Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 6 Décembre 1995
Rejet
N° de pourvoi 95-84.881
Président M. Le Gunehec
Demandeur X
Rapporteur M. ....
Avocat général M. Perfetti.
Avocat la SCP Waquet, Farge et Hazan.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
REJET du pourvoi formé par X, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Grenoble, en date du 7 juillet 1995, qui l'a renvoyée devant la cour d'assises des mineurs, sous l'accusation de viol aggravé et délits connexes.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 332 et 303 du Code pénal ancien, 222-23 et 222-26 du Code pénal nouveau et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a décidé la mise en accusation de X du chef de viol en réunion, accompagné de tortures ou actes de barbarie ;
" alors que le viol est défini comme toute pénétration sexuelle de quelque nature que ce soit ; que le fait d'introduire un bâton dans l'anus d'autrui ne constitue pas un viol, une telle atteinte n'ayant aucun caractère sexuel, nonobstant l'intention qu'ont pu y mettre les auteurs ; que les faits, à les supposer établis, ne pouvaient donc recevoir que la qualification d'attentat à la pudeur avec violence ou, en prenant l'infraction dans sa globalité, celle de vol accompagné de tortures ou actes de barbarie " ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 332 du Code pénal ancien, 222-23 du Code pénal nouveau et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a décidé la mise en accusation de X du chef de viol aggravé ;
" aux motifs que les mis en examen reconnaissent avoir contraint Y à s'introduire dans l'anus un morceau de bois recouvert d'un préservatif ; qu'il y a lieu de considérer qu'ils avaient la volonté de commettre un acte de nature sexuelle ; que l'humiliation particulière infligée à Y par l'introduction d'un corps étranger dans l'anus n'est pas de la même espèce que les autres sévices qu'il a endurés ; qu'il s'agissait alors d'attenter à son intimité sexuelle ; qu'à cet égard l'utilisation d'un préservatif pour recouvrir le morceau de bois est significative ;
" alors que, à supposer que dans les circonstances de l'espèce le fait d'introduire dans l'anus d'autrui un bâton pouvait être constitutif d'un acte de pénétration sexuelle, indépendamment de la nature de l'organe concerné, il appartenait alors à la chambre d'accusation de caractériser sans insuffisance le caractère sexuel du contexte factuel et la volonté des auteurs d'effectuer un acte sexuel ; qu'à défaut l'arrêt attaqué, qui ne met pas la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la qualification des faits, doit être annulé ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 332 et 303 du Code pénal ancien, 222-23 et 222-26 du Code pénal nouveau, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, violation du principe de non-rétroactivité de la loi pénale nouvelle
" en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la mise en accusation de X du chef de viol en réunion, précédé, accompagné ou suivi de tortures et actes de barbarie ;
" alors que l'article 303 du Code pénal ancien, applicable aux faits de la cause, à l'exclusion du texte nouveau de l'article 222-26, plus large et donc inapplicable à l'espèce, incrimine ceux qui, pour l'exécution de leurs crimes, emploient des tortures ou actes de barbarie ; qu'il s'ensuit qu'un lien de cause à effet doit être constaté entre les tortures et actes de barbarie et le crime de viol ; qu'en l'espèce, faute d'avoir relevé que les actes qualifiés tortures ou actes de barbarie avaient été perpétrés pour préparer ou faciliter le viol, la chambre d'accusation n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que X a été renvoyée devant la cour d'assises des mineurs sous l'accusation de viol aggravé, accompagné ou suivi de tortures ou d'actes de barbarie et de vols ; qu'elle aurait, avec l'aide d'autres camarades, alors qu'elle était placée dans un foyer, frappé Y, pensionnaire lui aussi, puis l'aurait brûlé au fer rouge, tatoué avec une aiguille et sodomisé avec un manche de pioche recouvert d'un préservatif, en l'obligeant à prendre dans sa bouche le manche de pioche et d'avaler le préservatif ; qu'elle l'aurait encore contraint de marcher nu dans la neige, avant de lui dérober des effets personnels ;
Attendu que les juges énoncent, dans l'arrêt attaqué, que les personnes mises en examen " avaient la volonté d'accomplir un acte de nature sexuelle ; que l'humiliation particulière infligée à Y par l'introduction d'un corps étranger dans l'anus n'est pas de la même espèce que les autres sévices qu'il a endurés ; qu'il s'agissait alors d'attenter à son intimité sexuelle ; qu'à cet égard l'utilisation d'un préservatif pour recouvrir le morceau de bois est significative " ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, établissant le caractère sexuel des faits reprochés, la chambre d'accusation a justifié le renvoi de l'intéressée devant la cour d'assises des mineurs, tant au regard des articles 303, 332, 333-1 anciens que des articles 222-23, 222-24 et 222-26 nouveaux du Code pénal ;
Que, dès lors, les moyens ne peuvent être accueillis ;
Et attendu que la chambre d'accusation était compétente, qu'il en est de même de la cour d'assises des mineurs devant laquelle la demanderesse a été renvoyée, que la procédure est régulière et que les faits, objet principal de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;
REJETTE le pourvoi.