ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Civile 1
17 Décembre 1996
Pourvoi N° 94-20.450
Consorts ...
contre
société Ragot frères.
Sur le moyen unique
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, le 2 décembre 1985, M. ... a émis un chèque sans provision de 31 903,20 francs à l'ordre de la société Ragot frères, avec laquelle il était en relation d'affaires ; que, le 21 janvier 1986, il a écrit à cette société pour solliciter des délais de paiement ; que, par acte notarié du 24 février 1986, les époux ... ont fait donation à leurs deux enfants de la nue-propriété de divers immeubles, évalués dans l'acte à la somme de 80 000 francs ; que, par lettre du 15 mars 1986, M. ... s'est reconnu débiteur envers la société Ragot de la somme de 111 927,25 francs, montant de plusieurs factures s'échelonnant d'octobre à décembre 1985 ; que, le 22 mars 1990, la même société, agissant sur le fondement de l'action paulienne, a assigné les époux ... en inopposabilité de la donation-partage du 24 février 1986 ; que l'arrêt attaqué (Nancy, 24 mai 1994) a accueilli cette demande ;
Attendu que les consorts ... font grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, que, lorsqu'un acte à titre gratuit est argué de fraude, le juge doit rechercher si le débiteur n'avait pas déjà manifesté son intention libérale avant la naissance de la créance dont se prévaut le demandeur à l'action paulienne ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui, tout en constatant que cette action était fondée sur des factures s'échelonnant d'octobre à décembre 1985, a jugé qu'il importait peu que les époux ... aient manifesté leur intention libérale dès le 10 juillet 1985 en prenant contact avec leur notaire pour établir une donation-partage, dès lors que cet acte de donation avait été dressé postérieurement à la naissance de la créance, a méconnu le principe susvisé et violé l'article 1167 du Code civil ;
Mais attendu que c'est à la date à laquelle le débiteur se dépouille de certains éléments de son patrimoine qu'il convient de se placer pour déterminer l'existence ou non d'une fraude paulienne ; qu'il importe donc peu, en l'espèce, que le notaire ait été chargé dès le 10 juillet 1985, c'est-à-dire antérieurement à la naissance de la créance, d'établir un acte de donation-partage, dès lors que, le 24 février 1986, date de signature de cet acte portant sur des biens évalués à 80 000 francs, M. ..., débiteur à cette date de la somme de 111 927,25 francs, ne pouvait pas ne pas avoir conscience du préjudice qu'il causait à son créancier en aggravant son insolvabilité ; qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi.