COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 janvier 2024
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 33 FS-B
Pourvoi n° Y 22-10.413
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 JANVIER 2024
Mme [F] [K], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 22-10.413 contre l'arrêt rendu le 23 novembre 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ au directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, domicilié [… …],
2°/ au directeur général des finances publiques, domicilié [… …],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Maigret, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme [K], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques et du directeur général des finances publiques, et l'avis de Mme Aa, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 28 novembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Maigret, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Ab A, Ac, M. Ad, Ab Ae, Af, MM. Alt, Calloch, conseillers, M. Blanc, Mmes Vigneras, Lion, Lefeuvre, Tostain, conseillers référendaires, Mme Aa, premier avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'
article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 23 novembre 2021), par une déclaration de don manuel à titre de partage anticipé du 17 juin 2011, enregistrée le 30 juin suivant par le service des impôts, M. [T] [K], qui détenait seul, depuis au moins deux ans, 34 % des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres de la société anonyme Sogefi groupe [K], et exerçait, depuis plus de deux ans, les fonctions de président du conseil de surveillance de cette société, a fait donation de 204 actions de ladite société à chacun de ses deux enfants, M. [M] [K] et Mme [F] [K], ladite déclaration précisant que les 408 actions en cause étaient éligibles au dispositif d'exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit prévu à l'
article 787 B du code général des impôts🏛.
2. Par une proposition de rectification du 16 décembre 2016, l'administration fiscale a remis en cause cette exonération partielle. Après rejet des observations de Mme [K], elle a, le 17 avril 2017, émis un avis de mise en recouvrement des droits éludés et des intérêts de retard.
3. Par réclamation du 20 juillet 2017, Mme [K] a sollicité le dégrèvement des sommes réclamées, puis a assigné l'administration fiscale aux mêmes fins.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Mme [K] fait grief à l'arrêt confirmatif de dire que la donation d'une partie des titres de la société [K] par M. [T] [K] au bénéfice de ses enfants réalisée en 2011 ne pouvait pas bénéficier de l'exonération partielle de droits de mutation prévue à l'article 787 B du code général des impôts, de dire que l'administration était en droit de procéder au rappel des sommes éludées pour un montant de 595 814 euros et de rejeter ses demandes portant sur la contestation de la proposition de rectification de l'administration fiscale concernant les droits de mutation afférents à la transmission des titres intervenue le 17 juin 2011, alors :
« 1°/ que le bénéfice de l'exonération partielle de droits de mutation instaurée par l'article 787 B du code général des impôts, pris dans sa version en vigueur à la date des donations en litige, est d'abord subordonné à la condition, exprimée au paragraphe a, que les parts ou actions transmises par décès ou par libéralité aient fait l'objet "d'un engagement collectif de conservation d'une durée minimale de deux ans en cours au jour de la transmission, qui a été pris par le défunt ou le donateur, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, avec d'autres associés" ; qu'il est en outre exigé par le paragraphe d du même article que "l'un des associés mentionnés au a ou l'un des héritiers, donataires ou légataires mentionnés au c exerce effectivement dans la société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement collectif de conservation, pendant la durée de l'engagement prévu au a et pendant les trois années qui suivent la date de la transmission, (
) l'une des fonctions énumérées au 1° de l'article 885 O bis lorsque celle-ci est soumise à l'impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option" ; que, pour juger que l'administration fiscale avait à bon droit remis en cause le bénéfice de l'exonération partielle de droits de mutation appliquée lors des donations de titres consenties par M. [T] [K] à ses enfants, M. [M] [K] et Mme [F] [K], après avoir elle-même constaté que seul le donateur avait exercé l'une des fonctions de direction éligibles pendant les trois années postérieures à ces donations, la cour d'appel a retenu, par motifs propres, que "les associés auxquels renvoie le d sont les parties qui ont signé l'engagement avec le donateur, rédaction qui exclut que le donateur, une des parties à l'acte, puisse être dans le même temps un des associés avec qui il a conclu l'engagement" ; qu'en se prononçant de la sorte, cependant que l'expression "l'un des associés mentionnés au a", qui figure au paragraphe d de l'article 787 B du code général des impôts, englobe toutes les parties à l'engagement collectif de conservation visé au paragraphe a du même article, donc autant les associés du donateur que le donateur lui-même, la cour d'appel a violé le texte susvisé par fausse interprétation ;
2°/ que si le paragraphe a de l'article 787 B du code général des impôts subordonne le bénéfice de l'exonération partielle de droits de mutation qu'il instaure à la condition que les parts ou actions données aient fait l'objet "d'un engagement collectif de conservation d'une durée minimale de deux ans en cours au jour de la transmission, qui a été pris par le défunt ou le donateur, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, avec d'autres associés", il ressort du paragraphe b du même article que cet engagement collectif de conservation peut, soit avoir été expressément souscrit dans un acte rendu opposable à l'administration à la date de son enregistrement, soit être "réputé acquis" lorsqu'une personne physique détient depuis deux ans au moins, seule avec son conjoint ou partenaire pacsé, des parts ou actions d'une société non cotée représentant au moins 34 % des droits financiers et des droits de vote et que cette personne, son conjoint ou son partenaire exerce depuis plus de deux ans au moins dans la société concernée l'une des fonctions énumérées au 1° de l'article 885 O bis s'il s'agit d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés ; qu'il ressort des travaux préparatoires de l'article 57 de la loi n° 2006-1171 de finances rectificative pour 2006 qu'en décidant que l'engagement collectif de conservation serait "réputé acquis" lorsque les conditions ci-dessus décrites sont satisfaites, le législateur a assimilé à la signature d'un engagement collectif de conservation la détention par un dirigeant d'entreprise depuis plus de deux ans de plus de 34 % des actions d'une société non cotée et a ainsi considéré que cette détention stable de la fraction du capital requise vaudrait conclusion d'un engagement collectif de conservation, sans modifier par ailleurs les autres conditions auxquelles se trouve subordonné le bénéfice de l'exonération partielle de droits de mutation instaurée par l'article 787 B ; qu'il suit de là que la condition exprimée au paragraphe d de ce texte, selon laquelle "l'un des associés mentionnés au a ou l'un des (
) donataires mentionnés au c exerce effectivement dans la société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement collectif de conservation, pendant la durée de l'engagement prévu au a et pendant les trois années qui suivent la date de la transmission (
) l'une des fonctions énumérées au 1° de l'article 885 O bis lorsque celle-ci est soumise à l'impôt sur les sociétés" peut toujours être satisfaite en la personne du donateur sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que l'engagement collectif de conservation prévu au paragraphe a a été expressément souscrit ou été "réputé acquis" ; qu'en énonçant néanmoins, par motifs propres et adoptés des premiers juges, que les associés auxquels renvoie le paragraphe d de ce texte ne peuvent désigner que ceux qui ont formellement signé un engagement collectif de conservation, ce qui exclut que la fonction de direction de la société puisse être exercée par le donateur en la personne duquel l'engagement collectif de conservation a été réputé acquis par application du paragraphe b, la cour d'appel a derechef violé l'article 787 B du code général des impôts par fausse interprétation. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article 787 B, a, du code général des impôts, dans sa rédaction applicable, pour pouvoir être exonérées de droits de mutation, à concurrence de 75 % de leur valeur, les parts ou les actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale doivent faire l'objet d'un engagement collectif de conservation d'une durée minimale de deux ans en cours au jour de la transmission, qui a été pris par le défunt ou le donateur, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, avec d'autres associés.
6. Selon le quatrième alinéa du b du même article, l'engagement collectif de conservation est réputé acquis lorsque les parts ou actions détenues depuis deux ans au moins par une personne physique seule ou avec son conjoint ou le partenaire avec lequel elle est liée par un pacte civil de solidarité atteignent le seuil de 20 % des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par la société, s'ils sont admis à la négociation sur un marché réglementé, ou, à défaut, celui de 34 %, sous réserve que cette personne ou son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité exerce depuis plus de deux ans au moins dans la société concernée son activité professionnelle principale ou l'une des fonctions énumérées au 1° de l'article 885 O bis lorsque la société est soumise à l'impôt sur les sociétés.
7. Enfin, selon le d du même article, l'un des associés mentionnés au a ou l'un des héritiers, donataires ou légataires mentionnés au c doit exercer effectivement dans la société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement collectif de conservation, pendant la durée de l'engagement prévu au a et pendant les trois années qui suivent la date de la transmission, son activité professionnelle principale si celle-ci est une société de personnes visée aux articles 8 et 8 ter, ou l'une des fonctions énumérées au 1° de l'article 885 O bis lorsque celle-ci est soumise à l'impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option.
8. Il résulte d'une lecture combinée de ces dispositions, qu'en cas d'engagement collectif réputé acquis, l'exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, des parts ou actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou entre vifs, prévu à l'article 787 B du code général des impôts, ne s'applique que lorsque, pendant les trois années qui suivent la date de la transmission, l'un des héritiers, donataires ou légataires exerce effectivement dans la société son activité professionnelle principale, si celle-ci est une société de personnes visée aux
articles 8 et 8 ter du même code🏛, ou l'une des fonctions énumérées au 1° de l'article 885 O bis dudit code, lorsque celle-ci est soumise à l'impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option.
9. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [K] aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par Mme [K] et la condamne à payer au directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, et au directeur général des finances publiques, la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille vingt-quatre.