ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Sociale
02 Juin 1993
Pourvoi N° 90-42.515
SA Ponticelli frères
contre
Bezet
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la société anonyme Ponticelli frères, agissant en la personne de son président-directeur général en exercice domicilié en cette qualité au siège social 5, place des Alpes, Paris (13e), en cassation d'un jugement rendu le 26 avril 1989 par le conseil de prud'hommes de Cherbourg (section industrie), au profit de M. Yves ..., demeurant à Saint-Germain-des-Vaux (Manche), défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 4 mai 1993, où étaient présents
M. Kuhnmunch, président, M. Waquet, conseiller rapporteur, MM ..., ..., ..., ..., ..., ..., ... ..., conseillers, Mme ..., MM ..., ..., Mmes ..., ..., conseillers référendaires, M. Picca, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M le conseiller Waquet, les observations de Me ..., avocat de la société Ponticelli frères, les conclusions de M. Picca, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Vu l'article L 521-1 du Code du travail et les articles 2 et 3 de l'accord national du 7 juin 1963 annexé à la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment ;
Attendu que M. ..., salarié de la société Ponticelli, affecté à l'établissement de La Hague, a participé à un mouvement de grève pendant les mois de septembre et octobre 1987 ;
que les arrêts de travail ayant atteint un total de 41 heures 50, une retenue, proportionnelle à cette durée, a été pratiquée par l'employeur, tant sur le salaire principal que sur l'indemnité de grand déplacement perçus par l'intéressé ;
que celui-ci a saisi la juridiction prud'homale pour avoir paiement de la somme de 830 francs correspondant à l'abattement sur l'indemnité de grand déplacement ;
Attendu que, pour faire droit à cette demande, le conseil de prud'hommes énonce que l'indemnité de grand déplacement s'analyse non pas comme un complément de salaire mais comme un remboursement de frais ;
que cette indemnité ne saurait donc être assimilée à un accessoire du salaire susceptible d'être réduit proportionnellement à la durée d'une grève ;
que l'accord national du 7 juin 1963 annexé à la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment prévoit un mode de comptabilisation calendaire de l'indemnité dont il s'agit ;
qu'il n'est pas contesté qu'aucune journée n'a été entièrement chômée par M. ... pendant la grève et que le salarié s'est présenté quotidiennement sur son lieu de travail ;
Attendu, cependant, en premier lieu, que la grève suspend l'exécution du contrat de travail, en sorte que l'employeur est délié de l'obligation de payer le salaire et ses accessoires, auraient-ils le caractère d'un remboursement de frais ;
Attendu, en second lieu, que l'article 3 de l'accord national précité prévoit le paiement de l'indemnité "pour tous les jours de la semaine, ouvrables ou non, pendant lesquels l'ouvrier reste à la disposition de son employeur sur les lieux du travail" ;
que, durant les périodes de grève, le salarié n'est pas à la disposition de son employeur ;
D'où il suit qu'en statuant comme il l'a fait, le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 26 avril 1989, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Cherbourg ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes d'Avranches ;
Condamne M. ..., envers la société Ponticelli frères, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres du conseil de prud'hommes de Cherbourg, en marge ou à la suite du jugement annulé ;