MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur les demandes d'indemnisation au titre de la perte de chance
Pour être indemnisable, une perte de chance suppose la réunion de trois conditions :
- un fait générateur de responsabilité,
- la probabilité d'une éventualité favorable, cette probabilité étant caractérisée dès lors qu'il existe une chance, même minime, que l'événement favorable se réalise,
- la disparition de la probabilité de réalisation de l'événement favorable en raison du fait générateur de responsabilité.
La perte de chance subie par le justiciable qui a été privé de la possibilité de faire valoir ses droits, en raison des manquements de son conseil, se mesure à la seule probabilité du succès de l'action qui n'a pas été exercée. Pour apprécier les chances de succès de la voie de droit envisagée, il incombe au juge du fond de reconstituer la discussion qui n'a pas pu s'instaurer devant la juridiction par la faute du conseil au vu des conclusions des parties et des pièces produites aux débats.
1.1. Sur le fait générateur de responsabilité
La salariée soutient que le syndicat a commis une faute dans la direction du procès qu'elle souhaitait intenter devant le conseil de prud'hommes, notamment en ce qu'il a laissé se périmer l'instance. Elle ajoute que cette péremption intervient après deux radiations consécutives à une absence de diligences de la part du syndicat, ce qui démontre la carence de celui-ci. Elle fait valoir également que la prescription des faits a été acquise depuis, conséquemment à la faute du syndicat. Enfin, elle affirme que le syndicat a reconnu sa responsabilité, ainsi que les préjudices en découlant.
Le syndicat et l'assureur répliquent qu'il n'est pas possible de déduire des courriers adressés au conseil de la salariée, dans desquels le syndicat indique qu'il va mobiliser son assureur de responsabilité civile, la preuve d'une reconnaissance de responsabilité. Ils ajoutent toutefois qu'il n'est pas contesté que l'instance initiée en 2014 est périmée et ne peut plus être réintroduite, et que le syndicat a commis un manquement.
Réponse de la cour
C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges, après avoir rappelé les dispositions de l'
article 1992 du code civil🏛 selon lesquelles le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion, ont retenu, pour juger que la faute du syndicat est caractérisée, qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que ce dernier, qui assistait la salariée, a laissé périmer l'action après une radiation, comme l'a constaté le conseil de prud'hommes dans son jugement du 15 avril 2019, et que les délais de prescription s'appliquant aux prétentions formulées par la salariée étaient expirés au jour du jugement constatant la péremption.
En cause d'appel, les intimés reconnaissent d'ailleurs que le syndicat a commis un manquement.
1.2. Sur la perte de chance au titre de la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée
La salariée soutient qu'elle a conclu trois contrats à durée déterminée, dont le dernier pour surcroit d'activité liée à l'évaluation interne alors qu'il lui avait été indiqué qu'elle était en remplacement d'une salariée démissionnaire. Elle ajoute qu'alors qu'il incombait à l'employeur d'apporter la preuve de la validité du recours aux contrats à durée déterminée, cette preuve n'a pas été rapportée en l'espèce. Elle estime qu'en raison du caractère certain de la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, elle est fondée à solliciter l'équivalent de 90 % du montant sollicité devant le conseil de prud'hommes, soit 12 600 euros.
Le syndicat et l'assureur répliquent que la salariée n'apporte aucun élément de preuve pour justifier que le contrat à durée déterminée a été conclu dans le but de palier l'absence d'une salariée démissionnaire. Ils en déduisent que l'action sur ce point n'avait pas de chance de prospérer devant le conseil de prud'hommes. Ils soutiennent, à titre subsidiaire, que la demande formée par la salariée est disproportionnée au regard du montant de son salaire et de l'
article 1245-2 du code du travail🏛 qui prévoit une indemnité à la charge de l'employeur ne pouvant être inférieure à un mois de salaire, et qu'elle repose sur un calcul erroné.
Réponse de la cour
Selon l'
article L. 1242-1 du code du travail🏛, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
L'
article L. 1242-2 du même code🏛 dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d'un salarié (1°) et l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise (2°).
Selon l'article L.1245-1, est réputé à durée indéterminée tout contrat conclu en méconnaissance des dispositions des
articles L. 1242-1 à L. 1242-4, L. 1242-6 à L. 1242-8, L. 1242-12 alinéa 1, L. 1243-11 alinéa 1, L. 1243-13, L. 1244-3 et L. 1244-4 du même code🏛🏛🏛.
Ainsi, la conclusion de contrats à durée déterminée en méconnaissance de l'article L 1242-1 du code du travail entraîne la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée.
En cas de recours à des contrats à durée déterminée successifs, il appartient aux juges du fond d'apprécier les éléments de fait concrets propres à établir le caractère par nature temporaire de l'emploi et à justifier le recours à l'utilisation de ces contrats.
En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que la salariée a conclu avec l'employeur, entre le 14 février 2013 et le 31 janvier 2014, trois contrats à durée déterminée motivés par le remplacement d'un salarié absent (contrat n° 2) et par un « surcroît d'activité lié à l'évaluation interne » (contrat n° 3), le motif du recours au premier contrat étant inconnu dans la mesure où seule l'attestation de travail est produite, à l'exclusion du contrat de travail lui-même.
C'est à tort que le tribunal a considéré, pour retenir qu'il n'est pas démontré de perte de chance d'obtenir une indemnité de requalification, que les deux contrats versés aux débats précisent les motifs du recours à ces emplois à durée déterminée et que la salariée ne verse aucune pièce pour étayer l'allégation selon laquelle les périodes de remplacement ne correspondaient pas vraiment aux périodes d'absence des salariés supposément remplacés, alors que c'est à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat à durée déterminée, et non au salarié de apporter la preuve qu'il exerce au sein de l'entreprise des tâches participant à son activité normale et permanente.
Il résulte de ce qui précède qu'à défaut pour l'employeur de verser aux débats qui auraient dû se tenir devant le conseil de prud'hommes l'ensemble des justificatifs d'absence des salariés pour le remplacement desquels des contrats à durée déterminée avaient été signés avec la salariée et de justifier de la réalité de l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise, la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée était encourue.
En cas de requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, le salarié est en droit de prétendre à une indemnité de requalification ne pouvant être inférieure à un mois de salaire en application de l'article L. 1245-2 du code du travail.
En l'espèce, compte tenu de la durée de la relation de travail, l'indemnité à laquelle la salariée aurait pu prétendre en cas de requalification de la relation de travail peut être évaluée à deux mois de salaire, soit, sur la base d'un salaire mensuel de 1 300 euros, tel qu'il résulte des contrats de travail et des bulletins de paie versés aux débats, une somme de 2 600 euros.
Au regard du faible nombre de contrats signés et de la durée d'un an séparant le premier et le dernier contrats, impliquant une probabilité relativement forte que l'employeur ait été en mesure de justifier de la réalité des absences invoquées, et, à l'inverse, de la difficulté que peut rencontrer un employeur pour justifier d'un accroissement temporaire d'activité, la perte de chance d'obtenir une telle requalification peut être estimée à 40 %.
Aussi convient-il, par infirmation du jugement déféré, de condamner in solidum le syndicat et l'assureur à payer à la salariée la somme de 2 600 x 40% = 1 040 euros.
1.3. Sur la perte de chance au titre du harcèlement moral
La salariée rappelle qu'en matière de harcèlement moral, le salarié doit simplement établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral et qu'il incombe à l'employeur de prouver que les agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Elle affirme avoir été malmenée par les infirmières titulaires et allègue une dégradation de ses conditions de travail, ainsi qu'une altération de son état de santé mentale. Elle fait valoir que ses dires sont corroborés par des témoignages et un dépôt de plainte et que sa demande avait toute chance d'aboutir, le classement sans suite de sa plainte n'ayant aucune incidence sur la réalité des faits qu'elle a subis. Elle s'estime donc fondée à solliciter l'équivalent de 70 % du montant sollicité devant le conseil de prud'hommes, soit 9 800 euros.
Le syndicat et l'assureur soutiennent que les plaintes émises par la salariée ont été reçues par ses supérieurs qui ont tenté de remédier à la situation et ajoutent que la plainte qu'elle a déposée se raccroche à celle déposée par sa belle-s'ur, qui a été classée sans suite. Ils en déduisent que la salariée n'apporte pas la preuve de faits de harcèlement moral et qu'il est démontré que ces faits peuvent s'expliquer par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement. Enfin, ils ajoutent que le préjudice, à le supposer établi, ne saurait sérieusement être de l'ordre de 14 000 euros, ce d'autant que la demande devant le conseil de prud'hommes était de 9 000 euros.
Réponse de la cour
Aux termes de l'
article L. 1152-1 du code du travail🏛, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Et selon l'
article L. 1154-1 du même code🏛, dans sa version applicable à l'espèce, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Un acte isolé et unique ne peut pas constituer un harcèlement moral, quand bien même cet acte se serait maintenu dans le temps.
En l'espèce, la salariée invoque à l'appui de sa demande au titre du harcèlement moral des agressions verbales et des provocations incessantes de la part de ses collègues.
C'est à tort que le tribunal a considéré que la salariée n'établissait pas avoir perdu une chance, même minime, d'obtenir devant le conseil de prud'hommes une somme en réparation du harcèlement moral allégué, au motif qu'elle n'établissait aucun fait permettant de présumer l'existence d'un harcèlement.
En effet, si la plupart des faits allégués ne ressortent que de ses propres écrits, ainsi que l'ont exactement retenu les premiers juges, la salariée verse toutefois aux débats, outre un procès-verbal de dépôt de plainte, deux attestations de collègues qui témoignent, pour l'une, avoir « entendu à maintes reprises [certaines collègues], alors qu'elle conversaient entre elles, formuler les pires reproches à l'encontre de [s]es collègues [X] et [D] [P], qui à [s]es yeux exerçaient leur profession avec sérieux et compétence professionnelle » et pour l'autre, « avoir été témoin de la maltraitance verbale des titulaires envers quelques remplaçantes notamment [P] [D] et [X]» et « avoir vu ces dernières dans un état de stress et d'épuisement face aux réflexions inadaptées de certaines titulaires ».
En outre, la salariée rapporte la preuve de difficultés de santé et d'une souffrance au travail par la production de deux avis d'arrêt de travail datés des 30 décembre 2013 et 29 janvier 2014 pour syndrome dépressif et de deux certificats médicaux datés des 30 décembre 2013 et 16 janvier 2014 certifiant, pour l'un, qu'elle a été reçue en consultation le 30 décembre 2013 alors qu'elle « était en pleurs, attristée par, d'après son récit, les brimades et les harcèlements qu'elle subit sur son lieu de travail ['] cette situation entraîn[ant] un état anxio-dépressif », et pour l'autre, qu'elle a été reçue en consultation le 16 janvier 2014 pour « un état de stress qui serait lié au travail ».
Ces éléments, pris dans leur ensemble, en ce compris les éléments médicaux, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral.
En conséquence, la salariée est fondée à soutenir qu'à défaut pour l'employeur de prouver que ces agissements n'étaient pas constitutifs d'un tel harcèlement et qu'ils étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, le conseil de prud'hommes aurait dû retenir qu'elle a été victime d'agissements répétés de harcèlement moral ayant eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail et une altération de sa santé physique et mentale justifiant l'allocation d'une somme à titre de dommages et intérêts.
Au vu de la nature des faits allégués et de la période concernée, il convient d'évaluer à 6 000 euros le montant des dommages-intérêts qui auraient pu être alloués à la salariée en réparation du préjudice moral résultant des faits de harcèlement moral.
Par ailleurs, la cour évalue à 50 % la perte de chance d'obtenir cette indemnisation. Aussi convient-il de condamner in solidum le syndicat et l'assureur à payer à la salariée la somme de 6 000 x 50% = 3 000 euros.
1.4. Sur la perte de chance au titre de l'exécution fautive du contrat de travail
La salariée soutient que son employeur n'a pas mis en oeuvre des mesures de prévention afin d'éviter les faits de harcèlement moral et qu'il ne pouvait se contenter de mesures visant à faire cesser lesdits agissements. Par conséquent, elle considère que son employeur a commis une faute en ce qu'il a manqué à son obligation de sécurité. Elle ajoute que son indemnisation est possible, peu important que la situation de harcèlement moral soit reconnue ou non.
En réponse, le syndicat et l'assureur font valoir que l'employeur avait pris des mesures puisque sa hiérarchie a reçu la salariée et a même saisi le comité d'établissement et le comité de direction. Ils ajoutent que la salariée ne démontre pas l'existence d'un préjudice distinct de celui afférent au harcèlement moral.
Réponse de la cour
En application de l'
article L. 1222-1 du code du travail🏛, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.
Encore, selon l'
article L. 4121-1 du même code🏛, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
En l'espèce, s'il est exact que le directeur a évoqué les problèmes rencontrés avec les titulaires en réunions du comité d'établissement et du comité de direction et qu'une procédure de licenciement a été initiée à l'encontre d'un salarié et délégué du personnel avec lequel elle relatait avoir rencontré des difficultés, il demeure qu'au vu des pièces qu'elle verse aux débats, la salariée est fondée à soutenir que ces mesures se sont révélées insuffisantes pour empêcher les agressions verbales qu'elle établit avoir subies de la part de collègues au cours de l'exécution des contrats de travail.
Au vu des pièces versées aux débats, notamment médicales, la cour évalue à 3 000 euros le montant des dommages-intérêts qui auraient pu être alloués à la salariée en réparation du préjudice résultant de l'exécution fautive du contrat de travail par l'employeur.
Par ailleurs, dans la mesure où l'employeur aurait pu, dans le cadre du débat devant le conseil de prud'hommes, apporter la preuve de mesures supplémentaires mises en oeuvre pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de la salariée, la cour évalue à 50 % la perte de chance d'obtenir cette indemnisation. Aussi convient-il de condamner in solidum le syndicat et l'assureur à payer à la salariée la somme de 3 000 x 50% = 1 500 euros.
1.5. Sur la perte de chance d'obtenir un rappel de la prime décentralisée
La salariée fait valoir que le responsable administratif de l'employeur a reconnu que le calcul réalisé par l'employeur était erroné, ce qui constitue un acquiescement à la demande et lui permet de solliciter devant la cour, la totalité de la somme demandée devant le conseil de prud'hommes.
En réponse, le syndicat et l'assureur répliquent que l'employeur a parfaitement justifié le montant de la prime puisque les indemnités de fin de contrat ne sont pas prises en compte dans ce calcul.
Réponse de la cour
Ainsi que l'ont justement retenu les premiers juges, la salariée ne verse aux débats aucun courrier du responsable administratif de l'employeur par lequel il reconnaîtrait que le calcul de la prime décentralisée était erroné.
Elle ne verse par ailleurs aucune autre pièce de nature à établir le caractère erroné du calcul de sa prime, ce dont il résulte qu'elle ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une chance, même minime, d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui régler la somme de 68,75 euros sollicitée, outre 6,87 euros au titre des congés payés afférents.
En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef de demande.
1.6. Sur la perte de chance au titre de l'article 700 du code de procédure civile
La cour ayant retenu plus avant que la salariée établit avoir perdu une chance d'obtenir gain cause, au moins partiellement, devant le conseil de prud'hommes au titre de ses demandes principales, il y a lieu de retenir qu'elle a également perdu une chance d'obtenir l'indemnisation de ses frais irrépétibles.
La cour évalue le montant de la condamnation qui aurait pu être prononcée au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 500 euros, sollicitée par la salariée devant le conseil de prud'hommes, et la perte de chance à 50%.
Aussi convient-il, par infirmation du jugement déféré, de condamner in solidum le syndicat et l'assureur à payer à la salariée la somme de 250 euros.
2. Sur les demandes d'indemnisation au titre des préjudices moraux
La salariée fait valoir qu'elle a subi deux préjudices moraux distincts : l'un découlant du défaut de diligence du syndicat dans la conduite de la procédure devant le conseil de prud'hommes, l'autre résultant du défaut de conseil.
Sur le premier, elle précise qu'elle a été très affectée par l'absence de gestion de la procédure par le syndicat et affirme qu'en plus de laisser périmer l'instance, ce dernier a tenté de cacher ses fautes en introduisant une nouvelle procédure devant le conseil de prud'hommes de Montbrisson trois mois après la péremption de l'instance, puis a traîné pour transmettre son dossier à l'assureur. Elle ajoute qu'aucun justificatif de l'état de santé de la personne en charge de sa défense n'est apporté.
Sur le second, elle soutient que le syndicat ne lui a pas fourni des conseils suffisants et qu'il se contredit entre l'argumentaire soutenu devant le conseil de prud'hommes, où il considérait comme légitimes et fondées ses demandes, et l'argumentaire développé devant le tribunal judiciaire, où il était sollicité de la voir déboutée de ses prétentions. Elle estime que le principe de l'estoppel doit s'appliquer puisque la présente procédure a pour objet même le raisonnement tenu par le syndicat devant le conseil de prud'hommes en sa qualité de représentant et que les parties sont identiques. Elle estime qu'il est difficile pour le syndicat de soutenir que ses prétentions n'avaient aucune chance de succès, alors qu'il était à l'origine de celles-ci et qu'en tout état de cause, si ces demandes n'avaient aucune chance de prospérer, il incombait au syndicat de l'en informer au titre de son devoir de conseil.
En réponse, le syndicat et l'assureur répliquent que le délégué en charge de la défense des intérêts de la salariée a rencontré des problèmes de santé qui l'ont écarté de sa mission. Ils ajoutent qu'en saisissant le conseil de prud'hommes de Montbrison, celui-ci a voulu délocaliser l'affaire dans la mesure où il avait été désigné conseiller prud'homal à Saint-Etienne, et que le jugement du 15 avril 2019, qui n'a pas retenu la mauvaise foi, relate bien les difficultés rencontrées par le conseiller.
S'agissant de l'estoppel, ils font valoir que la présente procédure et celle devant les instances prud'homales sont deux procédures distinctes dirigées devant des juridictions différentes. Ils ajoutent que l'assureur ne saurait se voir opposer ce principe, n'étant pas partie devant le conseil de prud'hommes, et qu'il en est de même pour le syndicat puisqu'il n'était pas partie à l'instance devant le conseil des prud'hommes mais l'a seulement initiée.
Réponse de la cour
Sur le premier chef de demande, la cour a reconnu que le syndicat a commis une faute dans l'exécution de son mandat dont il est résulté pour la salariée des préjudices liés à la perte de chance d'obtenir gain de cause devant le conseil de prud'hommes. Cette faute est également à l'origine d'un préjudice moral, la salariée ayant été privée de la possibilité de faire valoir ses droits en justice et de voir reconnaître la responsabilité de son employeur.
Aussi convient-il de condamner in solidum le syndicat et l'assureur à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.
Sur le second chef de préjudice, la fin de non-recevoir tirée du principe dit de l'estoppel, selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, sanctionne l'attitude procédurale consistant pour une partie, au cours d'une même instance, à adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions.
Ainsi que l'a justement relevé le tribunal, ni le syndicat ni l'assureur n'étaient partie à l'instance introduite devant le conseil de prud'hommes, de sorte qu'ils ne peuvent se voir opposer une quelconque obligation de ne pas se contredire.
En outre, la salariée ne rapporte pas la preuve d'un défaut de conseil de la part du syndicat dans la formulation des prétentions devant le conseil de prud'hommes, étant observé que la cour a retenu l'existence d'une perte de chance d'obtenir la reconnaissance du bien-fondé de ses demandes.
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.
3. Sur les demandes accessoires
Compte tenu de la solution donnée au litige en appel, le jugement est infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.
Le syndicat et l'assureur, partie perdante, sont condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la salariée la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les sommes au paiement desquelles le syndicat et l'assureur sont condamnés produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt. En application de l'
article 1343-2 du code civil🏛, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêts.