Jurisprudence : Cass. soc., 14-01-1997, n° 93-46.633, Cassation partielle



ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Sociale
14 Janvier 1997
Pourvoi N° 93-46.633
Mme Yolène ...
contre
société SOGARA, société anonyme
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par Mme Yolène ..., demeurant 19, en cassation d'un arrêt rendu le 26 octobre 1993 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale), au profit de la société SOGARA, société anonyme, dont le siège est Mérignac Cedex, défenderesse à la cassation ;

LA COUR, composée selon l'article L 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 19 novembre 1996, où étaient présents Mme Ridé, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Trassoudaine-Verger, conseiller référendaire rapporteur, MM ..., ..., conseillers, M. Chauvy, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre; Sur le rapport de Mme Trassoudaine-Verger, conseiller référendaire, les conclusions de M. Chauvy, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme ... au service de la société SOGARA, exploitant un hypermarché à l'enseigne Carrefour, depuis le 13 juin 1974 en qualité d'employée au rayon de boulangerie pâtisserie, a été victime, courant 1988, d'une affection d'origine non professionnelle lui interdisant le port de charges supérieures à 5 kg; que son état s'étant aggravé, le médecin du travail l'a déclarée le 8 mars 1991, inapte à tout port de charge associé à un travail statique debout prolongé et a préconisé un reclassement à tout autre poste assis, tel que cabine d'essayage ou caissière; que la salariée ayant refusé un poste de gardien de sécurité proposé par l'employeur, ce dernier a procédé à son licenciement; qu'estimant que l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement telle que définie par le médecin du travail, Mme ... a saisi le conseil de prud'hommes; Sur le second moyen Attendu que Mme ... fait grief à l'arrêt d'avoir refusé de calculer son indemnité de licenciement par application des usages bordelais dans le commerce, alors qu'il est constant qu'il existe "un usage constant et ancien sur la place de Bordeaux accordant à tout employé de commerce licencié après quatre années de présence, une indemnité de congédiement calculée en fonction de son ancienneté; que cet usage s'étend au commerce sans distinction ni limitation; qu'il n'est pas contesté que Mme ... occupait un poste d'employée au sein de la société SOGARA, inscrite au registre du commerce; qu'ainsi, elle pouvait prétendre au calcul de l'indemnité de licenciement par application des usages bordelais dans le commerce; que la cour d'appel de Bordeaux a d'ailleurs jugé en ce sens s'agissant de salariés travaillant au sein d'établissements relevant de la même convention collective que la société SOGARA; que la Cour de Cassation elle-même, aux termes de l'arrêt en date du 8 janvier 1964 précité, a rappelé eu égard au procès verbal d'accord conclu le 12 juin 1919 entre un comité exécutif des grands groupements économiques bordelais et des associations professionnelles d'employés de commerce, que cet usage s'étendait au commerce sans distinction ni limitation; qu'il est inopérant de retenir que le procès-verbal d'accord du 12 juin 1919 exclut de son champ d'application les salariés privés de leur emploi pour faute ou inaptitude professionnelle, la salariée ayant été déclarée apte par le médecin inter-entreprise à occuper un poste au sein de la société SOGARA et n'ayant pas été licenciée pour inaptitude, mais pour avoir refusé un reclassement; que les juges du contrat de travail étaient liés par les motifs figurant aux termes de la lettre de licenciement, par application des dispositions de l'article L 122-14-2 du Code du travail; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision; Mais attendu que, sous couvert de grief non fondé de défaut de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond qui ont constaté que la salariée n'établissait pas le caractère constant et actuel de l'usage invoqué; que par ce seul motif, elle a légalement justifié sa décision; que le moyen n'est pas fondé; Mais, sur le premier moyen
Vu l'article L 241-10-1 du Code du travail ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de poste, que le chef d'entreprise est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite; qu'en cas de difficulté ou de désaccord, la décision est prise par l'inspecteur du travail après avis du médecin inspecteur du travail; Attendu que, pour rejeter la demande en dommages-intérêts de la salariée pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, la cour d'appel a énoncé que Mme ... reproche en particulier à la société SOGARA de ne pas lui avoir proposé un poste de caissière, alors qu'un tel poste faisait partie de ceux préconisés pour son reclassement par le médecin du travail; qu'il n'apparaît pas contestable que le licenciement ait été précédé de la recherche par l'employeur d'un reclassement respectueux des contre-indications énoncées par le médecin du travail; que les propositions citées par ce dernier ne l'étaient qu'à titre d'exemple et que c'est légitimement que la société SOGARA a pu considérer, compte tenu des caractéristiques des différents postes envisagés, que celui proposé par lui, de gardien de sécurité était plus adapté que celui de caissière aux capacités réelles de Mme ...; qu'il n'est pas démontré, par ailleurs, qu'un poste de préposée aux cabines d'essayage ait pu être offert à la salariée, la société SOGARA faisant légitimement valoir qu'il n'en existait pas de disponible; que le refus de Mme ..., qui s'avère de pure convenance personnelle, du poste de reclassement satisfaisant aux prescriptions médicales et proposé par l'employeur comme étant le plus conforme à l'aptitude réduite de la salariée constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement conduisant à rejeter sa demande de dommages intérêts; Mais attendu que l'avis du médecin du travail ne peut faire l'objet, tant de la part de l'employeur que du salarié, que d'un recours administratif devant l'inspecteur du travail et qu'il n'appartient pas aux juges du fond de substituer leur appréciation à celle du médecin du travail sur l'inaptitude d'un salarié à occuper un poste de travail; Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait des constatations de l'arrêt que l'employeur, aux seuls motifs de l'inaptitude de la salariée et d'une indisponibilité de postes, n'a pas tenté de procéder au reclassement de l'intéressée dans tous les emplois proposés par le médecin du travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé;

PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que le licenciement était intervenu pour une cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 26 octobre 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.

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