SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 janvier 2024
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 84 F-B
Pourvoi n° A 22-20.926
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 JANVIER 2024
La société TP Plus, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 22-20.926 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2022 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale, prud'hommes), dans le litige l'opposant à M. [U] [E], domicilié [… …], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Chiron, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel, avocat de la société TP Plus, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [E], après débats en l'audience publique du 12 décembre 2023 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Chiron, conseiller référendaire rapporteur, Mme Salomon, conseiller, M. Juan, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 24 juin 2022), M. [E] a été engagé en qualité de cadre technico-commercial le 10 mars 2006 par la société TP Plus. Le contrat de travail comportait une clause de non-concurrence.
2. Le salarié a démissionné le 11 janvier 2018.
3. Se prévalant d'une violation de la clause de non-concurrence au regard de la nouvelle activité du salarié auprès de la société Dumortier TP Location, l'employeur a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'interdire au salarié de lui faire concurrence et d'obtenir le paiement de diverses sommes en application de la clause de non-concurrence. Le salarié a sollicité le paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié des sommes au titre d'un solde d'indemnité de non-concurrence et d'indemnité de congés payés afférente et de le débouter de sa demande reconventionnelle tendant à la restitution des sommes versées à M. [E] en contrepartie de la clause de non-concurrence, alors :
« 1°/ que le salarié qui viole son obligation de non-concurrence dès la rupture de son contrat de travail ou peu après celle-ci perd son droit à indemnités de non-concurrence définitivement, même si la violation de l'interdiction de concurrence n'a été que temporaire et que le salarié a cessé par la suite l'activité concurrente ; que la cour d'appel a jugé la clause de non-concurrence valide, a retenu sa violation par M. [E] et a rappelé qu'elle prévoyait que "toute violation de l'interdiction de concurrence libèrerait l'employeur du versement de la contrepartie" ; qu'elle a cependant jugé que "l'activité concurrentielle n'a duré que six mois, alors que la société TP Plus ne prouve, ni même n'allègue, qu'il aurait ensuite poursuivi une activité concurrente", et que "la contrepartie de l'obligation de nonconcurrence prévue par la clause doit donc s'appliquer sur la base d'une période de dix-huit mois, correspondant aux vingt-quatre mois initialement prévus, déduction faite des six mois au service de la société Dumortier TP Location, ce qui correspond à une indemnité totale de 23 985" ; qu'elle en a conclu que la société TP Plus devait payer cette somme à M. [E], minorée du montant déjà versé au titre de l'indemnité de non-concurrence ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'elle avait préalablement constaté que M. [Aa] avait violé sa clause de non-concurrence peu après son départ effectif de la société TP Plus, ce dont elle aurait dû déduire qu'il avait définitivement perdu son droit à indemnité de non-concurrence, non seulement pour la durée de cette violation mais aussi pour l'avenir, la cour d'appel a violé l'
article 1104 du code civil🏛 ;
2°/ que la violation de la clause de non-concurrence par le salarié dès la rupture du contrat de travail ou peu après celle-ci l'oblige à rembourser à son employeur la contrepartie financière de cette clause, indûment perçue ; qu'après avoir constaté que M. [Aa] avait violé son obligation de non-concurrence peu après son départ effectif de la société TP Plus le 11 janvier 2018, en s'engageant aux mêmes fonctions le 5 février suivant auprès de la société concurrente Dumortier TP Location et en y travaillant jusqu'au 31 août 2018, la cour d'appel, qui a rappelé que la clause de non-concurrence prévoyait que "toute violation de l'interdiction de concurrence [
] rendrait le salarié redevable envers lui du remboursement de ce qu'il aurait pu percevoir à ce titre", a pourtant énoncé, "sur les conséquences financières de la situation", que "l'activité concurrentielle n'a duré que six mois, alors que la société TP Plus ne prouve, ni même n'allègue, qu'il aurait ensuite poursuivi une activité concurrente", pour en déduire que la société TP Plus devait être déboutée de sa demande de remboursement ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1104 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les
articles L. 1121-1 du code du travail🏛 et 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :
5. La violation de la clause de non-concurrence ne permet plus au salarié de prétendre au bénéfice de la contrepartie financière de cette clause même après la cessation de sa violation.
6. Pour condamner l'employeur à payer au salarié des sommes à titre de solde d'indemnité de non-concurrence et d'indemnité de congés payés afférente et le débouter de sa demande reconventionnelle, l'arrêt, après avoir retenu que c'est à tort que le conseil de prud'hommes a estimé que le salarié n'avait pas violé la clause de non-concurrence, relève que le contrat de travail conclu le 5 février 2018 avec la société Dumortier TP Location avait pris effet le 1er mars 2018 pour se terminer le 31 août 2018, que l'activité concurrentielle n'avait duré que six mois, et que l'employeur ne prouvait, ni même n'alléguait, que le salarié aurait ensuite poursuivi une activité concurrente.
7. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que le salarié avait violé la clause de non-concurrence, ce dont il résultait qu'il ne pouvait plus prétendre au bénéfice de la contrepartie financière de cette clause même après la cessation de sa violation, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
8. En application de l'
article 624 du code de procédure civile🏛, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur à payer au salarié des sommes à titre de solde d'indemnité de non-concurrence et d'indemnité de congés payés afférente et le déboutant de sa demande reconventionnelle entraîne la cassation du chef de dispositif ordonnant la compensation entre les créances réciproques des parties qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société TP Plus à payer à M. [E] 17 766,67 euros de solde d'indemnité de non-concurrence et 1 776,67 euros d'indemnité de congés payés afférente, déboute la société TP Plus de sa demande reconventionnelle en restitution des sommes déjà versées en contrepartie de la clause de non-concurrence, ordonne la compensation entre les créances réciproques des parties, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, l'arrêt rendu le 24 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne M. [E] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille vingt-quatre.