Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 19 Février 1997
Rejet
N° de pourvoi 96-85.884
Président M. Guilloux, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Demandeur X
Rapporteur M. Le ....
Avocat général M. Cotte.
Avocat la SCP Gatineau.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
REJET du pourvoi formé par X, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, du 5 juillet 1996, qui l'a renvoyée devant la cour d'assises de Paris sous l'accusation de violences ayant entraîné une infirmité permanente et commise sur un mineur de 15 ans par un ascendant.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 216, 591 et 593 du Code de procédure pénale et des droits de la défense
" en ce que l'arrêt n'a pas fait mention des pièces jointes au mémoire déposé au greffe par le conseil de X ;
" alors qu'en ne mentionnant pas les pièces que l'avocat de X avait jointes à son mémoire déposé au greffe, l'arrêt attaqué n'a pas satisfait aux conditions essentielles de son existence légale " ;
Attendu qu'en faisant état du mémoire produit devant eux, les juges n'ont pu qu'englober dans leur visa, conforme à l'article 216, alinéa 1er, du Code de procédure pénale, les pièces qui y étaient jointes ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 211, 212 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale
" en ce que l'arrêt a renvoyé X à comparaître devant la cour d'assises de Paris du chef de coups portés par mère à enfant de moins de 15 ans, ayant entraîné la cécité ;
" aux motifs qu'il résulte de l'information et des divers rapports d'expertise que l'enfant a subi des violences volontaires ; que seule sa mère qui n'en conteste d'ailleurs que la gravité et les conséquences, a pu être à l'origine de ces violences ; qu'un lien de causalité, bien que soumis à un mécanisme durable et complexe, a été établi par les experts entre les violences volontairement exercés et l'infirmité permanente, sous forme de cécité totale définitive dont est atteint l'enfant ; qu'il existe donc des charges suffisantes, de nature à justifier le renvoi devant la juridiction criminelle de jugement de X ;
" 1° Alors qu'en se bornant à relever que l'enfant avait été victime de violences volontaires, sans caractériser lesdites violences ni expliquer en quoi elles avaient été volontaires, l'arrêt a privé sa décision de base légale ;
" 2° Alors que dans le procès-verbal d'interrogatoire, du 18 avril 1994, X avait admis d'une part, avoir par imprudence laissé tomber en voulant la coucher l'enfant dont la tête avait frappé les barreaux du lit, et d'autre part, avoir légèrement secoué sa fille pour l'empêcher de pleurer ; qu'en interprétant cette pièce comme un aveu des violences volontaires dont seules les conséquences et la gravité auraient été contestées quand X contestait expressément le caractère volontaire des violences caractérisées par la chute de l'enfant sur son lit et la qualification des légères secousses en violences, la cour d'appel a dénaturé le procès-verbal litigieux ;
" 3° Alors qu'en se bornant à affirmer de façon péremptoire que seule la mère avait pu être à l'origine des violences subies par l'enfant sans plus en justifier, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs ;
" 4° Alors que le rapport d'expertise du 4 juillet 1994 excluait tout lien de causalité entre les fractures du crâne et la cécité et précisait que cette dernière avait pour origine une souffrance prolongée par compression de toute la voie optique rétro chiasmatique bilatérale ; qu'en estimant que les experts avaient conclu à un lien de causalité entre les violences commises sur l'enfant et la cécité dont il était atteint, la cour d'appel a dénaturé le rapport du 4 juillet 1994 ;
" 5° Alors que le rapport d'expertise du 23 janvier 1995 avait, d'une part, exclu tout lien de causalité direct ou indirect entre les fractures décelées sur le crâne de l'enfant et la cécité dont celui-ci avait été atteint et, d'autre part, seulement émis l'hypothèse d'une cécité ayant pour origine les secousses de l'enfant ; qu'en déduisant de cette pièce que les experts avaient établi un lien de causalité entre les violences volontaires dont l'enfant avait été victime et la cécité dont il était atteint, les juges du fond ont dénaturé le rapport du 23 janvier 1995 " ;
Attendu que, pour renvoyer X devant la cour d'assises sous l'accusation de violences ayant entraîné une infirmité permanente et commise sur un mineur de 15 ans par un ascendant, l'arrêt attaqué, après avoir exposé et analysé les faits, énonce que l'enfant Y a subi des violences volontaires que seule sa mère a pu lui infliger et qui ont entraîné une cécité totale et définitive de la victime ;
Attendu qu'en cet état les juges, qui ont répondu comme ils le devaient aux articulations essentielles du mémoire dont ils étaient saisis, ont relevé l'existence de charges suffisantes contre l'intéressée pour ordonner son renvoi devant la cour d'assises ;
Qu'en effet il résulte des articles 214 et 215 du Code de procédure pénale que les chambres d'accusation apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d'une infraction et la Cour de Cassation n'a d'autre pouvoir que de vérifier, à supposer ces faits établis, si leur qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ;
Que tel étant le cas en l'espèce, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que la chambre d'accusation était compétente ; qu'il en est de même de la cour d'assises devant laquelle X a été renvoyée ; que la procédure est régulière et que les faits, objet de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;
REJETTE le pourvoi.