Jurisprudence : Cass. civ. 1, 28-04-1993, n° 90-20.949, Rejet.

Cass. civ. 1, 28-04-1993, n° 90-20.949, Rejet.

A3283ACL

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Cour de Cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 28 Avril 1993
Rejet.
N° de pourvoi 90-20.949
Président M de Bouillane de Lacoste .

Demandeur M. ... et autre
Défendeur Ordre des avocats à la cour d'appel de Nancy.
Rapporteur M. ....
Avocat général M. Lesec.
Avocats M. ..., la SCP Boré et Xavier.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 14 novembre 1990), que le conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Nancy ayant modifié le règlement intérieur, M. ..., Mme ... et M. ..., avocats, ont formé un recours qui a été rejeté par le conseil de l'Ordre ; que ces avocats ont soumis ce différend à la cour d'appel, en le limitant aux articles 15-5-1 et 15-5-2 du règlement intérieur modifié ; que ces articles étaient ainsi rédigés article 15-5-1 " l'avocat ne peut, lorsqu'il intervient à titre personnel à propos des problèmes spécifiques à l'Ordre des avocats à la cour d'appel de Nancy et aux juridictions du ressort, remettre de communiqué ou faire de déclaration à la presse écrite, parlée ou télévisée sans l'autorisation écrite du bâtonnier " ; " lorsqu'il intervient dans les mêmes conditions sur des questions relatives à la profession, il devra solliciter l'avis préalable du bâtonnier " ; Articles 15-5-2 " l'avocat ne peut faire usage de son titre et de sa qualité pour signer ses écrits que dans la presse juridique " ; que la cour d'appel a débouté ces avocats de leur demande concernant l'article 15-5-1, mais a annulé l'article 15-5-2 et, par voie de conséquence, la délibération du conseil de l'Ordre du 23 avril 1990 ayant rejeté leur réclamation de ce chef ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches, du pourvoi principal formé par M. ..., Mme ... et M. ...
Attendu que ces avocats reprochent à la cour d'appel de les avoir déboutés de leur demande tendant à l'annulation de l'article 15-5-1, alinéa 1er, alors, selon le moyen, d'une part, que les problèmes spécifiques à l'Ordre des avocats à la cour d'appel de Nancy et aux juridictions du ressort étant étrangers à la mise en oeuvre des principes de probité, de désintéressement, de modération et de confraternité qui s'imposent aux avocats et dont le maintien incombe au conseil de l'Ordre, la cour d'appel ne pouvait se fonder sur la mission ainsi dévolue à celui-ci, pour justifier les restrictions à l'exercice de la liberté résultant de la délibération critiquée de sorte qu'à été violé l'article 17 de la loi du 31 décembre 1971 ; alors, d'autre part, que les conseils de l'Ordre ne peuvent, sous couvert de traiter les questions relatives à la profession d'avocat et de veiller à l'observation par les avocats de leurs devoirs, apporter les restrictions à l'exercice de la profession qui seraient contraires à la loi ou aux libertés fondamentales reconnues aux citoyens ; que la délibération portant modification du règlement intérieur, apportant une limitation à la liberté fondamentale d'expression reconnue à l'avocat, comme à tout citoyen, par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et par le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, la cour d'appel devait nécessairement annuler cette disposition qui excédait les pouvoirs réglementaires dévolus au conseil de l'Ordre ; et alors, enfin, que les dispositions légales et réglementaires qui régissent la profession d'avocat, en instituant une procédure disciplinaire destinée à sanctionner les manquements commis dans l'exercice de leur profession, ont par là-même exclu que les actes des avocats puissent être soumis à un contrôle a priori des instances ordinales ; qu'en refusant d'annuler la délibération subordonnant tout communiqué ou toute déclaration d'un avocat sur les questions qu'elle vise à l'autorisation préalable du bâtonnier, la cour d'appel a violé les articles 22 et suivants de la loi précitée et 104 et suivants du décret du 9 juin 1972 ;
Mais attendu qu'après avoir rappelé à bon droit que le conseil de l'Ordre tient de l'article 17 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, outre la mission de veiller à " maintenir les principes de probité, de désintéressement, de modération et de confraternité sur lesquels repose la profession et d'exercer la surveillance que l'honneur et l'intérêt de ses membres rendent nécessaire ", celle de " traiter toute question intéressant l'exercice de la profession, la défense des droits des avocats et la stricte observation de leurs devoirs ", la cour d'appel a pu estimer que cet organisme en exerçant le contrôle a priori que lui reconnaissent les dispositions législatives ci-dessus rappelées et qui se distingue du pouvoir disciplinaire qui lui est également reconnu, pouvait, sans excéder les limites de son pouvoir réglementaire, fixer les règles à observer en matière de déclarations relatives aux problèmes spécifiques à l'Ordre des avocats et aux juridictions du ressort ; que, dès lors, le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches du même pourvoi (sans intérêt) ;
Et sur le moyen unique, pris en ses deux branches du pourvoi incident formé par l'Ordre des avocats
Attendu qu'il est reproché à la cour d'appel d'avoir prononcé l'annulation de l'article 15-5-2 du règlement intérieur, alors, selon le moyen, d'une part, que la publicité n'est permise à l'avocat que dans la stricte mesure où elle procure au public une nécessaire information ; que la signature d'écrits non juridiques par des avocats faisant usage de leur titre et de leur qualité constitue un moyen d'attirer l'attention du public sur leur personne sans que cette publicité puisse constituer une nécessaire information ; qu'en énonçant néanmoins que l'avocat pouvait signer de tels écrits aux motifs inopérants que la qualité d'avocat fait partie de sa personnalité, la cour d'appel a violé les articles 90 du décret du 19 juin 1972 et 17-5° de la loi du 31 décembre 1971 ; et alors, d'autre part, que le conseil de l'Ordre peut prendre toutes mesures préventives pour faire respecter par les avocats la stricte observation de leurs devoirs notamment en réglementant la publicité qu'ils peuvent faire ; qu'en énonçant que le conseil de l'Ordre ne pouvait que sanctionner a posteriori une publicité indirecte et prohibée, la cour d'appel a violé les articles 17-2° et 17-5° de la loi précitée ;
Mais attendu que, sans méconnaître les principes régissant la publicité autorisée aux avocats, la cour d'appel a décidé que l'avocat pouvait faire figurer sa qualité, élément de sa personnalité, dans tous ses écrits, sous réserve de l'intervention éventuelle de l'autorité ordinale dans les cas où cet usage s'avérerait contraire à ces principes ; d'où il suit qu'en aucune de ses deux branches le moyen n'est fondé ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi principal de M. ..., de Mme ... et de M. ... et le pourvoi incident de l'Ordre des avocats au barreau de Nancy.

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