valable dans les délais légaux, la créance de la société Sofice était éteinte ; que la cour d'appel, qui s'est bornée à retenir que la déclaration de la société Sofice était subsidiaire et à affirmer " en conséquence " qu'elle était subrogée dans les droits de la société Iveco, sans répondre au préalable aux moyens susvisés, a entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que le revendiquant n'avait pas l'obligation de déclarer sa créance et qu'en intentant une action en revendication, la société Sofice n'avait fait qu'exercer l'un des attributs du droit de propriété, la cour d'appel a répondu, en les écartant, aux conclusions invoquées ;
que le moyen n'est donc pas fondé ;
Et sur le deuxième moyen
Attendu que le liquidateur judiciaire fait grief aussi à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de la société Sofice, alors, selon le pourvoi, que les marchandises qui ont été incorporées à des biens fabriqués ne peuvent faire l'objet d'une revendication ; qu'en l'espèce, dès lors qu'elle constatait que les moteurs revendiqués équipaient les navires en cours de finition ou finis, dans lesquels ils étaient insérés, la cour d'appel ne pouvait affirmer qu'ils avaient été retrouvés en nature car leur incorporation n'était pas irréversible et condamner de ce fait le liquidateur à les restituer sans violer l'article 121 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu qu'ayant, par motifs adoptés, relevé que la reprise des moteurs ne nécessitait qu'un simple démontage, ce dont il résulte que les moteurs existaient encore en nature, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ; Mais sur le troisième moyen pris en sa troisième branche
Vu les articles 40 et 121 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu que, pour appliquer l'article 121 de la loi du 25 janvier 1985 à l'exclusion de l'article 40 de la même loi, l'arrêt relève que les moteurs revendiqués le 18 février 1991 ont été utilisés dans le cadre de la poursuite d'activité et retient que c'est en fraude des droits de la société Sofice qu'ils ont été vendus ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la revendication ne rend pas les marchandises vendues avec clause de réserve de propriété indisponibles tandis que l'activité de l'entreprise est poursuivie, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le troisième moyen pris en ses première et quatrième branches
Vu l'article 40, alinéa 25°, de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu que, pour condamner le liquidateur à payer le prix des moteurs, sur le fondement de l'article 121 de la loi du 25 janvier 1985, l'arrêt retient que la créance du prix est subrogée aux moteurs ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que cette créance, née régulièrement après le jugement d'ouverture de la procédure collective entrait dans les prévisions de l'article 40 de la loi précitée, la cour d'appel a violé celui-ci ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 septembre 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers.