Cour de Cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 21 Janvier 1997
Cassation.
N° de pourvoi 94-19.68994-20144
Président M. Lemontey .
Demandeur Société Legendre
Compagnie Le Continent
Défendeur compagnie Le Continent et autres
société Legendre et autres.
Rapporteur M. ....
Avocat général M. Roehrich.
Avocats la SCP de Chaisemartin et Courjon, la SCP Boré et Xavier, la SCP Le Bret et Laugier, la SCP Piwnica et Molinié.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Joint, en raison de leur connexité, les pourvois n°s 94-20144 et 94-19689 ;
Dit n'y avoir lieu aux mises hors de cause sollicitées ;
Attendu que la Compagnie nouvelle de manutention et de transport (CNMT), chargée par la société HACO de transporter des presses d'emboutissage, a confié à la société Legendre, assurée auprès de la compagnie Le Continent, la réalisation des emballages, cette dernière confiant à son tour à la société Chaudro Technic, assurée auprès de la compagnie La Concorde, la fabrication des châssis métalliques de ces emballages ; qu'à l'occasion de travaux portant sur ces châssis un incendie a endommagé les presses et l'emballage ; que la société HACO, indemnisée d'une partie de son préjudice par son propre assureur, ainsi que ce dernier, subrogée dans ses droits à due concurrence, ont engagé une procédure contre la CNMT, laquelle a appelé en garantie les sociétés Chaudro Technic et Legendre, cette dernière appelant à son tour en garantie la compagnie Le Continent et la compagnie La Concorde ; qu'enfin la compagnie Le Continent a elle-même demandé à être garantie par la société Chaudro Technic et par son assureur, la compagnie La Concorde ;
Sur le moyen unique du pourvoi formé par la société Le Continent
Vu l'article L 124-3 du Code des assurances, ensemble les articles 334 et 336 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que le tribunal de commerce a notamment condamné la société Legendre à garantir la CNMT des condamnations prononcées contre elle au profit de la société HACO, et a dit que la compagnie Le Continent devrait payer à son assuré la somme de 500 000 francs correspondant à son plafond de garantie ; que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la demande en garantie formé par cet assureur contre la société Chaudro Technic et son assureur, la compagnie La Concorde, au motif que l'action directe n'était pas ouverte à la compagnie Le Continent dès lors qu'elle n'avait pas désintéressé son assuré ;
Attendu, cependant, qu'une partie assignée en justice est en droit d'en appeler une autre en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle ; qu'une telle demande en garantie est distincte de l'action directe prévue par le Code des assurances ; que la compagnie Le Continent, qui exerçait contre les sociétés Chaudro Technic et La Concorde une action en garantie, n'avait, dès lors, pas à justifier du paiement préalable de la condamnation prononcée contre elle par le jugement dont elle interjetait appel ; d'où il suit qu'en statuant comme elle a fait la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen unique pris en ses deux branches du pourvoi formé par la société Legendre
Vu les articles 548 et 550 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que lorsqu'un jugement contient plusieurs chefs distincts et qu'une partie interjette appel de l'un d'eux, l'intimé peut former un appel provoqué des autres chefs contre un autre intimé s'il existe, quant à l'objet du litige, un lien juridique entre toutes les parties ;
Attendu que la compagnie Le Continent avait formé un appel principal contre la décision du tribunal de commerce, dont elle demandait la réformation en ce qui concerne, d'une part, sa condamnation au paiement de la somme de 500 000 francs à la société Legendre, avec intérêt de droit à compter de l'assignation, d'autre part, le refus de condamner les sociétés Chaudro Technic et La Concorde à la garantir de cette condamnation ; que, pour déclarer irrecevable l'appel provoqué formé par la société Legendre contre les sociétés Chaudro Technic et La Concorde, la cour d'appel a énoncé qu'il n'existait pas de lien de connexité entre les deux appels ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il existait un lien juridique entre toutes les parties quant à l'objet du litige, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 mai 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen.