COMM. IK
COUR DE CASSATION
Audience publique du 1er octobre 2013
Cassation
M. ESPEL, président
Arrêt no 905 F-P+B
Pourvoi no U 12-23.456
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE,
FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par M. Pierre Z, domicilié Pamiers, agissant en qualité de liquidateur amiable de la société Transports Pierre Gomez et fils,
contre l'arrêt rendu le 7 juin 2012 par la cour d'appel de Caen (2e chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant à la société Logidis comptoirs modernes, dont le siège est Paris Mondeville,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 3 septembre 2013, où étaient présents M. Espel, président, M. Lecaroz, conseiller référendaire rapporteur, M. Gérard, conseiller doyen, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Lecaroz, conseiller référendaire, les observations de Me Foussard, avocat de M. Z, de la SCP Odent et Poulet, avocat de la société Logidis comptoirs modernes, l'avis de M. Le Mesle, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Logidis comptoirs modernes (la société Logidis), commissionnaire de transport, a confié durant une quinzaine d'années à la société Transports Pierre Gomez et fils des tournées régulières de livraisons de produits frais ; que prétendant que la société Logidis avait, les 22 décembre 2005 et 9 juin 2006, mis fin partiellement et sans préavis aux relations commerciales établies, M. Z, désigné liquidateur amiable de la société Pierre Gomez et fils (le liquidateur), l'a assignée le 22 novembre 2007 en dommages-intérêts ;
Sur le second moyen
Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le premier moyen
Vu les articles L. 133-6 et L. 442-6 -I-5o du code de commerce ;
Attendu que le premier de ces textes ne concerne que les actions auxquelles donne lieu le transport de marchandises, à l'exclusion de celles exercées sur le fondement du second ;
Attendu que pour déclarer irrecevables comme prescrites les demandes formées par le liquidateur à l'encontre de la société Logidis, l'arrêt retient que l'action en rupture sans préavis des relations entre la société Logidis et la société Gomez et fils est nécessairement née du contrat de transport, et que, partant, elle se trouve prescrite dans le délai d'un an à compter de la résiliation du contrat conformément aux dispositions de l'article L. 133-6 du code de commerce ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'action pour rupture brutale de relations commerciales établies, fussent-elles nées d'un contrat de transport, n'est pas soumise à la prescription annale de l'article L. 133-6 du code de commerce, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 juin 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen, autrement composée ;
Condamne la société Logidis comptoirs modernes aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour M. Z, ès qualités ;
PREMIER MOYEN DE CASSATION
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a, infirmant le jugement entrepris, déclaré les demandes formées par M. Z, agissant ès qualités de liquidateur amiable de la société TRANSPORTS Z GOMEZ ET FILS, à l'encontre de la société LOGIDIS COMPTOIRS MODERNES, irrecevables comme prescrites ;
AUX MOTIFS QUE " si l'action délictuelle en rupture brutale de relations commerciales établies opposant un transporteur à l'expéditeur donneur d'ordre est effectivement fondée sur l'article L.442-64-5o du code de commerce, il est en revanche de principe que ces dispositions ne s'appliquent pas aux relations commerciales de transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants, dès lors que l'article 12-2 du contrat type annexé au décret du 26 décembre 2003, qui régit en application de l'article 8-II de la loi du 30 décembre 1982 les rapports entre l'opérateur de transport et le sous-traitant à défaut de dispositions contractuelles contraires, prévoit la durée des préavis de rupture à respecter en fonction de la durée de la relation ; que ce contrat type est bien applicable à la cause, dès lors que, selon ses articles 1er et 3, il régit les relations entre un transporteur sous-traitant et un opérateur de transport défini comme un commissionnaire de transport ou un transporteur principal, qu'il est constant que la société Logidis exécute une activité de commissionnaire de transport pour le compte des sociétés du groupe Carrefour, et que les parties ne sont convenues d'aucunes dispositions contractuelles contraires au contrat type ; qu'il s'en déduit que l'action en rupture sans préavis des relations entre la société Logidis et la société Gomez est nécessairement née du contrat de transport, et que, partant, elle se trouve prescrite dans le délai d'un an à compter de la résiliation du contrat conformément aux dispositions de l'article L.133-6 du code de commerce ; que Monsieur Z fait grief à la société Logidis d'avoir progressivement rompu leurs relations entre décembre 2005 et le 9 juin 2006, mais n'a assigné le commissionnaire que plus d'un an plus tard, le 22 novembre 2007 ; que ses demandes sont donc irrecevables, et le jugement attaqué devra par conséquent être infirmé en tous points ";
ALORS QUE la rupture brutale d'une relation commerciale établie engage la responsabilité délictuelle de son auteur, de sorte que, à supposer même que les parties soient liées par un contrat de transport, l'action indemnitaire n'est pas soumise à la prescription annale prévue par l'article L. 133-6 du code de commerce ; qu'au cas d'espèce, les juges du fond ont retenu que les demandes formées par M. Z, agissant ès qualités, à l'encontre de la société LOGIDIS tombaient sous le coup de la prescription annale dès lors qu'elles découlaient d'un contrat qualifié de contrat de transport, cependant que M. Z, agissant ès qualités, se bornait à stigmatiser la rupture abusive du contrat, les conditions dans lesquelles la rupture s'est produite pouvant constituer une rupture de relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-6-I-5o du code de commerce ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ce fondement, qui faisait échapper les demandes à la prescription annale, les juges du fond ont violé les articles L. 442-6-I-5o et L. 133-6 du code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a, infirmant le jugement entrepris, déclaré les demandes formées par M. Z, agissant ès qualités de liquidateur amiable de la société TRANSPORTS Z GOMEZ ET FILS, à l'encontre de la société LOGIDIS COMPTOIRS MODERNES irrecevables comme prescrites ;
AUX MOTIFS QUE " si l'action délictuelle en rupture brutale de relations commerciales établies opposant un transporteur à l'expéditeur donneur d'ordre est effectivement fondée sur l'article L.442-64-5o du code de commerce, il est en revanche de principe que ces dispositions ne s'appliquent pas aux relations commerciales de transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants, dès lors que l'article 12-2 du contrat type annexé au décret du 26 décembre 2003, qui régit en application de l'article 8-II de la loi du 30 décembre 1982 les rapports entre l'opérateur de transport et le sous-traitant à défaut de dispositions contractuelles contraires, prévoit la durée des préavis de rupture à respecter en fonction de la durée de la relation ; que ce contrat type est bien applicable à la cause, dès lors que, selon ses articles 1er et 3, il régit les relations entre un transporteur sous-traitant et un opérateur de transport défini comme un commissionnaire de transport ou un transporteur principal, qu'il est constant que la société Logidis exécute une activité de commissionnaire de transport pour le compte des sociétés du groupe Carrefour, et que les parties ne sont convenues d'aucunes dispositions contractuelles contraires au contrat type ; qu'il s'en déduit que l'action en rupture sans préavis des relations entre la société Logidis et la société Gomez est nécessairement née du contrat de transport, et que, partant, elle se trouve prescrite dans le délai d'un an à compter de la résiliation du contrat conformément aux dispositions de l'article L.133-6 du code de commerce ; que Monsieur Z fait grief à la société Logidis d'avoir progressivement rompu leurs relations entre décembre 2005 et le 9 juin 2006, mais n'a assigné le commissionnaire que plus d'un an plus tard, le 22 novembre 2007 ; que ses demandes sont donc irrecevables, et le jugement attaqué devra par conséquent être infirmé en tous points ";
ALORS QUE, lorsqu'un contrat prévoit une prestation de transport, mais n'est toutefois pas limité au déplacement de la marchandise dès lors que d'autres obligations y sont adjointes, les règles spéciales de prescription prévues par l'article L. 133-6 du code de commerce ne sauraient lui être appliquées ; qu'au cas d'espèce, en retenant que les demandes indemnitaires formulées par M. Z, agissant ès qualités de liquidateur amiable de la société TRANSPORTS Z GOMEZ ET FILS, se heurtaient à la prescription annale de l'article L. 133-6 du code de commerce, quand le caractère complexe du contrat devait aboutir à ce qu'il échappe aux règles spéciales de prescription de l'article L. 133-6 du code de commerce au profit des règles de droit commun, les juges du fond ont violé les article L. 133-6 et L. 110-4 du code de commerce, ensemble l'article 1787 du code civil.