CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 février 2024
Cassation partielle sans renvoi
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 117 F-B
Pourvoi n° S 22-10.614
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 FÉVRIER 2024
1°/ M. [D] [S],
2°/ Mme [K] [I], épouse [S],
tous deux domiciliés [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° S 22-10.614 contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2021 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 2e chambre, section A), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Sogessur, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société Groupama méditerranée, société de réassurance mutuelle,
dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. et Mme [S], de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de la société Groupama méditerranée, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société Sogessur, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 décembre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 18 novembre 2021), invoquant des désordres sur leur maison liés à la sécheresse de l'année 2007, M. et Mme [S] ont assigné leur assureur, la société Sogessur, devant un tribunal de grande instance aux fins de voir dire que la garantie de la compagnie d'assurances est acquise et la condamner au paiement de la somme principale de 170 985 euros représentant la reprise en sous-oeuvre par micro-pieux des fondations de la maison.
2. Par arrêt irrévocable du 8 mars 2018, ils ont été déboutés de leurs demandes.
3. Constatant en 2017, l'apparition de fissures en façade, M. et Mme [S] ont procédé le 4 septembre 2017 à une déclaration de sinistre auprès de leur nouvel assureur, la société Groupama méditerranée, qui, après une expertise, a refusé sa garantie.
4. M. et Mme [S] ont saisi un juge des référés qui, par ordonnance du 17 septembre 2018, a ordonné une expertise.
5. Le 24 mars 2020, M. et Mme [S] ont assigné la société Groupama méditerranée et la société Sogessur aux fins de les voir condamnées au paiement de diverses sommes l'une au titre des démolitions.
6. Saisi par la société Sogessur de conclusions d'incident aux fins de voir déclarer M. et Mme [S] irrecevables en leur action en raison de l'autorité de la chose jugée notamment, un juge de la mise en état a débouté la société Sogessur de ses demandes.
7. La société Sogessur a relevé appel de cette ordonnance.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. M. et Mme [S] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 8 mars 2018, leurs demandes envers la société Sogessur introduites par assignation du 24 mars 2020, alors « que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée à une demande qui, tendant à la réparation d'un élément de préjudice non inclus dans la demande initiale, a un objet différent de celle ayant donné lieu au premier jugement ; qu'en l'espèce, par un arrêt confirmatif du 8 mars 2018, la cour d'appel de Nîmes a rejeté la demande des époux [S] aux fins de voir condamner la société Sogessur au paiement de la somme principale de 170 985 euros représentant la reprise en sous-uvre par micro-pieux des fondations de la maison ; qu'en déclarant irrecevable, comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 8 mars 2018, la demande des époux [S] à l'encontre de la société Sogessur introduite par l'assignation du 24 mars 2020 et aux fins notamment de condamnation de cette société à garantir le coût des travaux de démolition/reconstruction de leur villa à hauteur de 393 960 euros, quand cette demande des époux [S] avait un objet distinct de celle rejetée par l'arrêt du 8 mars 2018, à savoir la réparation d'un préjudice nouveau compte tenu de l'aggravation des dommages subis par leur maison, la cour d'appel a violé l'
article 1355 du code civil🏛. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1355 du code civil :
9. Aux termes de ce texte, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
10. Il résulte du même texte que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation reconnue antérieurement en justice.
11. Pour infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état ayant débouté la société Sogessur de ses demandes et déclarer irrecevables comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 8 mars 2008, les demandes de M. et Mme [S] envers la société Sogessur introduites par assignation du 24 mars 2020, l'arrêt retient que la demande a le même objet, soit l'indemnisation des époux [S] au titre de la garantie catastrophe naturelle souscrite auprès de la société Sogessur relativement à l'événement de catastrophe naturelle reconnu par l'arrêté du 7 octobre 2017.
12. En statuant ainsi, alors que les demandes introduites par l'assignation du 24 mars 2020, qui avaient pour objet la condamnation de la société Sogessur au paiement des sommes de 393 960 euros au titre des travaux de démolition/construction, 60 000 euros au titre du préjudice de jouissance, 3 600 euros au titre des frais de transport des meubles pour les frais de transport de meubles pour le déménagement et ré-aménagement, 1 920 euros au titre de garde meuble et 12 000 euros au titre de frais de relogement, résultaient d'événements postérieurs venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
13. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif de M. et Mme [S], il est fait application des
articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire🏛 et 627 du code de procédure civile.
14. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
15. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes n° 10 et 12 qu'il y a lieu de confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état ayant rejeté les demandes de la société Sogessur et de dire que l'instance se poursuivra devant le tribunal judiciaire d'Avignon entre M. et Mme [S], la société Sogessur et la société Groupama méditerranée.
Mise hors de cause
16. La demande de mise hors de cause de la société Groupama méditerranée est sans objet en conséquence de la cassation sans renvoi ainsi prononcée.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a débouté la société Sogessur, et statuant à nouveau de ces seuls chefs et y ajoutant, déclare irrecevables comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 8 mars 2008, les demandes de M. et Mme [S] envers la société Sogessur introduites par assignation du 24 mars 2020 et condamne M. et Mme [S] aux dépens de l'incident en première instance et aux dépens d'appel, l'arrêt rendu le 18 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Confirme l'ordonnance du juge de la mise en état du 1er mars 2021 ;
Dit que l'instance se poursuivra devant le tribunal judiciaire d'Avignon entre M. et Mme [S], la société Sogessur et la société Groupama méditerranée ;
Dit n'y avoir lieu à mise hors de cause de la société Groupama méditerranée ;
Condamne la société Sogessur et la société Groupama méditerranée aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société Sogessur et la société Groupama méditerranée et condamne la société Sogessur à payer à M. et Mme [S] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-quatre et signé par Mme Isabelle Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.