Cour de Cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 20 Juillet 1994
Rejet.
N° de pourvoi 92-21.615
Président M de Bouillane de Lacoste .
Demandeur Société Alexandre, Ysnel, Hutereau
Défendeur syndicat des copropriétaires de la ... Robespierre et autre.
Rapporteur Mme ....
Avocat général Mme Le Foyer de Costil.
Avocats la SCP Boré et Xavier, la SCP Lesourd et Baudin.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Rouen, 7 octobre 1992), que le syndicat des copropriétaires de la résidence Robespierre, dont la créance sur M. ..., copropriétaire, avait été judiciairement constatée, a engagé contre son débiteur une procédure de saisie immobilière ; que cette procédure n'a pu aboutir, M. ... ayant disparu sans laisser d'adresse et l'huissier de justice, chargé de la signification du commandement ayant dû dresser un procès-verbal de recherches infructueuses ; qu'ayant appris que son débiteur avait pris contact avec M. ..., membre de la SCP Alexandre, Ysnel et Hutereau, notaires associés, en vue de la vente de son appartement, le syndicat des copropriétaires a demandé à cet officier public de lui faire connaître l'adresse de son client ; que M. ... s'y est refusé, invoquant le secret professionnel ; que le syndicat des copropriétaires l'a assigné devant le juge des référés aux fins de communication de l'adresse litigieuse ;
Attendu que la SCP Alexandre, Ysnel, Hutereau fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le moyen, de première part, que le pouvoir du juge d'ordonner à une personne de fournir des informations relatives à l'adresse d'un tiers est limité par l'existence d'un motif légitime tenant soit au respect de la vie privée, soit au secret professionnel ; que le secret professionnel, contrairement au principe du respect de la vie privée et en raison de son caractère d'intérêt général et d'ordre public, ne peut subir aucune atteinte même motivée par l'intérêt légitime et la défense des droits judiciairement constatés d'un tiers ; qu'en ordonnant à M. ..., notaire, de communiquer l'adresse de l'un de ses clients au syndicat des copropriétaires, la cour d'appel a violé l'article 378 du Code pénal ; et alors, de seconde part, que le secret professionnel des notaires est absolu et s'étend à tous les faits qui leur sont confiés dans l'exercice de leur profession ; que l'arrêt constate que M. ... avait eu connaissance de l'adresse de M. ... lorsque celui-ci l'avait chargé de la vente de son appartement ; qu'en énonçant, néanmoins, que le secret professionnel ne s'appliquait pas en pareille circonstance, M. ... n'étant pas intervenu en qualité de notaire, la cour d'appel a encore violé l'article précité du Code pénal ;
Mais attendu que le secret professionnel qui s'impose au notaire ne saurait, sauf circonstances particulières, dispenser cet officier public de révéler à l'autorité judiciaire qui l'en requiert l'adresse d'un client lorsque ce renseignement est indispensable à l'exécution d'une décision de justice ; qu'ayant constaté que M. ... dissimulait son adresse de façon illégitime dans le seul dessein de se soustraire à l'exécution de la condamnation prononcée contre lui, la cour d'appel a décidé, à bon droit, d'enjoindre à M. ... de donner le renseignement requis ; qu'abstraction faite du motif inopérant critiqué par la seconde branche du moyen, l'arrêt est ainsi légalement justifié ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi.