Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 17 Mai 1994
Rejet
N° de pourvoi 93-84.143
Président M. Le Gunehec
Demandeur ... Daniel
Rapporteur Mme ....
Avocat général M. Monestié.
Avocat la SCP Piwnica et Molinié.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
REJET du pourvoi formé par ... Daniel, partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 23 juin 1993, qui l'a débouté de ses demandes, après relaxe d'Isidore ... du chef de dénonciation calomnieuse.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 373 du Code pénal, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré non établi le délit de dénonciation calomnieuse à l'encontre du prévenu et a débouté Magnier, partie civile, de ses demandes ;
" au motif qu'en l'absence de caractère punissable des faits dénoncés, il y a lieu de considérer que le comportement d'Isidore ... ne peut constituer une faute entrant dans les prévisions de l'article 373 du Code pénal ;
" alors, d'une part, que la dénonciation de faits, même matériellement exacts, faussement présentés comme revêtant un caractère délictueux, entre dans les prévisions de l'article 373 du Code pénal ; que l'arrêt attaqué a énoncé que, dans le courrier qu'il avait adressé le 24 février 1992 au procureur de la République, Isidore ... avait accusé Daniel ... de lui avoir adressé la phrase suivante "si je pouvais vous faire taire définitivement, je le ferai" et avait ajouté que ces propos "lui faisaient craindre pour sa vie et pour son avenir" ; qu'ainsi il se déduisait sans ambiguïté de ces constatations relatives au contenu de la plainte incriminée que les faits dénoncés par le prévenu au procureur de la République avaient été présentés comme des menaces de mort et que dès lors la décision attaquée procède d'une fausse application de l'article 373 du Code pénal ;
" alors, d'autre part, que la cour d'appel qui constatait que la fausseté des faits dénoncés résultait du classement sans suite intervenu, ne pouvait déclarer le délit de dénonciation calomnieuse non établi à l'encontre du prévenu qu'autant qu'elle constatait préalablement qu'il n'avait pas eu connaissance, au jour de la dénonciation, de la fausseté des faits dénoncés ; que, faute par elle d'avoir procédé à une telle constatation, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que Daniel ..., secrétaire général de la société Cermef, a fait citer directement Isidore ..., salarié de ladite société, devant le tribunal correctionnel du chef de dénonciation calomnieuse, en raison de l'envoi par celui-ci au procureur de la République, qui l'avait classée sans suite après enquête, ainsi qu'à l'inspecteur du Travail, d'une lettre l'accusant d'avoir proféré à son encontre des menaces de mort au cours d'une réunion des délégués du personnel de l'entreprise ; que le prévenu a été relaxé par les premiers juges ;
Attendu que, saisie du seul appel de Daniel ..., partie civile, la juridiction du second degré, pour constater le caractère définitif de la relaxe intervenue et confirmer le jugement dans ses autres dispositions, énonce que le fait dénoncé susceptible de justifier des poursuites sur le fondement de l'article 373 du Code pénal alors en vigueur, doit être précis et exposer son auteur à des sanctions de nature pénale, administrative ou disciplinaire ; qu'elle relève qu'en l'espèce, les propos dénoncés, tenus à l'occasion de divergences opposant les responsables syndicaux de la société à la direction de celle-ci, s'inscrivent dans un contexte de conflit social au sein d'une entreprise, mais ne constituent pas les agissements prévus et réprimés par l'article 305 du Code précité, invoqué par la partie civile, en l'absence de menaces précises telles que visées par ce texte ; que les juges ajoutent que les propos incriminés ne sont pas davantage de nature, en raison de leur contenu imprécis, à constituer une quelconque infraction au Code du travail ; qu'ils en déduisent que les faits dénoncés ne sont pas susceptibles d'exposer leur auteur à une sanction, de quelque nature qu'elle soit, et que le comportement de celui-ci ne peut constituer une faute entrant dans les prévisions de l'article 373 du Code pénal ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués au moyen, lequel ne peut dès lors qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.