Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 1er Mars 1995
Cassation
N° de pourvoi 94-85.393
Président M. Le Gunehec
Demandeur X
Rapporteur M. ....
Avocat général M. Perfetti.
Avocat la SCP Waquet, Farge et Hazan.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CASSATION sur le pourvoi formé par X, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Grenoble, en date du 12 octobre 1994, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de viols sur mineurs de 15 ans, l'a renvoyé devant la cour d'assises.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 332 du Code pénal abrogé, 222-23 et 222-24 du Code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale
" en ce que la chambre d'accusation a ordonné le renvoi devant la cour d'assises de X, du chef de viols sur mineurs de 15 ans ;
" aux motifs qu'aucun élément de violence ou de contrainte ne résulte de l'information ; qu'au moment des premières fellations obtenues par X, Y avait 10 ans et demi, et Z 13 ans ; qu'en raison de leur jeune âge, l'un et l'autre ne pouvaient faire preuve, en matière de sexualité, de facultés de discernement ; que devant un comportement auquel ils ne s'attendaient pas, ils ont cédé sous l'effet de la surprise ; que toutes les pénétrations sexuelles commises sur la personne d'Y jusqu'à l'âge de 12 ans et demi, ont été obtenues par surprise ; qu'en revanche, seules celles commises sur la personne de Z, en 1985 et 1986, avant que le mineur ait atteint 14 ans, ont été obtenues par surprise, étant précisé que celles commises postérieurement au 2 septembre 1986, jusqu'au 2 septembre 1987 caractérisent le délit, aujourd'hui couvert par la prescription de l'action publique, d'attentats à la pudeur sans violence ni contrainte ni surprise sur la personne d'un mineur de 15 ans ;
" alors, d'une part, que l'attentat à la pudeur, même allant jusqu'à l'acte de pénétration sexuelle, même commis sur un mineur de 15 ans, ne saurait être qualifié de viol en l'absence de violence, contrainte ou surprise ; qu'en l'espèce, la chambre d'accusation, qui exclut expressément tout élément de violence ou de contrainte, n'a caractérisé à l'encontre de X aucun acte de surprise et n'a retenu la qualification de viol par surprise que compte tenu de l'âge des parties civiles, en fixant arbitrairement et en dehors de toute prescription légale, à l'âge de 14 ans le moment où la surprise ne pouvait plus jouer ; que, dès lors, c'est en violation des textes précités que la qualification de viol a été retenue ;
" alors, d'autre part, que lorsque l'acte de pénétration sexuelle a eu lieu à la demande de la partie civile elle-même, il ne saurait avoir eu lieu "par surprise" ; qu'en énonçant qu'en juin 1987, Y avait été sodomisé, et qu'il reconnaissait l'avoir demandé, tout en qualifiant cet acte de pénétration sexuelle obtenue par surprise, c'est-à-dire de viol, la chambre d'accusation a entaché sa décision d'une contradiction de motifs " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que tout jugement doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour renvoyer X devant la cour d'assises sous l'accusation de viols sur mineurs de 15 ans, les juges, après avoir énoncé qu'aucun élément de violence ou de contrainte ne résulte de l'information, retiennent qu'en raison de leur jeune âge, les mineurs ne pouvaient apprécier l'anormalité des exigences de cet adulte, et que devant ce comportement, ils ont cédé sous l'effet de la surprise ;
Mais attendu qu'en l'état de ces motifs, qui déduisent la surprise, malgré la répétition des faits, du seul âge des victimes, la chambre d'accusation n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Grenoble, en date du 12 octobre 1994, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Lyon.