Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 20 Mars 1996
Rejet
N° de pourvoi 95-84.381
Président M. Jean Simon, conseiller doyen faisant fonction.
Demandeur Commune de Brignais
Rapporteur Mme ....
Avocat général M. Galand.
Avocat la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, la SCP Monod.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
REJET du pourvoi formé par la commune de Brignais, partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 7e chambre, du 5 juillet 1995 qui l'a débouté de sa demande après avoir relaxé Christian ... et Victor ... du délit d'utilisation du sol en méconnaissance des prescriptions du plan d'occupation des sols.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L 123-5, alinéa 3, L 160-1, alinéa 2, L 161-1, L 160-4, L 111-1, L 111-3, L 480-4, L 480-5, alinéas 1 et 2, L 480-7 du Code de l'urbanisme, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé Christian ... et Victor ... des fins de la poursuites et débouté la demanderesse de sa constitution de partie civile ;
" aux motifs que le 24 novembre 1993 les agents municipaux de la commune de Brignais constataient sur le site de Ronzières que Christian ..., qui exerçait une activité de station de lavage poids lourds, vente, achat, démolition de véhicules industriels, avait entreposé sur son terrain des véhicules lourds en mauvais état, des citernes sur roues ou posées à même le sol, des pneus usagés, des pièces de moteurs ainsi que du matériel de levage, alors que ces matériels étaient situés en zone 3 NAIb du POS de la ville de Brignais ;
" que Christian ... déclarait que se trouvait principalement sur le site d'exploitation de son entreprise du matériel d'occasion destiné à la vente et précisait qu'il entreposait des véhicules sur son terrain, exerçant une activité de transporteur, de père en fils, depuis 1957 ;
" que le 24 novembre 1993, ces agents municipaux constataient sur le même site que Victor ..., exerçant l'activité de vendeur de matériel, avait entreposé sur le terrain de son entreprise, des pièces de moteurs usagées, de la ferraille, du bois, des parties de véhicules industriels, des bennes de camions ainsi que des matériaux de travaux publics alors que ces terrains étaient situés en zone 3 NAIa du plan d'occupation des sols de la commune de Brignais, révisé le 13 avril 1993, où sont interdits les dépôts de véhicules ;
" qu'il n'est pas contesté que Christian ... est transporteur public de marchandises et loueur de véhicules, qu'il a succédé à son père qui exerçait cette profession depuis l'année 1957 ; que Victor ... est depuis le 2 août 1984, gérant de la société à responsabilité limitée Remond Matériel, ayant pour activité principale l'achat, la vente et le négoce des matériels de travaux publics ; que de telles activités impliquent le stationnement permanent de divers véhicules et matériels sur les terrains en cause ; qu'il n'est pas contesté que ce stationnement s'est perpétué depuis le début des activités de chacun des prévenus ; qu'en ce qui concerne Christian ..., aucun plan d'occupation des sols n'était en vigueur à ce moment-là ; que s'agissant de Victor ..., le plan d'occupation des sols, approuvé le 2 juin 1982 et toujours applicable en 1984, interdisait le dépôt de véhicules ; qu'en revanche cette interdiction n'a pas été maintenue dans les plans d'occupation des sols intervenus les 27 mars 1987, 13 mai 1988 et 13 janvier 1989 ; que le dépôt des véhicules a même été autorisé dans le cadre d'opérations faisant l'objet d'une organisation d'ensemble ; qu'ainsi le 13 avril 1993, le dépôt de véhicules sur les terrains en cause n'était pas interdit par le plan d'occupation des sols alors en vigueur ; que la modification approuvée à cette date n'a pas eu pour effet de rendre cette activité illicite, les plans d'urbanisme ne s'appliquant pas aux ouvrages et aménagements préexistants ; qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments, il ne peut être reproché à Christian ... et à Victor ... d'avoir enfreint le plan d'occupation des sols approuvé le 13 avril 1993 ; qu'il convient en conséquence de les relaxer des fins de la poursuite ;
" alors que, d'une part, concernant Christian ..., l'arrêt attaqué qui, après avoir rappelé les énonciations du procès-verbal selon lesquelles Christian ... exerçait une activité de station lavage poids lourds, vente, achat, démolition de véhicules industriels, a motivé sa décision de relaxe en énonçant que le prévenu avait succédé à son père dans l'activité de transporteur et loueur de véhicules depuis 1957, période à laquelle aucun plan d'occupation des sols n'était en vigueur, sans rechercher si l'activité constatée dans le procès-verbal, non contestée par le prévenu et fort différente de l'activité de Christian ..., telle que retenue par la Cour, n'avait commencé à une époque où un plan d'occupation des sols l'interdisant était en vigueur, a entaché sa décision de contradiction et de défaut de motifs, la privant de base légale ;
" alors que, d'autre part, s'agissant de Victor Remond, ... ... qui, après avoir constaté elle-même que le plan d'occupation des sols de 1982, interdisant le dépôt de véhicules, était en vigueur lorsque le prévenu avait commencé son activité en 1984, a cru devoir le relaxer en énonçant que cette interdiction avait été levée par les POS suivants dans le cadre d'opérations faisant l'objet d'une organisation d'ensemble, tout en s'abstenant de rechercher et de préciser si l'activité de Victor ... s'inscrivait dans une telle opération, seule susceptible de le faire échapper aux poursuites ainsi que le soulignait la partie civile, a, là encore entaché sa décision d'un défaut de motifs, la privant derechef de base légale ;
" et alors, qu'enfin, en tout état de cause, les infractions poursuivies étant par nature continues et successives, et la permanence de l'activité des 2 prévenus après la révision du POS d'avril 1993 étant établie et non contestée, l'arrêt attaqué qui, pour relaxer les prévenus a cru devoir énoncer que les dispositions de ce POS ne s'appliquaient pas aux installations préexistantes, sans se prononcer, ainsi qu'il en était requis par la partie civile, sur les conséquences de la poursuite des activités des 2 prévenus, et sans rechercher si les faits infractionnels successifs étaient constitutifs d'une infraction unique, a fait une fausse application de la loi pénale " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Christian ... exploite dans une zone industrielle, une entreprise de transport public de marchandises et de location de véhicules créée par son père en 1957 et que Victor ... exerce depuis 1984 au même lieu une activité industrielle d'achat, de vente et de négoce de matériels de travaux publics ;
Qu'à la suite d'un procès-verbal dressé le 24 novembre 1993, Christian ... et Victor ... sont poursuivis pour utilisation du sol en méconnaissance des prescriptions du plan d'occupation des sols, en raison de la présence sur le terrain de chacune de leur entreprise d'un dépôt de véhicules lourds, de citernes, de pneumatiques usagés et de matériels de levage ;
Attendu que, pour les relaxer des fins de la poursuite, la juridiction du second degré retient que l'activité exercée par chacun d'eux implique le stationnement de véhicules lourds et la présence du matériel qui leur est nécessaire, et qu'avant la révision du plan d'occupation des sols intervenue le 13 avril 1993, le dépôt de véhicules sur leur terrain n'était pas interdit ; que les juges en déduisent que la modification du plan d'occupation des sols n'a pu avoir pour effet de rendre ce dépôt illicite, les documents d'urbanisme ne pouvant s'appliquer aux ouvrages et aménagements existants ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet, le délit d'utilisation du sol en méconnaissance des prescriptions du plan d'occupation des sols qui découle de la création illicite d'un dépôt de véhicules s'accomplit non au moment où l'installation est utilisée mais lorsque le dépôt est créé et que les travaux nécessaires sont réalisés ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.