ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Sociale
11 Avril 1996
Pourvoi N° 95-40.851
M. Jean-Pierre ..., ès qualités d'administrateur judiciaire et
contre
M. Jean-François ... et autres
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur les pourvois n° R 95-40851 à B 95-40861 formés par M. Jean-Pierre ..., ès qualités d'administrateur judiciaire et commissaire à l'exécution du plan de la société anonyme Ardenplast, demeurant Charleville-Mézières, en cassation de onze jugements rendus le 15 décembre 1994 par le conseil de prud'hommes de Sedan (section encadrement), au profit
1°/ de M. Jean-François ..., demeurant Mouzon,
2°/ de M. Thierry ..., demeurant Saint-Menges,
3°/ de M. Didier ..., demeurant Tetaigne,
4°/ de M. Alain ..., demeurant Sedan,
5°/ de Mme Muriel ..., demeurant Mouzon,
6°/ de M. Georges Le ..., demeurant Douzy,
7°/ de M. Denis ..., demeurant Sedan,
8°/ de M. Gilbert ..., demeurant Francheval,
9°/ de M. Marc ..., demeurant à Carignan,
10°/ de M. Maurice ..., demeurant à Douzy,
11°/ de M. José ..., demeurant Blagny,
12°/ de M. ..., ès qualités de représentant des créanciers de la société anonyme Ardenca, demeurant Reims ,
13°/ de l'ASSEDIC, ès qualités de mandataire de l'AGS, dont le siège est Reims ,
14°/ de la société Ardenplast, société anonyme, dont le siège est Mouzon, défendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 28 février 1996, où étaient présents M. Gélineau-Larrivet, président, M. Waquet, conseiller rapporteur, MM ..., ..., ..., conseillers, MM ..., ..., Mmes ..., ..., MM ... ... ... ..., ..., conseillers référendaires, M. Kessous, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre; Sur le rapport de M le conseiller Waquet, les observations de Me ..., avocat de M. ..., les conclusions de M. Kessous, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi; Vu leur connexité, joint les pourvois n° R 95-40851 à B 95-40861; Attendu que la société Ardenplast a été mise en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Sedan en date du 4 janvier 1993; qu'elle a été autorisée à poursuivre son activité jusqu'au 31 août 1993, et que, par jugement du 9 septembre 1993, le tribunal de commerce a ordonné la cession du fonds de commerce à la société Extendos, qui a repris tous les salariés; que M. ... et 10 autres salariés ont ensuite saisi la juridiction prud'homale d'une demande dirigée contre la société Ardenplast et contre M. ..., commissaire à l'exécution du plan de cession, et tendant à obtenir un rappel de la prime de treizième mois et une indemnité de congés payés; Sur le second moyen
Attendu que M. ..., agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Ardenplast, fait grief aux jugements attaqués de l'avoir condamné à payer des sommes à titre de congés payés, alors que, selon le moyen, le conseil de prud'hommes ne pouvait se contenter d'affirmer que la société repreneuse avait respecté ses engagements vis-à-vis du salarié en cause, notamment en matière salariale, et affirmer que M. ..., agissant ès qualités, n'aurait pas respecté les droits du salarié en refusant de lui verser une indemnité de congés payés sans se prononcer sur un point central dûment avancé le fait générateur de la créance des congés payés en cause était-il antérieur ou postérieur et à due concurrence de quelle période au plan des cessions tel qu'homologué par le tribunal de commerce; qu'en l'état d'une motivation lapidaire ne tranchant pas la vraie question dans son épure, le conseil de prud'hommes ne met pas à même la Cour de Cassation d'exercer son contrôle au regard des règles et principes qui s'évincent des articles L 122-12 et L 122-12-1 du Code du travail, violés ensemble de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985; Mais attendu que le conseil de prud'hommes, contrairement aux énonciations du moyen, a constaté que la société Extendos n'avait repris les salariés qu'à compter du mois de septembre 1993 dans le cadre d'une procédure collective; qu'il en résultait que le nouvel employeur n'était tenu des obligations qui incombaient à l'ancien employeur, en matière d'indemnités de congés payés, qu'à compter de la reprise des salariés; que le moyen n'est pas fondé; Mais sur le premier moyen
Vu l'article L 122-12-1 du Code du travail ;
Attendu que, pour condamner M. ..., ès qualités, à payer aux salariés un rappel de prime de treizième mois, les jugements énoncent qu'il n'a pas versé le prorata du treizième mois acquis par chaque salarié durant la période de janvier à août 1993; Attendu, cependant, que la prime du treizième mois n'est, en principe, payable qu'à la fin de l'année et que le droit à un prorata pour un membre du personnel ayant quitté l'entreprise avant la date d'échéance de cette prime ne peut résulter que d'une convention ou d'un usage; Qu'en statuant comme il l'a fait, sans constater l'existence d'une convention ou d'un usage de l'entreprise qui aurait obligé la société Ardenplast à payer un prorata de prime de treizième mois aux salariés quittant l'entreprise en cours d'année, le conseil de prud'hommes a privé ses décisions de base légale;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils ont condamné M. ..., ès qualités, à payer aux défendeurs une somme à titre de rappel de prime de treizième mois, les jugements rendus le 15 décembre 1994, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Sedan; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits jugements et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Charleville-Mézières; Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ; Ordonne qu'à la diligence de M le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres du conseil de prud'hommes de Sedan, en marge ou à la suite du jugement partiellement annulé; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M le président en son audience publique du onze avril mil neuf cent quatre-vingt-seize.