Jurisprudence : Cass. com., 02-11-1994, n° 92-14.487, Cassation partielle.



Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 2 Novembre 1994
Cassation partielle.
N° de pourvoi 92-14.487
Président M. Bézard .

Demandeur Compagnie générale de financement immobilier
Défendeur société Le Capitole.
Rapporteur M. ....
Avocat général Mme Piniot.
Avocats la SCP Célice et Blancpain, la SCP Defrénois et Levis.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Attendu, selon l'arrêt attaqué que la Société de gestion des cinémas avignonnais (la société SGCA) a souscrit, le 28 mai 1980, auprès de la Compagnie générale de financement immobilier (la société Cogefimo), aux droits de qui est la banque La Hénin, un contrat de prêt différé pour un montant de cinq millions de francs en vue d'acheter les actions des sociétés Le Capitole et Le Paris, propriétaires chacune d'un fonds de commerce de cinéma et de l'immeuble affecté à son exploitation ; que le 30 mai 1980, la société Cogefimo, agissant avec d'autres banques, a consenti à la société SGCA un crédit d'anticipation d'un même montant ; que ce prêt était remboursable, pour partie, le jour convenu pour le déblocage du crédit différé par versement de la somme payée par la société emprunteuse au titre des cotisations en capital, pour le reste, par l'imputation des versements périodiques dus au titre du contrat de crédit différé et qu'il était garanti par des cautionnements hypothécaires portant sur les immeubles abritant les cinémas et par des nantissements sur les fonds de commerce ; que la société Le Capitole a absorbé la société Le Paris et la société SGCA dont elle a repris les engagements ; que la société Cogefimo a versé le montant du crédit différé en paiement du prêt d'anticipation et que la société Le Capitole a refusé de payer les échéances ; que la société Cogefimo a fait délivrer un commandement de saisie immobilière sur un immeuble hypothéqué et que la société Le Capitole a déposé un dire tendant à l'annulation des deux contrats de prêt, à la radiation des hypothèques et à l'annulation du commandement ;
Sur le premier moyen
Attendu que la banque La Hénin fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré nuls les contrats de crédit différé et d'anticipation souscrits les 28 et 30 mai 1980 alors, selon le pourvoi, que l'article 1er de la loi du 24 mars 1952 dispose que sont interdites aux entreprises de crédit différé les activités autres que la réalisation des prêts destinés à l'accession à la propriété immobilière sans sanctionner cette interdiction d'une annulation ; qu'en annulant le crédit différé, prétendument consenti en violation de cette interdiction, la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi du 24 mars 1952 ;
Mais attendu que l'arrêt relève que le prêt différé était destiné à l'achat d'actions de sociétés qui avaient pour objet l'exploitation d'un fonds de commerce ; que de cette constatation d'où il résultait que l'opération envisagée était interdite par l'article 1er de la loi du 24 mars 1952 réservant le crédit différé à l'accession à la propriété immobilière, la cour d'appel a déduit exactement que la convention litigieuse était nulle ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches
Attendu que la banque La Hénin fait grief à l'arrêt d'avoir implicitement rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription qu'elle opposait à la demande d'annulation, alors, d'une part, que les règles gouvernant le crédit différé ayant pour finalité la protection de l'emprunteur-épargnant sont sanctionnées par une nullité relative ; qu'en faisant droit aux demandes d'annulation formulées près de 10 ans après la formation du contrat la cour d'appel a violé les articles 1er de la loi du 24 mars 1952 et 1304 du Code civil et alors, d'autre part, que l'existence d'une sanction pénale est sans incidence sur le caractère de la nullité sanctionnant l'inobservation d'une règle ; qu'en déduisant de l'existence de sanctions pénales dans la loi du 24 mars 1952 la nullité absolue des contrats qui en méconnaîtraient les exigences, la cour d'appel a violé de plus fort les textes susvisés ;
Mais attendu que la cour d'appel, abstraction faite du motif surabondant critiqué à la seconde branche, a retenu à bon droit que les contrats de crédit différé conclus pour d'autres fins que celle définie par la loi susvisée étaient frappés de nullité absolue ; que le moyen ne peut donc être accueilli en aucune de ses branches ;
Sur le troisième moyen
Attendu que la banque La Hénin fait encore grief à l'arrêt d'avoir déclaré nuls les deux contrats de prêt alors que l'article 1er de la loi du 24 mars 1952 dispose que sont interdites aux entreprises de crédit différé les activités autres que la réalisation des prêts destinés à l'accession à la propriété immobilière ; que le crédit d'anticipation dont aucune disposition légale ne limitait la destination avait été consenti pour permettre à l'emprunteur d'effectuer une fusion-absorption lui assurant la propriété des sociétés absorbées, en sorte que le crédit ultérieurement versé aux banques anticipatrices remboursait les immeubles ainsi acquis par l'emprunteur ; qu'en refusant de prendre en considération ces circonstances de nature à démontrer que le crédit différé, au jour de son attribution, finançait effectivement les actifs immobiliers entrés dans le patrimoine de l'emprunteur, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de la disposition susvisée ;
Mais attendu que l'arrêt ayant relevé que le prêt d'anticipation était indissociable du prêt différé qui visait à permettre à l'emprunteur l'achat d'actions de sociétés ayant pour objet l'exploitation d'un fonds de commerce, la cour d'appel a légalement justifié sa décision au regard du texte susvisé ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le quatrième moyen
Vu l'article 2012 du Code civil ;
Attendu qu'ayant prononcé la nullité des deux contrats de prêt, l'arrêt a ordonné la mainlevée des garanties prises par la société Cogefimo et notamment la radiation des hypothèques inscrites sur les biens immobiliers visés par le commandement du 31 août 1989 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que tant que les parties n'ont pas été remises en l'état antérieur à la conclusion des conventions annulées, l'obligation de restituer inhérente au contrat de prêt demeure valable et que les garanties en considération desquelles le prêt a été consenti subsistent tant que cette obligation n'est pas éteinte, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a prononcé la nullité des garanties données à la société Cogefimo, ordonné la radiation des hypothèques inscrites sur les biens visés par le commandement du 31 août 1989, prononcé l'annulation de ce commandement et des actes subséquents de la procédure de saisie, l'arrêt rendu le 4 février 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.

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