ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Commerciale
29 Mars 1994
Pourvoi N° 91-21.441
M. ... et autres
contre
M. ... et autre.
Sur le moyen unique pris en ses deux branches Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (tribunal supérieur d'appel de Mamoutzou, 3 septembre 1991) que, par acte du 13 mai 1985, MM ..., ..., ..., ... et ... (les consorts ...) ont cédé à MM ... et ... (les consorts ...), pour le prix d'un franc, la totalité des parts de la société à responsabilité limitée Compagnie des Iles, propriétaire et exploitante d'un village de vacances sur le site de N'Gouja à Mayotte ; que, par acte séparé du même jour, ils ont aussi cédé aux acquéreurs leurs créances sur la société, sous forme de comptes courants, pour le prix de 1 050 000 francs ; que les consorts ..., qui contestaient l'existence des comptes courants cédés, ayant refusé de régler la totalité du prix, les vendeurs les ont assignés en paiement du solde qu'ils estimaient leur être dû ;
Attendu que les consorts ... reprochent à l'arrêt de les avoir déboutés de cette demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il appartient à celui qui prétend que son engagement est dépourvu de toute cause d'en rapporter la preuve ; qu'il appartient ensuite au cessionnaire d'une créance, qui conteste devoir le prix convenu au cédant, de rapporter la preuve de l'inexistence de la créance cédée au jour de la cession ; qu'en déboutant les consorts ... de leur demande en paiement aux motifs que les documents qu'ils produisaient ne permettaient pas de rapporter la preuve de l'existence de créances en comptes courants au jour de la cession, le Tribunal a renversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil ; et alors, d'autre part, que les consorts ... faisaient valoir dans leurs écritures que le prix de la cession de créance représentait la valeur des éléments corporels et incorporels du site de N'Gouja cédés le même jour sous forme de cession de parts sociales ; qu'en constatant que la somme de 520 000 francs versée par les acquéreurs avait pour cause légitime l'acquisition du village de N'Gouja et de ses différents éléments corporels et incorporels, sans rechercher si dans l'intention des parties, la totalité du prix stipulé dans la cession de créance n'avait pas pour contrepartie la valeur des éléments corporels et incorporels du village de vacances dont MM ... et ... avaient entendu verser le prix aux cédants sous couvert d'une cession de créance, le Tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant exactement rappelé que celui qui vend une créance doit en garantir l'existence au temps du transport, le Tribunal, en imposant aux cédants d'établir l'existence de leurs créances lors de la cession, n'a pas inversé la charge de la preuve ; Attendu, d'autre part, que, l'obligation sur une fausse cause ne pouvant avoir aucun effet, le Tribunal n'avait pas à faire la recherche invoquée au moyen ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux erronés de l'arrêt, celui-ci se trouve justifié ;
Que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi.