Jurisprudence : Cass. crim., 31-01-2024, n° 23-84.662, F-D, Cassation

Cass. crim., 31-01-2024, n° 23-84.662, F-D, Cassation

A96992I3

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2024:CR00084

Identifiant Legifrance : JURITEXT000049130031

Référence

Cass. crim., 31-01-2024, n° 23-84.662, F-D, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/104615816-cass-crim-31012024-n-2384662-fd-cassation
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Abstract

► Les déclarations faites hors auditions ne peuvent faire l'objet d'une retranscription dans un procès-verbal, et ce quand bien même l'individu aurait reçu notification de son droit de se taire.


N° Z 23-84.662 F-D

N° 00084


ECF
31 JANVIER 2024


CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI


M. BONNAL président,


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 31 JANVIER 2024



M. [B] [W] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Limoges, en date du 6 juillet 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraires, homicide volontaire et viol, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.

Par ordonnance du 18 septembre 2023, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.


Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Mallard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gury & Maitre, avocat de M. [B] [W], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 décembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Mallard, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, Mme Coste-Floret, greffier de chambre, et M. Maréville, greffier de chambre présent au prononcé,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. La disparition inquiétante de [F] [Z] a été signalée le 23 octobre 2022.

3. Les investigations ont permis d'établir qu'elle avait passé une partie de la soirée précédant sa disparition avec M. [B] [W], qui a été placé en garde à vue.

4. M. [W], avisé de ses droits, a été entendu à trois reprises avec l'assistance d'un avocat. A l'issue de la troisième audition, il a indiqué aux enquêteurs n'avoir pas dit la vérité, a exprimé le souhait d'être à nouveau entendu et a désigné, sur le logiciel de localisation fourni par les enquêteurs à sa demande, un lieu comme étant celui où il avait enterré le corps de la victime.

5. Les enquêteurs ont consigné ces déclarations, et avisé le procureur de la République. Sur instructions de ce dernier, ils ont contacté un avocat de permanence qui a assisté M. [W] lors d'une nouvelle audition, au cours de laquelle l'intéressé a réitéré ses déclarations.

6. Le 27 octobre 2022, le corps de [F] [Z] a été découvert à l'endroit désigné par M. [W] qui a été mis en examen des chefs susvisés.

7. Par requête du 19 avril 2023, M. [W] a sollicité l'annulation de pièces de la procédure.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à nullité de l'intégralité de la procédure d'enquête préliminaire et tous les actes subséquents, ou en tout état de cause, à déclarer nulle la procédure d'enquête préliminaire à compter du procès-verbal, compris, du 27 octobre 2022 à 2 heures 30 (PV n° 000191, cote D 616) et tous les actes subséquents d'enquête préliminaire et d'instruction pour violation des dispositions de l'article 63-3-1 du code de procédure pénale🏛, alors « qu'ayant constaté que lors d'une pause, la personne gardée à vue avait spontanément demandé à reprendre son audition, sans que les policiers en charge de sa surveillance s'assurent de la présence de son avocat, en refusant d'annuler le procès-verbal recueillant des déclarations susceptibles de conforter l'incrimination aux motifs qu'on ne peut pas « bâillonner » le gardé à vue, la chambre de l'instruction a violé les articles préliminaire, 63-3-1, dans sa version applicable au jour de la garde à vue, 63-4-2, 114, alinéa 1er, 171, 173, 174, 591, 593 et 802 du code de procédure pénale, ensemble les droits de la défense, le principe de loyauté des preuves et le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination garantis par l'article 6, § 1 et 3, de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales🏛. »


Réponse de la Cour

Vu les articles préliminaire, 63-3-1 et 63-4-2 du code de procédure pénale :

9. Selon le premier de ces textes, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu'elle a faites sans avoir pu s'entretenir avec un avocat et être assistée par lui.

10. Il résulte des deux derniers que, dès le début de la garde à vue, la personne peut demander à être assistée par un avocat, et que celui-ci assiste à ses auditions et confrontations.

11. Pour écarter le moyen de nullité, l'arrêt attaqué énonce que les droits de M. [W] lui ont été notifiés, lors de son placement en garde à vue, puis lors de la prolongation de cette mesure, et qu'il les a parfaitement compris et exercés.

12. Les juges ajoutent que les officiers de police judiciaire sont même allés au-delà des exigences légales puisqu'au début de chaque audition, ils ont rappelé à la personne gardée à vue qu'elle avait le droit de garder le silence, ce à quoi ils n'étaient aucunement obligés.

13. Ils estiment que si une personne gardée à vue a le droit d'avoir un avocat lors des auditions, elle n'est pas pour autant astreinte au silence quand son conseil s'absente ou quand elle est au repos.

14. En prononçant ainsi, alors que les déclarations faites par une personne aux enquêteurs au cours de sa garde à vue doivent être reçues lors d'une audition et être transcrites par procès-verbal, dans les conditions prévues par le code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a méconnu les dispositions susvisées.

15. La cassation est, dès lors, encourue.

Portée et conséquences de la cassation

16. La cassation à intervenir aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3, alinéa 3, du code de l'organisation judiciaire🏛, en prononçant l'annulation des seules cotes D 613 à D 615, correspondant à l'acte d'enquête irrégulièrement accompli, et la cancellation des pièces postérieures en ce qu'elles font référence à celles-ci, et qui seront détaillées au dispositif, à l'exclusion de toute autre pièce de la procédure. Les autres dispositions de l'arrêt attaqué, en ce qu'elles rejettent le surplus de la requête en annulation, seront donc maintenues.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Limoges, en date du 6 juillet 2023, mais en sa seule disposition ayant rejeté la requête en nullité, en ce qu'elle concerne les cotes D 613 à D 615, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

PRONONCE l'annulation des cotes D 613 à D 615 ;

ORDONNE leur retrait du dossier de la procédure et leur classement au greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Limoges et DIT qu'il sera interdit d'y puiser aucun renseignement contre les parties ;

ORDONNE la cancellation, après qu'il aura été pris une copie certifiée conforme par le greffier, pour être classée au greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Limoges, des pièces concernées :

- de la cote D 1097, à partir de la septième ligne avant la fin, commençant par « J'aimerais que vous précisiez dans quelles conditions vous avez été amené à révéler l'emplacement » ;

- de la cote D 1098, jusqu'à la quatrième ligne avant la fin, se terminant par : « [B] [W] : je n'en suis pas sûr » ;

- de la cote D 1103, à partir de la quatorzième ligne avant la fin, commençant par : « Le Juge d'Instruction : vous semblez indiquer que vous avez avoué des faits pour des cigarettes et une barquette de frites ? » ;

- de la cote D 1104, jusqu'à la neuvième ligne, se terminant par : « …la mise en garde à vue des membres de ma famille, des parents et de mon frère je n'en avais pas envie », et à partir de la quinzième ligne avant la fin, commençant par : « Le Juge d'Instruction : Maître [S], vous aviez d'autres questions ? » ;

- de la cote D 1105, première ligne : « [B] [W] : oui » ;

- de la cote D 1121 : le troisième paragraphe, composé de sept lignes, commençant par : « Le 27 octobre 2022, après cette troisième audition…» ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Limoges et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille vingt-quatre.

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et M. Maréville, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

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