ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Commerciale
12 Octobre 1993
Pourvoi N° 91-17.621
Société Locafrance et autre
contre
Mme ... et autres.
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme ... a commandé à la société Penta System divers matériels et a obtenu leur financement pour partie de la société Locafrance et, pour une autre partie, de la société Genlease, la première par un contrat de crédit-bail, la seconde par un contrat de location ; qu'invoquant des défaillances du matériel, Mme ... a assigné les sociétés venderesse et bailleresses, pour se voir dégagée de ses obligations ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches
Attendu que les deux sociétés font grief à l'arrêt d'avoir prononcé la résolution de la vente conclue entre la société Penta System et la société Genlease, alors, selon le pourvoi, d'une part, que Mme ... ayant demandé au Tribunal, quant au matériel donné en location par la société Genlease, seulement la résolution du contrat de location intervenu entre cette société et elle-même, et non point la résolution du contrat de vente intervenu entre la société Penta System et la société Genlease, le Tribunal ne pouvait prononcer la résolution de ladite vente sans statuer ultra petita ;
qu'en refusant de sanctionner cet ultra petita, la cour d'appel a violé l'article 5 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, que la résolution du contrat de vente, prononcée après la résolution du contrat de location, ne prive pas celui-ci de cause et n'emporte pas sa résiliation ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé l'article 1184 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé qu'elle était saisie d'une demande d'annulation des deux contrats de vente la cour d'appel a pu retenir que l'appréciation de l'étendue de la saisine des premiers juges à cet égard était dépourvue de portée ;
Attendu, d'autre part, que l'arrêt retient à bon droit que la perte de la propriété d'un objet loué par le bailleur en conséquence de la résolution du contrat de vente entraîne nécessairement la résiliation du contrat de location ;
Que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches
Attendu que les deux sociétés font grief à l'arrêt d'avoir fixé la date de résiliation des contrats de location et de crédit-bail au jour de l'assignation, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la résiliation du contrat de crédit-bail et du contrat de location trouvant son origine dans la résolution des contrats de vente ne peut prendre effet antérieurement à la décision prononçant cette résolution ; qu'en statuant autrement la cour d'appel a violé l'article 1184 du Code civil ; et alors, d'autre part, que la cour d'appel, qui constate elle-même que Mme ... a continué à jouir des matériels et à payer les loyers durant l'année 1988, ne pouvait fixer le point de départ des effets de la résiliation à la date de l'assignation du 30 décembre 1987, sans méconnaître les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1184 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu à bon droit que le preneur obtenant la résiliation d'un bail ou d'un crédit-bail en conséquence de la résolution du contrat de vente est dispensé du paiement des loyers à compter du jour de sa demande judiciaire en résolution de la vente ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que, pour rejeter partiellement la demande de la société Locafrance tendant à l'application de l'article 2-4 du contrat de mandat annexé à celui de crédit-bail prévoyant qu'en cas de résiliation de ce contrat en conséquence de la résolution du contrat de vente, le preneur était tenu à la fois au remboursement du prix d'achat et au versement d'une indemnité, l'arrêt retient que la société n'est pas fondée à demander cumulativement le paiement des deux sommes, faute, en ce qui concerne l'indemnité, d'en déterminer le montant et de justifier d'un préjudice correspondant ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs la cour d'appel a méconnu la loi du contrat, sans justifier sa décision par l'application de l'article 1152, alinéa 2, du Code civil ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du troisième moyen
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de la société Locafrance tendant à l'octroi d'une indemnité dans les termes de l'article 2-4 du contrat de mandat annexé à celui de crédit-bail, l'arrêt rendu le 23 mai 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.