Cour de Cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 6 Décembre 1994
Rejet.
N° de pourvoi 91-19.072
Président M de Bouillane de Lacoste .
Demandeur Société Lloyd Continental
Défendeur société Pub Saint-Lazare et autre.
Rapporteur M. ....
Avocat général M. Lupi.
Avocat la SCP Rouvière et Boutet.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que la société Pub Saint-Lazare, dont les locaux ont été endommagés par une inondation le 2 février 1984, en a informé son courtier, M. ..., par l'intermédiaire duquel elle avait souscrit contre ce risque une police d'assurance auprès de la compagnie Le Lloyd Continental ; qu'à la demande de M. ..., une expertise a été effectuée par un expert " agréé " par l'assureur ; que, par lettre du 20 décembre 1985, cet expert a demandé à la société Pub Saint-Lazare de lui fournir certaines pièces justificatives ; qu'il a déposé son rapport le 13 mars 1986 ; que le Lloyd ... a refusé sa garantie en invoquant, d'une part, la déchéance pour déclaration tardive, prétendant n'avoir été informé du sinistre que par la lettre du 20 décembre 1985 dont il avait reçu copie, et, d'autre part, la prescription biennale acquise dès le 2 février 1986 ; que les 15 et 17 décembre 1986, la société Pub Saint-Lazare a assigné en indemnisation le Lloyd ... et M. ... ; que l'arrêt attaqué (Paris, 3 juillet 1991) a dit la demande en garantie irrecevable comme prescrite mais a déclaré l'assureur et le courtier responsables, chacun pour moitié, du préjudice ainsi subi par la société Pub Saint-Lazare ;
Attendu que le Lloyd ... reproche à la cour d'appel d'avoir ainsi statué, alors, de première part, que la prescription joue à l'encontre de toutes actions dérivant du contrat d'assurance ; que tel est le cas d'une action tendant à faire censurer une négligence prétendue dans le mécanisme contractuel de prise en charge du sinistre ; qu'en condamnant la compagnie à la prise en charge partielle du sinistre, après avoir retenu que la prescription biennale était acquise, les juges du second degré ont violé les articles L 114-1 et L 114-2 du Code des assurances ; alors, de deuxième part, qu'en ne précisant pas le fondement contractuel ou quasi délictuel de la condamnation qu'elle prononce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1147 et 1382 du Code civil ; et alors, de troisième part, qu'en affirmant que l'assureur ne conteste pas que la négligence de son employé qui avait reçu par téléphone la déclaration de sinistre de M. ... est la cause exclusive de l'enregistrement tardif de cette déclaration, l'arrêt attaqué dénature les conclusions du Lloyd ... ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que la prescription biennale de l'action en garantie était acquise depuis le 2 février 1986, l'arrêt attaqué précise qu'il convient de rechercher si la demande d'indemnisation de la société Pub Saint-Lazare ne peut " trouver un fondement " dans la faute qu'aurait pu commettre le Lloyd ... ; qu'après avoir analysé les circonstances de la cause, la cour d'appel a retenu que l'assureur avait commis, dans l'exécution de ses obligations à l'égard de son assurée, une négligence dont il devait réparation ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le moyen, la cour d'appel, fondant sa décision sur la responsabilité contractuelle du Lloyd continental, a condamné cette compagnie, non à la prise en charge du sinistre par le jeu de la garantie stipulée dans la police, mais à indemnisation du dommage causé par sa faute ; que l'arrêt se trouve légalement justifié, l'action en responsabilité étant recevable dès lors que le point de départ de la prescription biennale se situe à la date où l'assuré a eu connaissance du manquement de l'assureur à ses obligations et du préjudice en résultant pour lui ; qu'en outre, l'arrêt attaqué retient que le Lloyd continental, bien qu'informé par la copie de la lettre du 20 décembre 1985, que la prescription devait être acquise dès le 2 février suivant, n'a pas " réagi auprès de l'assuré " qui correspondait directement avec l'expert depuis près de 2 ans ; qu'il s'ensuit que le moyen qui, en sa troisième branche, s'attaque à un motif inopérant et qui n'est fondé en aucune de ses deux premières branches, ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi.