Jurisprudence : CA Nîmes, 25-01-2024, n° 22/03403


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT N°


N° RG 22/03403 - N° Portalis DBVH-V-B7G-ITE6


CRL/DO


POLE SOCIAL DU TJ DE NIMES

29 septembre 2022


RG :21/00580


[L]


C/


[4]


Grosse délivrée le 25 JANVIER 2024 à :


- Me PINCENT

- Me RIPERT


COUR D'APPEL DE NÎMES


CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social


ARRÊT DU 25 JANVIER 2024


Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ de Nîmes en date du 29 Septembre 2022, N°21/00580



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :


Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile🏛, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.


COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :


Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère


GREFFIER :


Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision.


DÉBATS :


A l'audience publique du 28 Novembre 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 25 Janvier 2024.


Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.



APPELANT :


Monsieur [B] [L]

né le … … … à [Localité 5], Belgique

[Adresse 1]

[Adresse 1]


Représenté par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS

Dispensé de comparution


INTIMÉE :


[4]

[Adresse 2]

[Adresse 2]


Représentée par Me Malaury RIPERT de la SCP LECAT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

Dispensée de comparution


ARRÊT :


Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 25 Janvier 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.



FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES


M. [B] [L] a été affilié à la [4] ([4]), à compter du 1er avril 2014 sous le statut d'auto-entrepreneur au titre de son activité de traducteur interprète.


Par courrier du 24 août 2020, M. [B] [L] a saisi la commission de recours amiable de la [4], en contestation du recensement et du calcul de ses points de retraite de base et complémentaire sur la période 2014-2019.


M. [B] [L] a saisi par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 20 juillet 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes d'une contestation à la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la [4].



Par jugement du 30 juin 2022, le tribunal judiciaire de Nîmes - contentieux de la protection sociale a :

- déclaré le recours de M. [B] [L] irrecevable,

- condamné M. [B] [L] à supporter la charge des entiers dépens,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.



Par déclaration effectuée par voie électronique le 19 octobre 2022, M. [B] [L] a interjeté appel de cette décision. Enregistrée sous le numéro RG 22/03403, l'examen de cette affaire a été appelé à l'audience du 28 novembre 2023.


Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, M. [B] [L] demande à la cour de :


- infirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes en date du 29 septembre 2022,


Et, statuant à nouveau,

- déclarer recevable son recours,

- condamner la [4] à rectifier ses points de retraite complémentaire acquis sur la période 2014-2019 selon le détail suivant :

' 36 points en 2014,

' 36 points en 2015,

' 36 points en 2016,

' 72 points en 2017,

' 72 points en 2018,

' 72 points en 2019,

- condamner la [4] à rectifier ses points de retraite de base acquis sur la période 2014 -2019 selon le détail suivant :

' 117,9 points en 2014,

' 234,5 points en 2015,

' 218,1 points en 2016,

' 388,1 points en 2017,

' 456,9 points en 2018,

' 478,9 points en 2019,


- condamner la [4] à lui transmettre et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision et, passé ce délai, sous astreinte de 250 euros par jour de retard,

- condamner la [4] à lui verser la somme de 3.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi,

- condamner la [4] à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛.


Au soutien de ses demandes M. [B] [L] fait valoir que :


- la Cour de cassation reconnaît la possibilité de contester le relevé de situation individuelle avant la liquidation des droits à retraite, ce relevé bien que provisoire étant susceptible de faire grief,


- la [4] ne conteste pas que ce relevé est le seul moyen d'avoir accès à une comptabilisation de ses droits à retraite,


- c'est en téléchargeant son relevé de situation qu'il a pu constater que l'organisme social refusait de lui faire bénéficier, ainsi qu'à tous les autres auto entrepreneurs de l'article 2 du décret 79-262 du 21 mars 1979🏛,


- son recours a en conséquence été jugé à tort irrecevable par le premier juge,


- le 23 janvier 2020, par son arrêt Tate, la Cour de cassation a posé pour principe que l'article 2 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979 est seul applicable à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement à l'auto-entrepreneur inscrit à la [4]; et selon ce texte et la Cour de cassation, « ce nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l'affilié, déterminée en fonction de son revenu d'activité » ;


- il faut en conséquence censurer de la pratique de la [4] consistant à allouer des points de retraite complémentaire d'un montant inférieur à ceux de la première classe (à savoir moins de 40 points en « classe 1 » entre 2009 et 2012 et moins de 36 points depuis 2013 en « classe A ») ; et pour l'auto-entrepreneur dont le revenu excède la première classe de revenu en vigueur à compter de 2014 (soit 26 420 euros), une acquisition différente de 72 points correspondant à la classe B, 108 points en classe C, 180 points en classe D, etc. viole les prévisions de l'article 2 du décret précité ;


- de manière constante, l'assiette à retenir pour déterminer la classe de revenu applicable de l'auto-entrepreneur est celle du chiffre d'affaires qui constitue l'assiette spécifique des cotisations (forfait social) ; si l'article L 131-6 du code de la sécurité sociale🏛 définit l'assiette de cotisation des professionnels libéraux « classiques » comme étant le revenu retenu « pour le calcul de l'impôt sur le revenu », cette disposition n'est pas applicable aux auto-entrepreneurs pour lesquels l'article L 133-6-8 du code de la sécurité sociale🏛 prévoit une assiette de cotisation différente tout en présumant un niveau de cotisations équivalent ; qu'à une assiette dissociée correspond ainsi une contribution réputée équivalente et des droits équivalents ;


- au surplus, si l'auto-entrepreneur est autorisé à régler un impôt sur le revenu calculé sur la base de son chiffre d'affaires grâce au prélèvement libératoire (2,2% du chiffre d'affaires), l'abattement fiscal de 34% qui s'applique hors prélèvement libératoire ne peut pas être transposé, au demeurant sans fondement textuel (ni dans le code de la sécurité sociale, ni dans le décret 79-262), pour la détermination de la classe de revenu ;


- la [4] pratique à tort un abattement de 34% sur le chiffre d'affaires pour déterminer les droits à retraite de base ;


- la détermination des trimestres acquis se fait par référence au chiffre d'affaires par application de l'article D 643-3 alinéas 1 et 2 du code de la sécurité sociale🏛;


- il souffre d'une 'légitime exaspération' au constat de l'obstruction par la [4] d'une décision de justice rendue au plus haut niveau, par la Cour de cassation ; et ne comprend pas que cette caisse investie d'une mission de service public élude aussi facilement, et spécialement dans la présente instance, l'apport clair, précis et non équivoque de l'arrêt Tate ;


- la [4] pratique l'obstruction en forçant chaque victime à saisir la commission puis le tribunal, et mise sur l'absence d'action de groupe en matière de sécurité sociale pour la forcer à engager un avocat.


Au terme de ses conclusions écrites, répondant à l'ensemble des demandes présentées par l'appelant, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, la [4] demande à la cour de:


- confirmer le jugement du 29 septembre 2022 en ce qu'il a :

- déclaré le recours de M. [B] [L] irrecevable,

- condamné M. [B] [L] à supporter la charge des entiers dépens,


A titre subsidiaire

-juger du bon calcul des points de retraite de base et de retraite complémentaire de M. [Aa] [L];

-attribuer à M. [B] [L] les points de retraite de base suivants:

* 77,8 points de retraite de base en 2014

* 154,7 points de retraite de base en 2015

* 151,6 points de retraite de base en 2016

* 264,9 points de retraite de base en 2017

* 304,9 points de retraite de base en 2018

* 319,8 points de retraite de base en 2019

-attribuer à M. [B] [L] les points de retraite complémentaire suivants :

* 9 points de retraite complémentaire en 2014

* 9 points de retraite complémentaire en 2015

* 22 points de retraite complémentaire en 2016

* 36 points de retraite complémentaire en 2017

* 41 points de retraite complémentaire en 2018

* 43 points de retraite complémentaire en 2019

-débouter M. [B] [L] de l'ensemble de ses demandes ;

-condamner M. [B] [L] à lui verser la somme de 600 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'engager.


Au soutien de ses demandes, la [4] fait valoir que :

- la demande portée directement devant la commission et le tribunal sans avoir été formulée au préalable devant l'organisme concerné est irrecevable ; le document sur lequel se fonde M. [B] [L] à savoir un relevé qu'il s'est procuré sur le site internet « GIP INFO RETRAITE » est purement indicatif et provisoire, il ne saurait pouvoir constituer une décision faisant grief, susceptible de contestation devant la commission de recours amiable, différents tribunaux ayant rendu plusieurs décisions en ce sens ;


- de plus, le relevé de situation individuelle de l'adhérent n'indique aucune donnée concernant les droits à la retraite au titre de la période 2016 à 2019, ce qui ne peut précisément pas caractériser une quelconque décision prise par elle;


- le statut auto entrepreneur est un statut dérogatoire au régime « normal » ouvrant droit à un régime de cotisation spécifique, pour chaque période d'affiliation, le statut d'auto entrepreneur permet aux professionnels libéraux, en fonction du chiffre d'affaires déclaré et donc du montant cotisé, de valider des trimestres de retraite et d'acquérir des points de retraite de base et de retraite complémentaire,


- selon l'article D 131-5-1 du code de la sécurité sociale🏛, pour les professionnels libéraux affiliés auprès d'elle relevant du régime de l'auto entrepreneur, le taux du forfait social est fixé à 22 % ; elle ne perçoit elle-même que 52,5 % du forfait social acquitté par l'auto-entrepreneur ;


- pour la période antérieure à 2016, le [3] est bien l'assiette de calcul des points ; qu'en effet, dans le régime de droit commun, les cotisations dues au titre de la retraite complémentaire sont assises sur le revenu professionnel déclaré par l'adhérent à savoir son bénéfice non commercial ; que cependant, l'auto-entrepreneur ne déclare qu'un chiffre d'affaires brut mensuel ou trimestriel, c'est-à-dire le montant de ses recettes brutes correspondant aux factures effectivement encaissées, sur lequel il ne peut pas déduire ses charges; que dans ces conditions, afin d'obtenir une assiette de cotisations équivalente au régime de droit commun, les cotisations de l'auto-entrepreneur sont calculées sur le CA après abattement de 34% reconstituant ainsi un revenu correspondant au [3] et en application des dispositions des articles L133-6-8 du code de la sécurité sociale et 102 ter du code général des impôts ;


- M. [B] [L] commet une erreur en se fondant sur son chiffre d'affaires dans le calcul de ses points de retraite de base et complémentaire pour la période antérieure à 2016;


- s'agissant de la retraite complémentaire, ses statuts s'appliquent à tous ses assurés, quel que soit leur régime (régime de droit commun ou auto-entreprise) lesquels prévoient (article 3-12) une possibilité de réduction de 75 %, de 50 % ou de 25 % du montant de la cotisation pour les assurés dont les revenus d'activité sont inférieurs à un seuil fixé annuellement par le conseil d'administration,


- les auto-entrepreneurs étant soumis à un seuil de chiffre d'affaires ne peuvent en tout état de cause prétendre à 40 points sur le période de 2009 à 2012, ni à 36 points sur 2013 ;


- ainsi, il convient de calculer les points de retraite complémentaire pour la période antérieure à 2016, en prenant en compte le bénéfice non commercial déclaré de l'auto-entrepreneur affilié afin de déterminer la plus faible cotisation non nulle dont il aurait pu être redevable au titre du régime classique en application de l'article 2 du décret du n°79262 du 21 mars 1979 et conformément à l'article R.133-30-10 du code de la sécurité sociale,


- depuis le 1er janvier 2016, la compensation de l'Etat ayant été supprimée, il y a lieu de vérifier pour chaque année, en application du décret, le montant de la cotisation versée par l'adhérent au titre de la retraite complémentaire pour lui attribuer les droits correspondants à la cotisation payée ; que le calcul des points acquis par l'adhérent ne résulte que de l'application des dispositions réglementaires applicables au régime de l'auto entrepreneur et du principe de proportionnalité des droits à la retraite aux cotisations versées ; que ce mode de calcul a été expressément validé à la fois par le Ministère de l'économie et des finances, le Ministère des affaires sociales et de la santé et le secrétaire d'Etat chargé du budget ;


- M. [B] [L] ne subit aucun préjudice et qu'il ne peut lui être reproché aucune faute au regard d'une simple divergence d'interprétation des textes applicables à la situation litigieuse


Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.



MOTIFS


* Sur la recevabilité du recours


Il résulte des dispositions des articles R. 142-1 et R. 142-6 du code de la sécurité sociale🏛🏛 que les réclamations contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale sont, préalablement à la saisie de la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale, soumises à une commission de recours amiable, l'intéressé pouvant considérer sa demande comme rejetée lorsque la décision de la commission n'a pas été portée à la connaissance du requérant dans le délai de deux mois.


Le relevé de situation individuelle que les organismes et services en charge des régimes de retraite adressent, périodiquement ou à leur demande, aux assurés comportant notamment, pour chaque année pour laquelle des droits ont été constitués, selon les régimes, les durées exprimées en années, trimestres, mois ou jours, les montants de cotisations ou le nombre de points pris en compte ou susceptibles d'être pris en compte pour la détermination des droits à pension. La Cour de cassation juge que l'assuré est recevable à contester devant la commission de recours amiable puis la juridiction du contentieux général de sécurité sociale le montant des cotisations ou le nombre de points figurant sur ce relevé (en ce sens 2e Civ., 11 octobre 2018, pourvoi n° 17-25.956⚖️).


La [4] soutient que la commission de recours amiable puis la juridiction ne peuvent être saisies qu'à la suite de la notification d'une décision émanant de cet organisme et qu'en l'espèce le document dont se prévaut l'intéressé n'a qu'un caractère informatif et ne justifie d'aucune décision prise par l'organisme, qui permette à l'appelant de saisir la commission de recours amiable. Elle affirme qu'il appartenait à M. [Aa] [L] de former une réclamation préalable auprès d'elle avant de saisir la commission de recours amiable. Mais cette assertion ne ressort d'aucun texte normatif. La commission de recours amiable étant déjà un organe de la caisse, sa saisine constitue l'exercice aménagé du recours préalable que revendique M. [B] [L].


En conséquence, dès lors que les mentions figurant sur le relevé individuel de situation procèdent de décisions prises par les organismes de sécurité sociale compétents pour la détermination des droits à retraite d'un assuré social, ce dernier est recevable à contester devant la commission de recours amiable de l'organisme concerné puis devant le juge du contentieux de la sécurité sociale les mentions ou omissions objet du relevé, l'absence de notification n'ayant que pour seule conséquence de ne faire courir aucun des délais de forclusion prévus par les textes sus mentionnés.


En l'espèce, il convient de constater qu'à la suite de l'obtention de son relevé individuel de situation édité le 11 avril 2020 ne portant mention d'aucun renseignement au titre du régime de retraite de base et du régime de retraite complémentaire de la [4] pour l'année 2014 puis à compter de 2016, M. [B] [L], affilié à la [4] à effet du 1er avril 2014, a saisi la commission de recours amiable de la caisse d'une réclamation, sollicitant la rectification de ses droits à la retraite acquis sous le statut d'auto-entrepreneur et la mise en conformité de son relevé de situation individuelle au titre des années 2014 à 2019 ( points de retraite de base et points de retraite complémentaire).


L'intéressé est recevable à contester les mentions ou omissions objet du relevé au titre des années 2014 à 2019 soumises à l'examen de la commission de recours amiable.


Le jugement déféré sera donc infirmé et le recours de M. [B] [L] sera déclaré recevable.


* Sur le nombre de points au titre du régime de retraite de base


L'article L 131-6-2 du code de la sécurité sociale🏛 dans ses versions successives applicables au litige, énonce que les cotisations sont dues annuellement. Elles sont calculées, à titre provisionnel, en pourcentage du revenu d'activité de l'avant-dernière année. Pour les deux premières années d'activité, les cotisations provisionnelles sont calculées sur un revenu forfaitaire fixé par décret après consultation des conseils d'administration des organismes de sécurité sociale concernés. « Lorsque le revenu d'activité de la dernière année écoulée est définitivement connu, les cotisations provisionnelles, à l'exception de celles dues au titre de la première année d'activité, sont recalculées sur la base de ce revenu (ajouté par la loi n°2013-1203 du 23 décembre 2013🏛) ».

Lorsque le revenu d'activité de l'année au titre de laquelle elles sont dues est définitivement connu, les cotisations font l'objet d'une régularisation.

Par dérogation au deuxième alinéa, sur demande du cotisant, les cotisations provisionnelles peuvent être calculées sur la base du revenu estimé de l'année en cours. Lorsque le revenu définitif est supérieur de plus d'un tiers au revenu estimé par le cotisant, une majoration de retard est appliquée sur la différence entre les cotisations provisionnelles calculées dans les conditions de droit commun et les cotisations provisionnelles calculées sur la base des revenus estimés, sauf si les éléments en la possession du cotisant au moment de sa demande justifiaient son estimation. Le montant et les conditions d'application de cette majoration sont fixés par décret.

Lorsque les données nécessaires au calcul des cotisations n'ont pas été transmises, celles-ci sont calculées dans les conditions prévues à l'article L. 242-12-1 ».


Par renvoi à l'article L 131-6 du même code, les revenus des professions indépendantes non soumises au statut d'auto-entrepreneur sont calculés par référence au revenu retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu.


Selon l'article L 133-6-8 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012🏛, applicable aux cotisations dues entre 2012 et 2015 inclus, par dérogation à l'article L. 131-6-2, les travailleurs indépendants bénéficiant des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts🏛🏛 peuvent opter, sur simple demande, pour que l'ensemble des cotisations et contributions de sécurité sociale dont ils sont redevables soient calculées mensuellement ou trimestriellement en appliquant au montant de leur chiffre d'affaires ou de leurs revenus non commerciaux effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent un taux fixé par décret pour chaque catégorie d'activité mentionnée auxdits articles du code général des impôts de manière à garantir un niveau équivalent entre le taux effectif des cotisations et contributions sociales versées et celui applicable aux mêmes titres aux revenus des travailleurs indépendants. Des taux différents peuvent être fixés par décret pour les périodes au cours desquelles le travailleur indépendant est éligible à une exonération de cotisations et de contributions de sécurité sociale. Ce taux ne peut être, compte tenu des taux d'abattement mentionnés aux articles 50-0 ou 102 ter du même code, inférieur à la somme des taux des contributions mentionnés à l'article L. 136-3 du présent code et à l'article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996🏛 relative au remboursement de la dette sociale.

L'option prévue au premier alinéa est adressée à l'organisme mentionné à l'article L. 611-8 du présent code au plus tard le 31 décembre de l'année précédant celle au titre de laquelle elle est exercée et, en cas de création d'activité, au plus tard le dernier jour du troisième mois qui suit celui de la création. L'option s'applique tant qu'elle n'a pas été expressément dénoncée dans les mêmes conditions.

Le régime prévu par le présent article demeure applicable au titre des deux premières années au cours desquelles le chiffre d'affaires ou les recettes mentionnés aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts sont dépassés.

Toutefois, ce régime continue de s'appliquer jusqu'au 31 décembre de l'année civile au cours de laquelle les montants de chiffre d'affaires ou de recettes mentionnés aux 1 et 2 du II de l'article 293 B du même code sont dépassés.


Les modifications apportées à cet article par la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015🏛 n'ont pas modifié le principe, la loi substituant à la notion de « revenus non commerciaux effectivement réalisés », celle de « recettes effectivement réalisées». L'article L 133-6-8 du code de la sécurité sociale étant dérogatoire n'opère pas de renvoi aux dispositions de l'article L 131-6 du même code.


Il résulte de ces textes, nonobstant le renvoi aux articles 50-0 et 102-ter du code général des impôts qui ne régit que le régime fiscal des auto-entrepreneurs, que les cotisations appelées selon un taux spécifique, sont calculées sur l'ensemble du chiffre d'affaires ou du revenu, à l'exception de la notion de bénéfice et sans référence à une déduction pour charges, dès lors que le cotisant a opté pour le régime micro-social.


Les modifications apportées par la loi n° 2015-1702 n'ont pas eu pour effet de modifier la notion mais d'éviter toute interprétation fondée par la notion de bénéfice, dès lors qu'à compter de cette date, le régime micro-social est devenu obligatoire pour les auto-entrepreneurs.


En l'espèce, M. [B] [L] a opté pour le régime micro-social. En conséquence, l'abattement pratiqué par la [4] n'est pas fondé.


Le principe de proportionnalité invoqué ne saurait écarter les dispositions légales en vigueur.


Dès lors, le décompte doit être le suivant, calculé sur le montant du chiffre d'affaires sur lequel s'accordent les parties au terme de leurs conclusions respectives :

- 2014 : 8.363 euros ouvrant droit à 117,9 points de cotisations en tranche 1 (1 point pour 70,92 euros de revenus )

- 2015 : 16.828 euros ouvrant droit à 232,3 points de cotisations en tranche 1 (1 point pour 72,45 euros de revenus ) et 2,2 points de cotisations en tranche 2 (1 point pour 7.608 euros de revenus ), soit un total de 234,5 points

- 2016 : 15.889 euros ouvrant droit à 216 points de cotisations en tranche 1 ( 1 point pour 73,55 euros de revenus ) et 2,1 points de cotisations en tranche 2 (1 point pour 7.723 euros de revenus), soit un total de 218,1 points

- 2017 : 28.727 euros ouvrant droit à 384,5 points de cotisations en tranche 1 (1 point pour 74,72 euros de revenus ) et 3,6 points de cotisations en tranche 2 ( 1 point pour 7.845 euros de revenus ), soit un total de 388,1 points

- 2018 : 34.255 euros ouvrant droit à 452,6 points de cotisations en tranche 1 (1 point pour 75,68 euros de revenus ) et 4,3 points de cotisations en tranche 2 (1 point pour 7.946,4 euros de revenus ), soit un total de 456,9 points

- 2019 : 36.615 euros ouvrant droit à 474,4 points de cotisations en tranche 1 (1 point pour 77,18 euros de revenus ) et 4,5 points de cotisations en tranche 2 (1 point pour 8.104,8 euros de revenus ), soit un total de 478,9 points


Le décompte sera donc fixé en ce sens.


* Sur le nombre de points au titre du régime de retraite complémentaire


Il résulte des dispositions de l'article 2 du décret n°79-262 du 21 mars 1979 que le régime d'assurance vieillesse complémentaire obligatoire, géré par la [4] et institué par l'article 1er de ce texte, comporte plusieurs classes de cotisations, auxquelles correspondent l'attribution d'un nombre de points de retraite qui procède directement de la classe de cotisation de l'intéressé déterminée en fonction de son revenu d'activité et dont le montant est fixé par décret sur proposition du conseil d'administration de cet organisme. Le nombre de ces classes a été porté de six à huit par le décret n°2012-1522 du 28 décembre 2012🏛, applicable aux cotisations dues à compter du 1er janvier 2013, auxquelles correspondent l'attribution d'un nombre de points de retraite, pour la première de ces classes, fixé à 40 points jusqu'à l'année 2012, puis à 36 points à compter de 2013.

Les dispositions de l'article 2 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979 modifié, sont seules applicables à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement aux auto-entrepreneurs affiliés à la [4].


Cette dernière ne saurait pour s'opposer à la demande, se fonder sur ses statuts qui ne sont pas applicables à la fixation du nombre de points de retraite ou encore sur les règles de compensation résultant notamment de l'application des articles L. 131-7 et R. 133-10-10 du code de la sécurité sociale🏛 qui n'intéressent que les rapports entre l'Etat et cet organisme.


De même, la [4] ne saurait faire état d'un défaut de respect du principe de proportionnalité entre le montant des cotisations acquittées et les droits acquis dès lors que ce principe découle des dispositions de l'article 2 sus-mentionné par l'attribution d'un nombre de points de retraite procédant directement de la classe de cotisation de l'intéressé déterminée en fonction de son revenu d'activité (2e Civ., 23 janvier 2020, pourvoi n°18-15.542⚖️).


En effet, il n'existe pas de lien direct et impératif entre l'absence de compensation appropriée par l'Etat des ressources de la [4] et le montant des prestations que celle-ci sert à ses affiliés.


Le grief tiré d'une rupture d'égalité entre les auto-entrepreneurs et les autres adhérents est sans portée, dès lors que le régime applicable aux premiers se veut incitatif et répond à la volonté du législateur de favoriser la création d'entreprises par la mise en place, notamment, d'un régime de déclaration et de paiement fiscal et social simplifié, sans porter atteinte aux droits de ceux qui ont choisi d'opter pour le régime micro-social.


De même, l'argument de l'organisme selon lequel le nombre de points revendiqué par l'assuré conduit à lui attribuer des points pour une valeur d'achat largement inférieure à celle fixée par le conseil d'administration de la [4] est dénué de toute pertinence, puisqu'il se heurte au principe même du forfait social institué, au surplus, par des dispositions législatives.


En l'espèce, il est constant que l'intéressé s'est acquitté de ses cotisations telles que déterminées selon les modalités prévues à l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale.


M. [B] [L] n'a en l'espèce jamais sollicité auprès de la caisse de réduction de cotisations ; s'étant acquitté du forfait mis à sa charge, il est en droit de prétendre aux points revendiqués, peu important en la matière « la position commune du Ministère de l'économie et des finances, du Ministère des affaires sociales et de la santé, et du secrétaire d'état chargé du budget » dont se prévaut la [4].


M. [B] [L] a donc droit, en fonction de ses revenus aux points suivants :


- 2014 : revenu de 8.363 euros ouvrant droit à 36 points ( classe A )

- 2015 : revenu de 16.828 euros ouvrant droit à 36 points ( classe A )

- 2016 : revenu de 15.889 euros ouvrant droit à 36 points ( classe A )

- 2017 : revenu de 28.727 euros ouvrant droit à 72 points ( classe B )

- 2018 : revenu de 34.255 euros ouvrant droit à 72 points ( classe B )

- 2019 : revenu de 36.615 euros ouvrant droit à 72 points ( classe B )


Le décompte sera en conséquence fixé en ce sens.


* Sur les autres demandes


La [4] sera condamnée à transmettre à M. [B] [L] et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Aucune circonstance ne démontre la nécessité de prononcer une astreinte qui ne sera pas accordée.


La divergence d'interprétation opposant la [4] à l'intéressé ne saurait constituer une faute engageant la responsabilité de cet organisme de sécurité sociale, alors qu'elle porte sur une situation complexe, étant observé que l'arrêt de la deuxième chambre civile du 23 janvier 2020 statuant en matière de retraite complémentaire n'est pas un arrêt publié. De plus, la transposition de la solution dégagée aux points acquis pour la retraite de base part d'un raisonnement identique quant à la nature du revenu à prendre en compte, mais la question n'a toutefois pas été tranchée par la Cour de cassation en l'état.


Dès lors, la résistance de la [4] ne peut être qualifiée d'abusive. La demande de dommages et intérêts sera donc rejetée.


La [4], qui succombe, sera condamnée aux dépens et au paiement d'une somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS


La Cour, statuant publiquement, en matière de sécurité sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;


Infirme le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes en date du 29 septembre 2022,


Et, statuant à nouveau,

Déclare M. [B] [L] recevable son recours,


Condamne la [4] à rectifier les points de retraite de base acquis par M. [B] [L] sur la période 2014 -2019 selon le détail suivant :

* 117,9 points en 2014,

* 234,5 points en 2015,

* 218,1 points en 2016,

* 388,1 points en 2017,

* 456,9 points en 2018,

* 478,9 points en 2019,


Condamne la [4] à rectifier les points de retraite complémentaire acquis par M. [B] [L] sur la période 2014-2019 selon le détail suivant :

* 36 points en 2014,

* 36 points en 2015,

* 36 points en 2016,

* 72 points en 2017,

* 72 points en 2018,

* 72 points en 2019,


Ordonne à la [4] de transmettre à M. [B] [L] et de lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision,


Condamne la [4] à verser à M. [B] [L] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile


Déboute M. [B] [L] de sa demande de dommages-intérêts,


Rejette les demandes plus amples ou contraires,


Condamne la [4] aux dépens de première instance et de la procédure d'appel.


Arrêt signé par le président et par la greffiere.


LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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