ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Commerciale
16 Mai 1995
Pourvoi N° 93-13.063
... Simon frères et autre
contre
société Crédimo et autre.
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Caen, 18 février 1993), que, le 29 avril 1988, la société Crédimo et la société des ... Simon (la société Simon) ont conclu un contrat de crédit-bail pour le financement d'une machine ; que celle-ci a été livrée à la société Simon le 16 décembre 1988 ; que, le 29 décembre 1988, la société Simon a été mise en redressement judiciaire ; qu'un représentant de cette société et l'administrateur de la procédure collective ont signé le procès-verbal de réception de la machine le 2 février 1989 ; que la société Crédimo a assigné la société Simon et l'administrateur en paiement de loyers arriérés, en prétendant, pour bénéficier des dispositions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, que le crédit-bail n'avait pris effet que lors de la réception du matériel ; que cette société et l'administrateur de son redressement judiciaire ont opposé à cette réclamation le défaut de publicité du contrat de crédit-bail à la date d'ouverture du redressement judiciaire et l'absence de revendication du bien loué dans les 3 mois de cette même date ;
Sur les seconds moyens du pourvoi principal et du pourvoi incident, réunis, chacun étant pris en ses trois branches, et dont l'examen est préalable
Attendu que la société Simon et M. ..., agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan, font grief à l'arrêt d'avoir rejeté son exception relative à l'absence de revendication de la part de la crédit-bailleresse dans les 3 mois suivant l'ouverture du redressement judiciaire, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le titulaire d'un droit réel est tenu, à peine de déchéance de son droit, d'exercer l'action en revendication, dans les 3 mois à compter du prononcé du jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire ; qu'en refusant de faire produire effet à l'absence de revendication, pour constater par voie de conséquence que le crédit-bailleur ne pouvait plus prétendre à des loyers, les juges du fond ont violé les articles 1131 et 1134 du Code civil, 115 de la loi du 25 janvier 1985 ; alors, d'autre part, que le fait que la jouissance, génératrice de la créance de loyers, ait été différée, est indifférente quant à l'obligation pour le propriétaire d'exercer l'action en revendication ; qu'à cet égard également, l'arrêt a été rendu en violation des articles 1131 et 1134 du Code civil, 115 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, enfin, que la circonstance que le transfert de propriété entre le fournisseur et le crédit-bailleur ait été différé jusqu'au 2 février 1989 ne pouvait faire obstacle au cours du délai de 3 mois prévu à l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985, et à la perte du droit de propriété, pour le cas où l'action en revendication ne serait pas exercée ; qu'à cet égard encore les juges du fond ont violé les articles 1131 et 1134 du Code civil, 115 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu que, relevant, par motifs adoptés, que, selon les termes mêmes du contrat de crédit-bail, celui-ci ne prend effet qu'au moment du transfert au bailleur de la propriété du matériel, et retenant que ce transfert n'est lui-même intervenu que lors de la signature du procès-verbal de réception, la cour d'appel en a, à bon droit, déduit que le crédit-bailleur n'était pas soumis aux dispositions de l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985 pour le bien ainsi pris à bail par la société Simon postérieurement à sa mise en redressement judiciaire ; que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;
Sur les premiers moyens du pourvoi principal et du pourvoi incident, réunis, chacun étant pris en ses trois branches
Attendu que la société Simon et M. ..., agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan, font grief à l'arrêt d'avoir rejeté son exception relative à l'absence de publicité du crédit-bail, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le bien faisant l'objet d'un crédit-bail, dès lors qu'il a été remis au crédit-preneur, est réputé être la propriété de ce dernier, quand le crédit-bail n'a pas fait l'objet d'une publicité régulière ; qu'ayant constaté successivement que le crédit-bail avait été conclu le 29 avril 1988 et que le matériel avait été livré le 16 décembre 1988, les juges du fond, faute de constater que le contrat de crédit-bail avait fait l'objet d'une publicité régulière, étaient tenus de considérer que le bien appartenait à la société Établissements Simon frères et de rejeter, en conséquence le paiement de loyers supposant que le crédit-bailleur fût toujours propriétaire du bien les demandes en paiement de loyers ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 1131 et 1134 du Code civil, 1-3 de la loi n° 66-455 du 2 juillet 1966, 2, 3, 4, 5 et 8 du décret n° 72-665 du 4 juillet 1972 ; alors, d'autre part, que peu importait que la mise à disposition du matériel, génératrice de la créance de loyers, n'ait eu lieu que postérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ; que la publicité doit en effet intervenir, à tout le moins, à la date à laquelle le matériel est remis au crédit-preneur ; qu'à cet égard également, l'arrêt a été rendu en violation des articles 1131 et 1134 du Code civil, 1-3 de la loi n° 66-455 du 2 juillet 1966, 2, 3, 4, 5 et 8 du décret n° 72-665 du 4 juillet 1972 ; et alors, enfin, que peu importait que, dans les rapports entre le fournisseur et le crédit-bailleur, celui-ci ne soit devenu propriétaire qu'à la date du procès-verbal de prise en charge ; que le crédit-preneur étant réputé être propriétaire du bien, à défaut de publicité du contrat de crédit bail, le contrat doit être publié, à tout le moins à la date de la remise du matériel, nonobstant l'absence de droit de propriété du crédit-bailleur, ne serait-ce que pour permettre à ce dernier de sauvegarder ses droits éventuels ; qu'à cet égard encore l'arrêt a été rendu en violation des articles 1131 et 1134 du Code civil, 1-3 de la loi n° 66-455 du 2 juillet 1966, 2, 3, 4, 5 et 8 du décret n° 72-665 du 4 juillet 1972 ;
Mais attendu que le crédit-preneur n'a pas qualité pour se prévaloir de l'éventuelle inobservation des mesures de publicité mises en place par le décret du 4 juillet 1972 en vue de la protection des tiers au contrat ; que les moyens sont irrecevables en leurs diverses branches ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE les pourvois tant principal qu'incident.