ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Civile 3
05 Juillet 1995
Pourvoi N° 93-11.436
Mme Victoria ..., veuve ...
contre
M. Frédéric ... et autres
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par Mme Victoria ..., veuve ..., demeurant à Arles (Bouches-du-Rhône), en cassation d'un arrêt rendu le 15 décembre 1992 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (4e Chambre civile, Section A), au profit 1 ) de M. Frédéric ..., demeurant à Arles (Bouches-du-Rhône), 2 ) de Mme ..., Babette ..., demeurant à Arles (Bouches-du-Rhône), 3 ) de la société civile professionnelle Carmona-Pontier, huissiers de justice associés, dont le siège est à Arles (Bouches-du-Rhône), prise en la personne de ses directeur et représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège, défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 31 mai 1995, où étaient présents M. Beauvois, président, M. Chollet, conseiller référendaire rapporteur, M. ..., Mme ..., MM ..., ..., ..., Mmes ... ..., ..., conseillers, M. ..., Mme ..., conseillers référendaires, M. Weber, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M le conseiller référendaire Chollet, les observations de Me ..., avocat de Mme ..., de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, avocat de M. ... et de Mme ..., de Me ..., avocat de la SCP Carmona-Pontier, les conclusions de M. Weber, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur les deux moyens, réunis Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 décembre 1992), que Mme ... est propriétaire de locaux à usage commercial donnés en location, suivant trois baux successifs stipulés dérogatoires au statut des baux commerciaux et consentis, le premier à M. ..., pour la période du 1er août 1983 au 30 juin 1985, le deuxième à Mme ..., pour celle du 1er juillet 1985 au 30 mai 1987, et le troisième à M. ..., pour une période de vingt-trois mois indiquée comme courant du 1er janvier 1987 au 31 novembre 1989 ; Attendu que Mme ... fait grief à l'arrêt de décider que M. ... et Mme ... bénéficient d'un bail commercial soumis aux dispositions du décret du 30 septembre 1953 et de la débouter de ses demandes en dommages-intérêts à l'égard de la société Carmona-Pontier, rédactrice des baux, alors, selon le moyen, "1 ) que l'arrêt attaqué, qui a estimé que l'exploitation en commun par les consorts ..., concubins, suffirait à leur permettre de bénéficier du statut des baux commerciaux sans qu'il soit nécessaire que chacun d'entre eux ait été immatriculé au registre du commerce, a violé l'article 1er du décret du 30 septembre 1953 ;
2 ) que l'arrêt attaqué, qui n'a pas recherché si le fonds de commerce était immatriculé le 1er janvier 1987, date à compter de laquelle les consorts ... ont prétendu bénéficier du statut des baux commerciaux, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du décret du 30 septembre 1953 ;
3 ) qu'en admettant que les consorts ... bénéficiaient d'un bail commercial, sans rechercher s'ils n'avaient pas renoncé au statut des baux commerciaux postérieurement à l'expiration du premier bail, l'arrêt attaqué a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3-2 du décret du 30 septembre 1953 ;
4 ) que l'arrêt attaqué, qui s'est borné à relever que les bailleurs avaient eu l'intention de faire échec aux dispositions impératives du statut des baux commerciaux, a statué par voie d'affirmation pure et simple et privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
5 ) que l'arrêt attaqué, qui n'a pas recherché si l'huissier, rédacteur des actes, avait alerté sa cliente sur la non-validité des baux conclus au surplus par des preneurs distincts, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil" ;
Mais attendu que la cour d'appel, devant laquelle Mme ... avait seulement soutenu que ni M. ..., ni Mme ... n'avaient été inscrits au registre du commerce pendant une durée supérieure à deux années, a, sans avoir à procéder à des recherches non demandées ou que ses constatations rendaient inopérantes, légalement justifié sa décision en relevant que la bailleresse, qui n'établissait pas avoir été mal conseillée ou informée de la situation, savait que le fonds de commerce avait été, dès l'origine, exploité en commun par M. ... et Mme ... et en retenant souverainement qu'elle avait eu, comme le bailleur précédent, l'intention de faire échec aux dispositions d'ordre public du décret du 30 septembre 1953 ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme ... à payer à M. ... et Mme ..., ensemble, nouveau Code de procédure civile et à la société Carmona-Pontier la même somme en application de ce texte ;
du nouveau Code de procédure civile, au profit de Mme ... ;
Condamne Mme ..., envers les défendeurs, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M le président en son audience publique du cinq juillet mil neuf cent quatre-vingt-quinze.