Jurisprudence : Cass. civ. 1, 03-01-1996, n° 93-19.322, Rejet.

Cass. civ. 1, 03-01-1996, n° 93-19.322, Rejet.

A9430ABU

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Cour de Cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 3 Janvier 1996
Rejet.
N° de pourvoi 93-19.322
Président M. Lemontey .

Demandeur Société Tourrès et Cie, Verrerie de Graville
Défendeur ville du Havre
Rapporteur M. ....
Avocat général M. Gaunet.
Avocats la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, MM ..., ....
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, qu'une coulée de verre en fusion s'est produite sous un four de la société Tourrès et compagnie, Verreries de Graville ; que le personnel n'a pu combattre l'incendie en temps utile parce que l'alimentation en eau de la conduite de l'usine avait été interrompue par le service de la commune du Havre pour la réparation d'une fuite ; que la société a assigné cette commune en indemnisation en lui reprochant de ne pas l'avoir avertie de l'interruption de la distribution d'eau ; que la commune lui a opposé une clause exonératoire de responsabilité ; que la société a soutenu que la clause devait être réputée non écrite parce qu'abusive au sens de l'article 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978, et, qu'en tous cas, elle était inapplicable, le préposé de la ville ayant commis une faute lourde ;
Sur le premier moyen
Attendu que la société fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Rouen, 23 juin 1993) de l'avoir déboutée de sa demande après avoir écarté l'application de l'article 35 susvisé, alors que, selon le moyen, il résulte de ce texte qu'est abusive la clause " exclusive " de responsabilité dans un contrat conclu entre professionnel et non-professionnel ; que doit être regardé comme non-professionnel celui qui, même ayant contracté pour les besoins de son activité professionnelle, exerce une activité étrangère à la technique mise en uvre par le contrat ; qu'en considérant qu'une société exploitant une fabrique de bouteilles ne pouvait se prévaloir de la protection instituée par les textes du seul fait qu'elle consommait de grandes quantités d'eau et avait échangé avec les services municipaux des correspondances pour se prémunir contre le risque de coupures en alimentation d'eau, la cour d'appel a violé ledit texte ;
Mais attendu que les dispositions de l'article 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978, devenu l'article L 132-1 du Code de la consommation, et de l'article 2 du décret du 24 mars 1978, ne s'appliquent pas aux contrats de fournitures de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant ; que la cour d'appel, qui a relevé que la société, dans l'exercice normal de son activité industrielle, consommait de grandes quantités d'eau, a caractérisé ce rapport direct et a ainsi légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen
Attendu que la société reproche à l'arrêt attaqué de ne pas avoir retenu une faute lourde à la charge du préposé de la commune, alors que, selon le moyen, commet une telle faute celui qui, délibérément et en pleine conscience des conséquences que peut comporter son attitude, s'abstient d'exécuter l'obligation principale que le contrat met à sa charge ; qu'en considérant que l'ingénieur du service des eaux chargé de prévenir les usagers en cas de coupure, qui savait que l'usine fonctionnait 24 heures sur 24 et connaissait l'importance de son alimentation en eau pour sa sécurité, n'aurait pas commis de faute lourde en s'abstenant de prévenir son personnel, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt attaqué a relevé, par motifs propres et adoptés, qu'aucune clause du règlement du service des eaux, dont la société avait une parfaite connaissance, ne faisait obligation à la commune de prévenir les usagers des coupures d'alimentation ; qu'au contraire, selon l'article 8 dudit règlement, les abonnés devaient prendre toutes dispositions pour éviter les accidents qui pouvaient résulter des arrêts d'eau et d'interruption du service, lesquels ne pouvaient ouvrir droit à indemnisation ; que l'ingénieur de service qui s'était rendu sur les lieux à l'emplacement de la coupure de la canalisation avait cherché à informer le personnel de la société de l'interruption de la distribution d'eau ; qu'il s'en était abstenu après avoir constaté qu'aucun gardien n'était présent, et que, malgré cette coupure, l'entreprise était toujours approvisionnée en eau par d'autres branchements ; que la cour d'appel a pu déduire de l'ensemble de ces constatations que le fait pour cet ingénieur de ne pas avoir insisté pour prévenir le personnel de l'usine ne constituait pas une faute lourde ;
D'où il suit que le second moyen ne peut être davantage accueilli que le premier ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi.

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