CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 janvier 2024
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 51 F-D
Pourvoi n° T 22-21.724
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 JANVIER 2024
La société Les Jardins du Hamak, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 9], a formé le pourvoi n° T 22-21.724 contre l'arrêt rendu le 31 mai 2022 par la cour d'appel de Basse-Terre (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [K] [W], domicilié [… …],
2°/ à M. [Aa] [C], domicilié [… …],
3°/ à Mme [U] [P], épouse [C], domiciliée [Adresse 1],
4°/ à la société Villa [6], entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
5°/ à la société Soprover, société anonyme, dont le siège est [Adresse 8],
6°/ au syndicat des copropriétaires de la résidence Les Jardins du Hamak, dont le siège est [Adresse 4], représenté par son administrateur provisoire, M. [N] de la société BCM, domicilié [… …],
défendeurs à la cassation.
la société Foncinvest GP, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], prise en sa qualité d'ayant cause de M. et Mme [C], intervenant volontaire accessoire,
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Schmitt, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Les Jardins du Hamak, de la SCP Doumic-Seiller, avocat du syndicat des copropriétaires de la résidence Les Jardins du Hamak, de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de M. [W], M. et Mme [C] et des sociétés Villa [6], Soprover et Foncinvest GP, après débats en l'audience publique du 5 décembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Schmitt, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Intervention
1. Il est donné acte à la société Foncinvest GP, venant aux droits de M. et Mme [C], de son intervention volontaire accessoire en défense.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 31 mai 2022), la société Les Jardins du Hamak a fait édifier un ensemble immobilier, destiné à être vendu par lots en état futur d'achèvement et soumis au statut de la copropriété.
3. La société Les jardins du Hamak, demeurée copropriétaire de lots non construits, a assigné le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier (le syndicat des copropriétaires) en annulation du procès-verbal du 26 mai 2016 par lequel M. [F], agissant en qualité d'administrateur provisoire du syndicat des copropriétaires, avait approuvé les budgets prévisionnels des exercices 2015 et 2016 et les comptes des exercices 2008 à 2015.
4. M. et Mme [C], M. [W], la société Soprover et la société Villa [6], propriétaires de lots construits, sont intervenus volontairement aux débats.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. La société Les Jardins du Hamak fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en annulation du procès-verbal du 26 mai 2016, alors :
« 1°/ que le juge ne peut dénaturer le sens clair et précis des écrits qui lui sont soumis ; que pour rejeter la demande de nullité du procès-verbal de décisions du 26 mai 2016 et juger que l'administrateur provisoire avait valablement inclus dans les charges générales le coût des prestations de gardiennage confiées à une entreprise de sous-traitance extérieure, la cour d'appel a retenu qu' il résulte du règlement de copropriété de l'ensemble immobilier Les jardins du Hamak que les frais de gardiennage et toutes autres rémunérations dues aux personnes ou entreprises chargées de son entretien, font partie des charges générales réparties entre tous les copropriétaires ; qu'en statuant ainsi lorsque le règlement de copropriété du 28 avril 2005 inclut dans les charges générales les salaires des gardiens avec leurs avantages en nature (logement, charges d'eau et d'électricité), ce dont il résulte clairement que les sommes dues à une société de gardiennage extérieure à la copropriété en vertu d'un contrat de sous-traitance, non constitutives de salaires, ne sont pas visées au titre des charges générales, la cour d'appel a dénaturé le règlement de copropriété du 28 avril 2005, et méconnu le principe de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
2°/ que pour rejeter la demande de nullité du procès-verbal de décisions du 26 mai 2016 et dire que l'administrateur provisoire avait valablement inclus dans les charges générales le coût des prestations de gardiennage confiées à une entreprise de sous-traitance extérieure, la cour d'appel a retenu, par motifs propres, que vu les termes clairs de la mission confiée à l'administrateur provisoire par l'ordonnance du 20 février 2015 le désignant et le contenu du règlement de copropriété, peu important que ce soient les dépenses liées aux prestations d'une entreprise extérieure de sécurité à laquelle a recours la copropriété qui aient été inclus dans les comptes de celle-ci par Maître [K] [F], il est constant que la mission à lui confiée vise expressément le chapitre II 4° du règlement de copropriété introduisant précisément dans les charges générales les salaires des gardiens avec leurs avantages en nature (logement, charges d'eau et d'électricité) et toutes autres rémunérations dues aux personnes ou entreprises chargées de l'entretien des installations et équipements visés ci-après, ainsi que les cotisations fiscales et sociales afférentes à ces salaires et rémunérations, et par motifs éventuellement adoptés des premiers juges que Maître [F] qui a inclus le coût du gardiennage au titre des charges courantes s'est strictement conformé à la décision le désignant ; qu'en statuant ainsi lorsque l'ordonnance du 20 février 2015 précitée donnait mission à l'administrateur de fixer, approuver et arrêter les comptes en y incluant notamment les salaires des gardiens avec leur avantage en nature conformément au chapitre II 4° dudit règlement, ce dont il résultait clairement et seulement que l'administrateur devait agir dans le respect des termes du règlement de copropriété, la cour d'appel a dénaturé l'ordonnance rendue le 20 février 2015 par le président du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre et méconnu derechef le principe de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
3°/ que les décisions concernant la modification du règlement de copropriété dans la mesure où il concerne la jouissance, l'usage et l'administration des parties communes sont prises à la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix ; que l'administrateur provisoire désigné sur le fondement de l'article 29-1 de la loi de 1965 n'a pas le pouvoir de modifier le règlement de copropriété ; qu'en jugeant que l'administrateur provisoire avait pu valablement inclure dans les charges générales définies par le règlement de copropriété les rémunérations des sociétés de gardiennage dues en vertu d'un contrat de sous-traitance lorsque de telles sommes n'étaient pas visées par le règlement de copropriété, ce dont il résultait une modification prohibée dudit règlement par l'administrateur provisoire, la cour d'appel a violé les
articles 26 et 29-1 de la loi du 10 juillet 1965🏛🏛 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ;
4°/ que la société Les Jardins du Hamak faisait valoir qu'elle n'avait jamais accepté ni voté pour que le gardiennage soit confié à une entreprise extérieure puisqu'elle n'avait pas été convoquée aux assemblées générales ayant voté en ce sens en raison de la scission de la copropriété ; qu'elle ajoutait avoir par ailleurs toujours contesté ces frais ; qu'en énonçant seulement, pour rejeter la demande de nullité du procès-verbal de décisions du 26 mai 2016 et dire que l'administrateur provisoire avait valablement inclus dans les charges générales le coût des prestations de gardiennage confiées à une entreprise de sous-traitance extérieure, qu'il n'était pas contesté que les copropriétaires avaient recours depuis toujours à une entreprise extérieure pour le gardiennage de la copropriété, sans répondre à ce moyen dirimant de nature à exclure tout accord de la société les Jardins du Hamak à cet égard, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'
article 455 du code de procédure civile🏛 ;
5°/ que les décisions concernant la modification du règlement de copropriété dans la mesure où il concerne la jouissance, l'usage et l'administration des parties communes sont prises à la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix ; que l'administrateur provisoire désigné sur le fondement de l'article 29-1 de la loi de 1965 n'a pas le pouvoir de modifier le règlement de copropriété ; que pour écarter tout dépassement de pouvoirs de l'administrateur provisoire, la cour d'appel a relevé qu'il n'est pas contesté que ceux-ci (les copropriétaires) ont recours depuis toujours à une entreprise extérieure pour le gardiennage de la copropriété et s'est fondée sur un contrat du 5 décembre 2008 passé entre le syndicat des copropriétaires et la société ESP gardiennage ; qu'un tel contrat ne pouvait toutefois établir que tous les copropriétaires, y compris la société Les Jardins du Hamak, avaient donné leur accord à l'inclusion dans es charges générales des frais de gardiennage liées aux prestations d'une entreprise extérieure puisqu'il avait été conclu alors que la société Les Jardins du Hamak ne faisait plus partie de la copropriété du fait de la scission intervenue le 30 septembre 2008 ; qu' en se fondant cependant sur ce contrat pour affirmer qu'il n'était pas contesté que les copropriétaires avaient recours depuis toujours à une entreprise extérieure pour le gardiennage de la copropriété, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, impropre à exclure le dépassement de pouvoirs imputé à l'administrateur provisoire et a, par là-même, violé les articles 26 et 29-1 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. »
Réponse de la Cour
6. Selon l'article 29-1, I, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, le juge qui désigne un administrateur provisoire le charge de prendre les mesures nécessaires au rétablissement du fonctionnement normal de la copropriété. A cette fin, il lui confie tous les pouvoirs du syndic dont le mandat cesse de plein droit sans indemnité et tout ou partie des pouvoirs de l'assemblée générale des copropriétaires, à l'exception de ceux prévus aux a et b de l'article 26, et du conseil syndical. Le président du tribunal judiciaire peut, à tout moment, modifier la mission de l'administrateur provisoire ou y mettre fin à la demande d'un ou plusieurs copropriétaires.
7. Aux termes de l'
article 62-9 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967🏛, l'administrateur provisoire adresse copie aux copropriétaires de la ou des décisions prises et joint, s'il y a lieu, l'appel de fonds correspondant.
8. Il résulte de ces textes que, sans préjudice de la possibilité d'en référer au président du tribunal judiciaire pour mettre fin ou modifier sa mission, les copropriétaires ne peuvent remettre en cause les décisions prises par l'administrateur provisoire, désigné en application de l'article 29-1 précité et chargé de veiller à l'équilibre financier du syndicat et de pourvoir à la conservation de l'immeuble, lequel exerce les pouvoirs normalement dévolus à l'assemblée générale, à l'exception de ceux que la loi interdit au juge de lui donner.
9. L'arrêt constate que M. [F] a été désigné en qualité d'administrateur provisoire du syndicat des copropriétaires sur le fondement de l'article 29-1 précité avec mission d'exercer tous les pouvoirs dévolus au syndic et une partie des pouvoirs de l'assemblée générale des copropriétaires, en vue notamment d'approuver les budgets prévisionnels des exercices 2015 et 2016 et les comptes rectifiés des exercices 2008 à 2015, décisions qu'il a prises par procès-verbal du 26 mai 2016.
10. Il en résulte que ce procès-verbal ne pouvait être contesté par les copropriétaires, sauf, pour eux, à en référer au président du tribunal judiciaire.
11. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les
articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile🏛🏛, l'arrêt se trouve légalement justifié.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Les Jardins du Hamak aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société Les Jardins du Hamak et la condamne à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence Les Jardins du Hamak la somme de 3 000 euros et à M. [W], la société Villa [6], la société Soprover, M. et Mme [C] et la société Foncinvest GP la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-quatre.