Cour de Cassation
Chambre sociale
Audience publique du 6 Décembre 1995
Cassation.
N° de pourvoi 92-40.389
Président M. Gélineau-Larrivet .
Demandeur M. ...
Défendeur société Théâtre des Folies-Bergères.
Rapporteur M. ....
Avocat général M. Martin.
Avocat la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Sur le moyen unique
Vu les articles L 122-14-3 et L 122-14-12 du Code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le théâtre des Folies-Bergères, a notifié, le 27 avril 1989, à M. ..., employé en qualité de danseur et de soliste, la rupture de son contrat de travail, en application de l'article 33 de l'accord collectif d'entreprise du 5 décembre 1980 fixant à 39 ans l'âge limite du personnel des corps de ballet ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'une indemnité pour licenciement abusif, la cour d'appel a énoncé que l'irrégularité de la clause conventionnelle a pour seul effet de requalifier la rupture à l'initiative de l'employeur en un licenciement et de permettre au juge de conserver le pouvoir d'apprécier le bien-fondé de la résiliation, sauf à tenir compte du particularisme de certaines professions souligné précisément par l'accord collectif ; que la cause de la rupture tient à l'âge du salarié et aux conséquences qu'il peut avoir sur la profession de danseur, le visa de l'article 33 de l'accord collectif dans le congé étant une motivation suffisante et d'ailleurs non discutée en tant que telle ; que quels que soient les inconvénients qui en résultent pour les interprètes, il va de soi que l'appartenance à un corps de ballet et la fonction de danseur ou encore mieux de soliste sont nécessairement limitées dans le temps et que l'interprète qui atteint un certain âge ne peut alors sérieusement prétendre à la pérennité de son emploi ; que comme toute production artistique, qui laisse au producteur une large part d'appréciation des qualités qu'il requiert des artistes, le théâtre des Folies-Bergères pouvait faire de l'âge un cas de cessation des relations contractuelles sauf à ne pas abuser de ses prérogatives ; que pour éviter tout arbitraire, il a négocié avec l'organisation représentative des danseurs un accord fixant l'âge plafond à considérer sous réserve de prorogations particulières spécialement négociées ; que l'âge de 39 ans pour un danseur des Folies-Bergères alors que certains sont amenés à poser nus, correspond à l'âge normal et que le licenciement de M. ... n'est donc pas abusif ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la rupture du contrat, exactement requalifiée en licenciement, en conséquence de la nullité de la clause conventionnelle, par application de l'article L 122-14-12, alinéa 2, du Code du travail, ne pouvait être justifiée que par une cause réelle et sérieuse indépendante de l'âge de l'intéressé, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 septembre 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans.