ARRET
N°21
Société [5]
C/
CPAM DE L'OISE
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 09 JANVIER 2024
*************************************************************
N° RG 22/03996 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IRJP - N° registre 1ère instance : 21/00233
Jugement du tribunal judiciaire de Beauvais en date du 30 juin 2022
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Société [5]
A.T. : Mr [K] [G]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée et plaidant par Me Olivia COLMET DAAGE de la SELEURL OLIVIA COLMET DAAGE AVOCAT, avocat au barreau de PARIS
ET :
INTIME
CPAM DE L'OISE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée et plaidant par Madame [D] [T], munie d'un pouvoir régulier
DEBATS :
A l'audience publique du 09 Novembre 2023 devant, Mme Véronique CORNILLE, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 09 Janvier 2024.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Aa A
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Véronique CORNILLE en a rendu compte à la Cour composée en outre de :
Mme Jocelyne RUBANTEL, Président,
M. Pascal HAMON, Président,
et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 09 Janvier 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Mathilde CRESSENT, Greffier.
*
* *
DECISION
La société [5] a transmis à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise (ci-après la CPAM) une déclaration d'accident du travail du 13 août 2020 concernant son salarié, M. [K] [G], survenu le 10 août 2020, accompagnée d'un certificat médical initial du 11 août 2020 constatant un « lumbago ». Des réserves étaient émises par l'employeur par lettre adressée à la caisse le 7 septembre 2020.
Par courrier du 9 novembre 2020, la CPAM de l'Oise a notifié à la société sa décision de prise en charge de l'accident du travail au titre de la législation sur les risques professionnels.
Contestant cette décision, la société [5] a saisi la commission de recours amiable, laquelle a rejeté implicitement son recours, puis le pôle social du tribunal judiciaire de Beauvais qui, par jugement en date du 30 juin 2022, a :
déclaré irrecevable la demande de la société [5] tendant à l'infirmation de la décision de rejet implicite de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise,
débouté la société [5] de sa demande tendant à voir déclarer inopposable la décision du 9 novembre 2020 de prise en charge de l'accident de travail survenu au préjudice de M. [K] [G] le 10 août 2020,
déclaré opposable à la société [5] la décision du 9 novembre 2020 de la CPAM de l'Oise tendant à la prise en charge de l'accident du travail du 10 août 2020,
condamné la société [5] aux dépens.
Le 29 juillet 2022, la société [5] a relevé appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 1er juillet 2022.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 9 novembre 2023.
Par conclusions visées par le greffe le 9 novembre 2023 et soutenues oralement à l'audience, la société [5] demande à la cour de :
infirmer le jugement entrepris,
constater que la CPAM ne rapporte pas la preuve du caractère professionnel de l'accident déclaré par Ab. [G],
déclarer inopposable à son égard la décision de prise en charge de l'accident du travail déclaré par M. [Ab] le 10 août 2020.
Elle soutient qu'il n'existe pas d'éléments objectifs permettant de corroborer les déclarations du salarié et de prouver la réalité de l'accident, celui-ci ayant auparavant indiqué à ses collaborateurs qu'il s'était blessé lors d'une sortie à vélo au cours de ses congés payés du 13 juillet au 2 août 2020.
Elle expose que M. [Ab] a sollicité le chef de secteur commerce ainsi que celui du secteur sécurité aux fins d'obtenir un antalgique, en expliquant que les algies survenues pendant ses congés reprenaient et qu'il a poursuivi sa journée de travail jusque 18 heures lorsqu'il a demandé l'autorisation de quitter son poste de travail afin de se rendre chez son médecin et de partir par ses propres moyens.
Elle indique que cinq témoins viennent confirmer que le salarié s'est plaint de lombalgies suite à un accident de vélo lors de ses congés, ainsi qu'il en ressort des attestations qu'elle verse aux débats, et que la fiche de bilan des premiers secours établie le 10 août 2020 fait état de douleurs survenues pendant ses congés et de leur réapparition le jour du fait accidentel.
Elle précise qu'il n'y a pas eu de témoin, puisque Mme [M] [N], salariée intérimaire désignée comme témoin du fait accidentel par M. [G], atteste ne pas avoir assisté à celui-ci.
Elle considère que le lumbago est imputable à un état antérieur sans lien avec l'activité professionnelle et qu'en l'absence de lien direct, certain et exclusif entre le travail de l'assuré et les lésions constatées, il appartenait à la caisse de rapporter la preuve du caractère professionnel de l'accident déclaré par le salarié.
Par conclusions visées par le greffe le 9 novembre 2023 et soutenues oralement à l'audience, la CPAM de l'Oise demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions la décision déférée et de débouter l'employeur de l'ensemble de ses demandes.
Elle fait valoir qu'il ressort du questionnaire rempli par M. [G] que lors du fait accidentel, il se trouvait dans la réserve du magasin, sur son lieu de travail, et portait un carton de 30 kgs quand il a ressenti une légère pointe en bas du dos puis dix minutes plus tard une vive douleur l'empêchant presque de marcher. Elle ajoute que ses collègues ont témoigné qu'il boitait et se plaignait d'algies lombaires le jour du fait accidentel et que si M. [Ab] avait indiqué lors de sa reprise à ses collaborateurs qu'il avait eu des lombalgies pendant ses congés, elles avaient disparu, son état de santé étant normal lors de sa deuxième semaine de travail.
Elle soutient que les lésions constatées médicalement sont compatibles avec les faits décrits ; qu'en l'espèce, la survenance brusque de lésions au temps et au lieu du travail est parfaitement rapportée de sorte que la présomption d'imputabilité trouve à s'appliquer et qu'il appartient à l'employeur de la renverser en démontrant que la lésion est totalement étrangère au travail.
Elle rappelle que l'absence de témoin ne fait pas obstacle à la reconnaissance de la matérialité de l'accident survenu au temps et au lieu du travail et que l'employeur ne démontre pas que la douleur dont souffre le salarié, lésion caractéristique d'un fait soudain, serait en lien direct et exclusif avec l'existence d'un état pathologique préexistant en dehors de tout rôle causal avec le travail.
Motifs
Aux termes de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salarié ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.
Constitue ainsi un accident du travail un événement ou une série d'événements précis survenus soudainement par le fait ou à l'occasion du travail, à l'origine d'une lésion corporelle ou d'ordre psychologique.
Pour bénéficier de la présomption d'imputabilité prévue par le texte susvisé, il appartient à la caisse, dans ses rapports avec l'employeur, de rapporter la preuve de la survenue, sur le lieu et au temps de travail, d'un événement soudain ayant eu pour conséquence une lésion. L'employeur ne peut renverser la présomption que s'il démontre que l'accident résulte d'une cause totalement étrangère au travail.
En l'espèce, la déclaration d'accident du travail du 13 août 2020, indique que l'assuré qui était sur son lieu de travail habituel, a ressenti le 10 août 2020 à 15 heures, soit pendant ses horaires de travail, une douleur dans le bas du dos en manipulant un carton de bâches positionné sur un transpalette, et que l'employeur en a eu connaissance le 12 août 2020 à 17 heures 30.
Dans le cadre de l'enquête administrative, M. [G] a, dans le questionnaire assuré, décrit les circonstances de l'accident ainsi : « J'étais en réserve du magasin, je portais un carton de bâches de 30 kg pour le déposer sur un engin de manutention pour pouvoir aller facilement en surface de vente, en portant le carton j'ai senti une légère pointe en bas du dos à droite, c'est environ dix minutes après que j'ai ressenti une vive douleur, je ne pouvais presque plus marcher. »
Le certificat médical initial établi le 11 août 2020 mentionne un accident du 10 août 2020 et constate un « lumbago ++ ». Il corrobore les déclarations de l'assuré quant à l'apparition d'une lésion aux temps et au lieu du travail lors d'un geste au travail précis.
Aux termes de son questionnaire établi le 2 septembre 2020, l'employeur indique : « Le 10 août 2020, en début d'après-midi, M. [Ab] a contacté son chef de secteur, M. [S], afin de lui demander du paracétamol car il avait mal au dos. Il a expliqué s'être blessé lors de ses vacances du 13 juillet au 2 août 2020 pendant une sortie à vélo, et que la douleur se réveillait. M. [S] lui a expliqué qu'il n'avait pas le droit de lui donner du médicament. M. [Ab] a été voir le chef de secteur sécurité, Mme [W] en lui demandant la même chose et en lui donnant les mêmes explications, ce à quoi elle a répondu qu'il y avait des textes et qu'il fallait un avis médical. Mme [W] lui a demandé s'il se sentait bien, il a répondu 'Oui'. Il a repris son poste de travail normalement. Vers 17h50, M. [Ab] est monté au bureau des chefs de secteur en indiquant que la douleur l'empêchait de travailler, Mme [W] lui a dit qu'elle devait faire un bilan au 15, ce dernier a refusé et a signé une décharge de responsabilité. M. [Ab] a demandé l'autorisation de quitter son poste de travail afin de se rendre chez son médecin. M. [S] a accepté en insistant sur le fait qu'il était préférable de faire un bilan au 15 et lui conseillait de ne pas conduire et qu'il était plus prudent qu'un proche vienne le chercher. M. [G] a refusé. Nous avons découvert l'accident du travail lors de la réception de son arrêt. ».
L'employeur soutient ainsi que la lésion est en lien avec un accident de vélo. Il verse au dossier les attestations de cinq salariés qui déclarent que M. [Ab] leur avait indiqué s'être blessé au dos lors de ses congés, ainsi qu'une fiche de bilan des premiers secours en date du 10 août 2020 à 18 heures faisant état d'une « demande de paracétamol 'refus'. S'est fait mal durant ses vacances, c'est la continuité. »
Or un éventuel état antérieur ne fait pas lui-même obstacle à la présomption d'imputabilité qui trouve à s'appliquer.
Il résulte de cet ensemble d'éléments que la caisse justifie de la matérialité de l'accident du travail qu'elle a pris en charge, étant observé que les congés du salarié ont pris fin au 2 août 2020 et que la lésion est survenue le 10 août 2020 lors de la deuxième semaine de reprise du travail.
L'employeur échoue à démontrer que la lésion a une origine totalement étrangère au travail.
Le jugement qui a débouté l'employeur de sa demande tendant à se voir déclarer inopposable la décision de prise en charge de l'accident du travail de M. [Ab] survenu le 10 août 2020 sera confirmé.
Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la société [5], appelante qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 30 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Beauvais,
Y ajoutant,
Condamne la société [5] aux dépens d'appel.
La greffière La présidente
AMPILATION
ARRET N° 22/03996 EN DATE DU : 09 janvier 2024
EXPEDITIONS
TJ Lille, le 09/01/2024
COPIE DOSSIER, le 09/01/2024
CPAM DE l'OISE, le 09/01/2024, par LRAR
Société [5] le 22/01/2024 par LRAR
Maitre COLMET DAAGE le 22/01/2024 par LRAR
COPIE EXECUTOIRE
CPAM DE l'OISE, le 09/01/2024, par LRAR