ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Commerciale
05 Mars 1996
Pourvoi N° 93-12.818
Société Le Droff
contre
M. ...,ès qualités de mandataire-liquidateurde la liquidation
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Richard Le Droff (société Le Droff) a revendiqué la propriété de marchandises qu'elle avait vendues avec clause de réserve de propriété à la société ACM La Ligne de Feu (société ACM) mise par la suite en redressement puis en liquidation judiciaires ; Sur le premier moyen pris en ses deux branches Attendu que la société Le Droff fait grief à l'arrêt de l'avoir, tout en admettant la revendication, condamnée à restituer au liquidateur judiciaire, ès qualités, la somme de 50 072,15 francs qu'elle avait reçue à titre d'acompte de la société ACM, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la clause de réserve de propriété, suspendant le transfert de propriété au paiement intégral du prix, n'affecte ni la formation ni la disparition du contrat de vente mais seulement son exécution ; qu'il en résulte que la défaillance de la condition, c'est-à-dire le non-paiement du prix, ne porte pas atteinte à l'existence du contrat de vente et que le vendeur peut revendiquer son bien sans être tenu alors à aucune obligation de restitution des acomptes perçus ; qu'aussi, en constatant en l'espèce que le paiement du prix constituait bien une condition suspensive, non du contrat, mais du transfert de propriété, la cour d'appel ne pouvait déduire ensuite de la défaillance de cette condition la disparition de l'obligation conditionnelle et subordonner la revendication des marchandises par le vendeur à la restitution des acomptes sans manquer de tirer les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 1134 du Code civil et 121 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, d'autre part, que l'action en revendication de marchandises vendues sous réserve de propriété ne constituant pas une action en résolution de la vente, celle-ci continue à lier les parties si bien que le vendeur peut récupérer les marchandises sans être tenu de restituer les acomptes perçus ; que, dès lors, en subordonnant la revendication des marchandises par le vendeur à la restitution des acomptes, la cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et 121 de la loi du 25 janvier 1985 ; Mais attendu que la créance du vendeur qui a revendiqué dans la procédure collective les marchandises vendues avec clause de réserve de propriété et retrouvé le droit d'en disposer est éteinte à concurrence de la valeur des marchandises reprises ; que si cette valeur excède le solde du prix resté dû lors de l'exercice de l'action, le vendeur doit restituer à l'acheteur la somme reçue en excédent ; que par ces motifs de pur droit, substitués à ceux critiqués, l'arrêt se trouve justifié ; que le moyen ne peut donc être, en aucune de ses deux branches, accueilli ; Mais sur le second moyen pris en sa seconde branche Vu l'article 121 de la loi du 25 janvier 1985 ; Attendu que, pour condamner la société Le Droff à restituer au liquidateur judiciaire, ès qualités, la somme de 50 072,15 francs, l'arrêt retient que les cinq lettres de change de 10 014,43 francs chacune payées par la société ACM ne peuvent correspondre qu'à un acompte sur le prix de cheminées, objet de deux factures des 26 avril et 21 mai 1990, aucune somme payée n'étant égale à un montant de facture ; Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les acomptes versés ne s'appliquaient pas à des marchandises visées par ces factures mais revendues avant l'ouverture de la procédure collective, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 janvier 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.