TA Dijon, du 18-01-2024, n° 2102905
A31162GI
Référence
Par une requête enregistrée le 10 novembre 2021, et un mémoire enregistré le
13 décembre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme C A, demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision du 25 août 2021 par laquelle la première présidente de la cour d'appel de Dijon et le procureur général près la cour d'appel de Dijon ont refusé de modifier le compte-rendu de son entretien professionnel de l'année 2019 ;
2°) d'enjoindre à la première présidente de la cour d'appel de Dijon et au procureur général près la cour d'appel de Dijon de modifier cette appréciation conformément au courrier du garde des sceaux du 11 décembre 2020.
Elle soutient que :
- l'objectif noté " non atteint " a été partiellement réalisé et était en fait caduc ;
- la description de ses fonctions est incomplète s'agissant du bilan général des objectifs ;
- sur six critères d'appréciation " compétences professionnelles ", deux ont été abaissés à " bon " au lieu de " excellent ", alors que son appréciation générale fait état d'une parfaite maitrise de ses attributions ;
- dans la rubrique " aptitudes professionnelles et efficacité dans l'emploi ", aucune justification n'est apportée à la baisse de son appréciation ;
- dans la rubrique " qualités et capacités relationnelles ", les faits qui lui sont reprochés ne justifient pas la diminution de son appréciation ;
- dans la rubrique " capacité d'encadrement " l'absence de fonctions d'encadrement dans ses fonctions au service administratif régional (SAR) et le caractère réduit de l'équipe encadrée à la cour d'appel ne sont pas de nature à justifier une baisse de son appréciation ;
- le refus de modifier son compte-rendu à la suite de l'avis de la commission administrative paritaire (CAP) est intervenu dans des délais excessifs et lui a porté préjudice.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983🏛 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984🏛 ;
- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010🏛 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B,
- les conclusions de Mme Ach, rapporteure publique.
1. Mme A, directrice principale des services de greffe, était affectée du 1er janvier 2019 au 31 août 2019 au tribunal d'instance de Chalon-sur-Saône, puis du 1er au 15 septembre 2019 au service administratif régional (SAR), et enfin, en délégation auprès de la cour d'appel de Dijon à compter du 16 septembre 2019. Le 3 juillet 2020, elle a saisi la première présidente de la cour d'appel de Dijon et le procureur général près la cour d'appel de Dijon d'une demande de révision du compte-rendu de son entretien professionnel de l'année 2019, à laquelle il a été donné partiellement satisfaction par la transmission le 16 juillet 2020 d'un compte-rendu modifié. Mme A a saisi la commission administrative paritaire (CAP) le 21 août 2020. Le 1er décembre 2020, la CAP a émis un avis tendant à un renvoi devant les chefs de cour afin que la totalité de la période d'affectation soit prise en compte. Par courrier du 25 août 2021, notifié le 13 septembre 2021, la première présidente de la cour d'appel et le procureur général ont informé Mme A qu'après nouvel examen faisant suite à l'avis de la CAP, ils n'envisageaient pas de modifier son évaluation, celle-ci prenant en compte ses différentes affectations de l'année 2019. Par la présente requête, Mme A demande l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction :
2. Aux termes de l'article 17 de la loi du 13 juillet 1983🏛 portant droits et obligations des fonctionnaires alors applicable : " La valeur professionnelle des fonctionnaires fait l'objet d'une appréciation qui se fonde sur une évaluation individuelle donnant lieu à un compte rendu qui leur est communiqué ". Aux termes de l'article 55 de la loi du 11 janvier 1984🏛 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat alors en vigueur : " L'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires se fonde sur un entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct, qui donne lieu à un compte rendu. (). ".
3. Aux termes de l'article 4 du décret du 28 juillet 2010🏛 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat : " Le compte rendu de l'entretien professionnel est établi et signé par le supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire. Il comporte une appréciation générale exprimant la valeur professionnelle de ce dernier.
Il est communiqué au fonctionnaire qui le complète, le cas échéant, de ses observations.
Il est visé par l'autorité hiérarchique qui peut formuler, si elle l'estime utile, ses propres observations. Le compte rendu est notifié au fonctionnaire qui le signe pour attester qu'il en a pris connaissance puis le retourne à l'autorité hiérarchique qui le verse à son dossier. ".
4. En premier lieu, Mme A soutient que c'est à tort que l'objectif " Mettre en place, avec les mandataires de l'UDAF, des ordonnances type préétablies pour les actes les plus récurrents " a été noté comme non atteint, alors qu'il a été partiellement réalisé et était en fait caduc. Toutefois, il ressort des observations du supérieur hiérarchique direct de Mme A que cet objectif n'était pas devenu entièrement caduc et devait être poursuivi.
5. En deuxième lieu, Mme A soutient que son activité à la cour d'appel de Dijon à compter du 16 septembre 2019 aurait dû être détaillée dans la rubrique relative à la synthèse générale des objectifs. Toutefois, cette rubrique n'est pas consacrée au descriptif des fonctions exercées, qui relève d'une autre rubrique dont il n'est pas allégué qu'elle serait incomplète.
6. En troisième lieu, d'une part, il ressort de la grille d'évaluation que l'item " Connaissances techniques spécifiques à la fonction " a été noté " bon ", ce qui est cohérent avec l'appréciation littérale qui indique que : " Mme A a démontré, dans ses fonctions précédentes, une parfaite maîtrise de ses attributions tant juridictionnelles que non juridictionnelles. () En revanche, ses compétences professionnelles en matière budgétaire, dans ses fonctions de responsable de la gestion budgétaire au SAR de Dijon, restent à démontrer. ". Quand bien même l'intéressée n'est restée que quinze jours dans ce dernier service, elle n'est pas fondée à soutenir que, malgré les insuffisances relevées en matière budgétaire, ses compétences auraient dû être évaluées au niveau " très bon " ou " excellent ".
7. D'autre part, Mme A soutient que dans la rubrique " aptitudes professionnelles et efficacité dans l'emploi ", aucune justification n'est apportée à la baisse de son appréciation dans les items " Conscience professionnelle et sens des responsabilités ", " Esprit d'initiative et dynamisme ", " Capacité de travail " et " Qualité de travail fourni " et que, dans la rubrique
" qualités et capacités relationnelles ", les faits qui lui sont reprochés concernant ses fonctions au SAR ne justifient pas la diminution de son appréciation. Toutefois, la circonstance que sa manière de servir avait été considérée comme relevant du niveau " très bon " ou " excellent " l'année précédente ne saurait en elle-même suffire à invalider l'évaluation dont elle a fait l'objet, qui n'est pas incohérente avec d'autres éléments pris en compte pour apprécier sa manière de servir ; à cet égard, l'appréciation littérale mentionne que l'intéressée a démontré son aptitude à organiser les services, à actualiser ses connaissances et à accompagner les agents dans les réformes, mais n'a, en revanche, pas démontré son sens des responsabilités et sa capacité d'adaptation aux changements dans ses nouvelles fonctions de responsable de la gestion budgétaire puisqu'elle a, dès son arrivée, manqué à ses obligations professionnelles, raison pour laquelle elle a été écartée du service très peu de temps après son arrivée. Cette appréciation ajoute, au titre de l'appréciation des " qualités et capacités relationnelles ", que l'intéressée n'a pas compris le fonctionnement du SAR, et la nécessité de former une équipe soudée et solidaire autour des chefs de cour.
8. Mme A soutient enfin que la baisse de son appréciation dans la rubrique " capacité d'encadrement " n'est pas justifiée. Les différents items de cette rubrique sont notés " très bon " ou " excellent " alors qu'ils étaient notés " excellent " l'année précédente ; cependant, l'appréciation de sa manière de servir au titre de l'année antérieure ne saurait remettre en cause l'évaluation ici en litige, dès lors que les nouvelles fonctions confiées à Mme A en cours d'année ne comportent pas des responsabilités similaires aux précédentes en termes d'encadrement.
9. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des éléments qui viennent d'être exposés, il n'apparaît pas qu'une erreur de fait ou manifeste d'appréciation entachant l'évaluation de la manière de servir de Mme A au titre de 2019 pourrait être retenue.
10. En dernier lieu, si Mme A soutient que le refus de modifier son compte-rendu à la suite de l'avis de la CAP est intervenu dans des délais excessifs, ce qui a porté préjudice à sa candidature à d'autres fonctions, de telles circonstances ne sont pas de nature à affecter la légalité de la décision attaquée.
11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions en annulation de la requête de
Mme A doivent être rejetées, de même, par voie de conséquence, que ses conclusions en injonction.
Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme C A et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 21 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Olivier Rousset, président,
Mme Marie-Eve Laurent, première conseillère,
Mme Océane Viotti, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2024.
La rapporteure,
M-E B
Le président,
O. Rousset
La greffière,
C. Chapiron
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.
Pour expédition,
La greffière,
Loi, 83-634, 13-07-1983 Loi, 84-16, 11-01-1984 Décret, 2010-888, 28-07-2010 Entretien Diminution Services administratifs Demandes de révision Commission paritaire Fonctionnaire Dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'etat Mandataire