Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 7 Décembre 1993
Rejet.
N° de pourvoi 91-22.099
Président M. Bézard .
Demandeur M. ...
Défendeur Directeur général des Impôts et autre.
Rapporteur M. ....
Avocat général Mme Piniot.
Avocats la SCP Rouvière et Boutet, M. ....
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Paris, 30 octobre 1991), que M et Mme ... ont fait apport de 212 000 actions de la société Publicis SA (la société Publicis) à la société Somarel ; qu'ainsi la société Somarel est devenue propriétaire du capital de la société Publicis à hauteur de 39,53 %, tandis que M. ... en était lui-même propriétaire à hauteur de 36,16 % ; qu'à la suite d'un redressement de l'impôt sur les grandes fortunes (IGF) dû par M. ..., deux avis de recouvrement ont été émis au titre des années 1982 à 1986, pour l'impôt dû après prise en compte des actions de la société Somarel dont il était propriétaire et pour les pénalités afférentes à ce redressement ; qu'après avoir adressé une réclamation infructueuse, M. ... a assigné le Directeur général des Impôts en annulation des avis ;
Sur le premier moyen
Attendu que M. ... fait grief au jugement de l'avoir débouté de sa demande en annulation des redressements opérés au titre de l'IGF des années 1982 à 1986, pour un montant de 22 709 039 francs de droits simples et de 5 402 578 francs de pénalité, alors, selon le pourvoi, qu'aux termes de l'article 885O du Code général des impôts, les actions des sociétés dont le propriétaire possède, directement ou non, " plus de 25 % du capital de la société et y exerce effectivement des fonctions de direction, de gestion ou d'administration ", sont des biens professionnels non soumis à l'IGF ; que la loi du 30 décembre 1981 dont cette disposition est issue, ayant pour objectif la neutralité du système fiscal à l'égard des diverses formes d'organisation économique, cette qualification ne peut être exclue s'agissant de parts d'une société qui, bien qu'ayant pour activité la seule gestion de leur patrimoine, exerce un contrôle effectif, de droit et de fait, sur d'autres sociétés du même groupe ; que tel est le cas de la société Somarel dont l'actif est uniquement représenté par sa participation dans le capital de la société Publicis, pour 39,53 % du capital de ladite société, dont la société Somarel exerce ainsi un contrôle de fait ; qu'en affirmant l'insuffisance d'un tel contrôle de fait, sans en rechercher l'exact retentissement dans les circonstances de la cause, le Tribunal a privé sa décision de base légale au regard du texte précité ;
Mais attendu qu'il résulte des énonciations du jugement que M. ... s'est borné à soutenir, sans fournir aucun élément concret de nature à l'établir, que la société Somarel avait un rôle de gestion et d'animation de la société Publicis ; que, dès lors, le Tribunal qui a retenu que le rôle de la société Somarel se bornait à assurer la gestion des valeurs apportées par les associés et à redistribuer les bénéfices provenant de la société Publicis, n'avait pas à procéder à de plus amples recherches ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen pris en ses deux branches
Attendu que M. ... fait encore grief au jugement de l'avoir débouté de sa demande tendant à la décharge de toutes les pénalités afférentes aux redressements opérés, alors, selon le pourvoi, d'une part, que les documents visés aux conclusions signifiées entre les parties, sans qu'aucune contestation n'ait été élevée à propos de leur production aux débats, sont réputés avoir été régulièrement communiqués et versés aux débats ; qu'en affirmant cependant en l'espèce, sans qu'aucune contestation n'ait été adressée à cet égard par l'administration fiscale, que la " note explicative " visée par lui dans son assignation, annexée aux déclarations fiscales ainsi qu'aux réclamations subséquentes, et combattue au fond par l'administration fiscale dans son mémoire en défense, n'avait pas été versée aux débats, le Tribunal a violé l'article 132 du nouveau Code de procédure civile, et alors, d'autre part, qu'en écartant ainsi d'emblée l'application des dispositions de l'article 1728, alinéa 2, ancien du Code général des impôts, dont il résultait nécessairement que la note explicative annexée à ses déclarations de revenus et expliquant selon lui la qualification retenue de " biens professionnels " pour les parts de la société Somarel emportait décharge de toutes les pénalités afférentes aux redressements opérés, le Tribunal a violé par refus d'application les dispositions susvisées ;
Mais attendu qu'il incombe à chaque partie d'apporter au juge la preuve des faits venant au soutien de sa prétention et que la circonstance que le contenu d'une pièce a été régulièrement débattu entre les parties ne dispense pas celle qui l'invoque d'en produire le texte ; que, dès lors que la portée de la notice explicative que M. ... avait jointe à ses déclarations était contestée au regard des exigences de l'article 1728, alinéa 2, ancien du Code général des impôts, en ne soumettant pas cette notice au juge, soit par la reproduction de son texte dans les écritures, soit par la remise du document lui-même sous une forme quelconque, il ne lui donnait pas les éléments de preuve nécessaires au soutien de sa demande ; qu'ainsi le jugement n'encourt pas les griefs du pourvoi ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi.