ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Cass. crim.
29 Avril 1996
Pourvoi N° 95-83.110
Gabolde Denis
CASSATION sur le pourvoi formé par ... Denis, contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 7e chambre, en date du 3 mai 1995, qui, pour faux et abus de confiance, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis, 5 ans d'interdiction des droits civiques et a rejeté la demande d'exclusion de la mention de la condamnation sur le bulletin n° 2 de son casier judiciaire.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 145, 147, 150, 151, 169, 408 anciens du Code pénal, 231, 381, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ensemble violation de la compétence des juridictions, des droits de la défense et du principe de la légalité des délits et des peines
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'abus de confiance et de faux en écritures privées, de commerce ou de banque ;
" alors, d'une part, que, avant l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal, le prévenu, percepteur ou comptable public, ne pouvait être poursuivi que sur le fondement des articles 169 et suivants et 145 anciens du Code pénal pour des faits de détournement ou de falsification commis dans l'exercice de ses fonctions ; qu'en l'espèce, les faits d'abus de confiance et de faux qui lui étaient reprochés, à les supposer avérés, ont été commis en 1991 alors que le prévenu était percepteur à Amplepuis, c'est-à-dire dans l'exercice de ses fonctions, en sorte qu'ils ne constituaient ni le délit d'abus de confiance réprimé par l'article 408 ancien du Code pénal ni le délit de faux en écritures privées réprimé par l'article 150 ancien du même Code et ne pouvaient donc être poursuivis que sur le fondement des dispositions des articles 169 et suivants et 145 susvisés, et relevaient de la compétence exclusive de la cour d'assises ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel devait constater d'office son incompétence ;
" alors, d'autre part, et en tout état de cause, que le prévenu, percepteur ou comptable public, poursuivi pour détournement portant sur des deniers publics, doit, avant tout jugement, être déclaré reliquataire par l'autorité administrative ; qu'en l'espèce, le prévenu n'a pas été déclaré reliquataire par l'autorité administrative avant le jugement du 14 septembre 1993 ; que, dès lors, il appartenait à la cour d'appel de constater cette absence et de le renvoyer des fins de la poursuite ; qu'il s'ensuit que la déclaration de culpabilité est illégale ;
" alors enfin que le détournement portant sur des fonds publics commis par un percepteur ou un comptable public ne pouvait, avant l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal le 1er mars 1994, être poursuivi que sur le fondement de l'article 169 ancien du Code pénal, à l'exclusion de l'article 408 ancien du même Code qui réprimait l'abus de confiance ; qu'il s'ensuit que, dès lors qu'aucune déclaration de culpabilité ne pouvait être prononcée contre lui sur le fondement du premier texte faute d'avoir rapporté la preuve de l'infraction par constitution du prévenu en débet, les juges correctionnels ne pouvaient, en aucun cas, entrer en voie de condamnation sur le fondement du second ; qu'en l'espèce, il est constant que le prévenu se voyait reprocher un détournement de fonds publics en sa qualité de percepteur de la recette d'Amplepuis et qu'il n'a fait l'objet d'aucun arrêt de débet ; qu'il s'ensuit qu'en entrant en voie de condamnation à son encontre sur le fondement de l'article 408 ancien du Code pénal dont les éléments constitutifs de l'infraction sont différents, la cour d'appel a violé le principe de la légalité des délits et des peines et que la déclaration de culpabilité est illégale " ;
Vu lesdits articles, ensemble les articles 441-4 du Code pénal, 469, 512 et 519 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'en matière répressive, la compétence des juridictions est d'ordre public ; que les juges du second degré, saisis de la cause entière par l'appel du ministère public, doivent examiner, même d'office, leur compétence et se déclarer incompétents si les faits poursuivis sont du ressort de la juridiction criminelle ;
Attendu qu'il ressort des constatations de l'arrêt attaqué qu'il est notamment reproché à Denis ... d'avoir, alors qu'il était receveur-percepteur, commis des faux sur un registre de la perception, destiné au relevé des imputations provisoires de dépenses en attente de régularisation ;
Que ces faits, à les supposer établis, constitueraient les crimes de faux par fonctionnaire public, prévus et réprimés tant par les articles 145 et 146 anciens du Code pénal, que par le nouvel article 441-4, alinéa 3, de ce Code ;
D'où il suit que l'arrêt attaqué a méconnu les textes visés au moyen et que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, en date du 3 mai 1995, et pour qu'il soit procédé conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Lyon.