Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 7 Février 1996
Action publique éteinte et rejet
N° de pourvoi 94-83.678
Président M. Jean Simon, conseiller doyen faisant fonction.
Demandeur X
Rapporteur Mme ....
Avocat général M. Galand.
Avocats la SCP Boré et Xavier, la SCP Monod.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ACTION PUBLIQUE ETEINTE ET REJET du pourvoi formé par X contre l'arrêt de la cour d'appel de Nancy, chambre correctionnelle, en date du 29 juin 1994, qui, dans les poursuites exercées contre lui pour contravention d'embarras de la voie publique, a statué sur l'action civile.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur l'action publique
Attendu que la contravention reprochée au prévenu a été commise avant le 18 mai 1995 ; qu'elle est, dès lors, amnistiée par l'effet de l'article 1er de la loi du 3 août 1995 ;
Que, cependant, aux termes de l'article 21 de cette loi, la juridiction de jugement saisie reste compétente pour statuer sur les intérêts civils ; qu'il y a lieu d'examiner, dans cette limite, le moyen de cassation proposé par le demandeur ;
Sur l'action civile
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 6, 3 et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 4 et R 38-11 du Code pénal, 59 et 60 du Code rural, 2 et 593 du Code de procédure pénale
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X coupable de la contravention d'embarras sur la voie publique et a prononcé sur les intérêts civils ;
" aux motifs que les documents administratifs utilisent le terme de "chemin" et que c'est donc un chemin rural qui, par détermination de la loi, est affecté à la circulation du public ; qu'il s'agit d'un chemin rural relevant du domaine privé de la commune ouvert à la circulation publique ; qu'enfin, il est établi par les pièces produites que le maire a décidé de classer ce chemin dans la voirie communale alors que ce classement n'est possible que pour des voies privées "ouvertes à la circulation publique" ; qu'il apparaît donc, en écartant les contestations tardives de X sur la largeur du passage, que la voie litigieuse intitulée "sentier rural" est accessible à la circulation du public et qu'il s'agit d'une voie publique, en l'espèce un chemin rural ;
" 1o Alors que la contravention d'embarras de la voie publique ne s'applique qu'aux voies appartenant au domaine public de la commune ; qu'en retenant que cette infraction s'appliquait également aux voies du domaine privé des communes affectées à la libre circulation du public, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
" 2o Alors que toute infraction doit être définie en des termes clairs et précis pour permettre au prévenu de connaître exactement la cause de l'accusation portée contre lui ; que le domaine privé communal est composé de voies affectées à l'usage du public, ce qui le distingue des chemins d'exploitation, qui appartiennent aux propriétaires riverains ; qu'en raison de l'incertitude sur cette notion d'affectation à l'usage du public, et donc sur la délimitation exacte du domaine privé des collectivités publiques, l'infraction qui réprimerait l'embarras de voies appartenant au domaine privé communal ne serait pas suffisamment précise ; que, selon la cour d'appel, la voie litigieuse relève du domaine privé de la commune ; qu'en retenant cependant le prévenu dans les liens de la prévention, la cour d'appel a méconnu les textes visés au moyen ;
" 3o Alors que les chemins ruraux sont affectés à l'usage du public, affectation qui peut s'établir notamment par la destination du chemin, jointe soit au fait d'une circulation générale et continue, soit à des actes réitérés de surveillance et de voirie de l'autorité municipale ; que pour retenir l'existence d'un chemin rural, la cour d'appel s'est bornée à faire état du terme "chemin" utilisé par les documents administratifs ; qu'en ne justifiant pas d'une circulation générale et continue sur la voie litigieuse ni d'actes réitérés de surveillance et de voirie de l'autorité municipale, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
" 4o Alors que la décision de classement d'une voie dans le domaine public peut faire l'objet d'un recours contentieux devant le juge administratif, notamment si la voie dont s'agit n'appartient pas à la commune ; que le projet de classement dans le domaine public ne suffit donc pas à établir que la voie appartient au domaine privé communal ; qu'en faisant état d'un projet de décision du maire de classement du chemin litigieux dans la voirie communale, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs inopérants et a méconnu les textes visés au moyen ;
" 5o Alors que, pour établir son absence de culpabilité, le prévenu peut proposer de nouveaux moyens de défense en appel ; qu'en écartant, sans les examiner, les contestations "tardives" de X sur la largeur du passage, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que X a été poursuivi, sur le fondement de l'article R 3811o ancien du Code pénal applicable en l'espèce, pour avoir laissé stationner sans nécessité un engin agricole sur le "sentier rural" desservant son exploitation et la propriété voisine ;
Attendu que, pour écarter le moyen de défense du prévenu, qui contestait que ce sentier fût ouvert au public, la cour d'appel caractérise la contravention en relevant que les documents administratifs produits désignent cette voie comme un chemin rural ; qu'elle ajoute qu'un tel chemin, qui, de surcroît, fait, en l'espèce, l'objet d'une procédure de classement, est affecté, par détermination de la loi, à la circulation publique ;
Que les juges précisent, enfin, que l'engin agricole en stationnement empiétait sur l'assiette du passage, faisant obstacle à la progression des véhicules ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, et dès lors que la voie de circulation litigieuse était ouverte au public, la cour d'appel, qui a répondu comme elle le devait aux conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision sans méconnaître aucun des textes visés au moyen ; qu'il n'importe, au regard des dispositions de l'article R 3811o ancien du Code pénal devenu l'article R 644-2 nouveau dudit Code, que la voie concernée relève du domaine privé de la commune ;
Que le moyen ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Par ces motifs
DÉCLARE l'action publique ETEINTE ;
REJETTE le pourvoi pour le surplus.