AFFAIRE N° RG 11/03690 Code Aff.
ARRÊT N°
C.P
ORIGINE Décision du Tribunal de Grande Instance de LORIENT en date du 25 Mars 2009 RG n° 08/02461
COUR D'APPEL DE CAEN
1° Chambre sociale
ARRÊT DU 27 SEPTEMBRE 2013
APPELANT
Syndicat Union Locale CGT de PONTIVY
Maison des Syndicats
PONTIVY
Représentée par Me DARTOIS, avocat au barreau de CAEN, et par Me ..., avocat au barreau de RENNES
INTIMÉ
SAS UNICOPA DÉVELOPPEMENT
MORLAIX
Représentée par Me KERMORGANT, avocat au barreau de RENNES
SCA TERRENA
La Noëlle ANCENIS
Représentée par Me MIALON, avocat au barreau de CAEN et par Me ..., avocat au barreau de NANTES
SCP ERWAN FLATRES
LORIENT
Représentée par Me MALLET, avocat au barreau de LORIENT, et par Me ..., substitué par Me LAGOUTTE, avocats au barreau de CAEN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Madame PORTIER, Président de Chambre,
Monsieur COLLAS, Conseiller,
Madame PONCET, Conseiller, rédacteur
DÉBATS A l'audience publique du 06 Juin 2013 GREFFIER Madame POSE
ARRÊT prononcé publiquement contradictoirement le 27 Septembre 2013 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile et signé par Madame PONCET, Président, et Madame POSE, Greffier
FAITS ET PROCÉDURE
La SA Dandy a été créée le 19/3/75. Ses actions ont été achetées en 1990 par Unicopa aux droits de laquelle se trouve sa société holding, la SAS Unicopa Développement.
Au sein du groupe Unicopa, a été créée en 2005 une société dénommée Vatelis regroupant le secteur des produits élaborés. La SA Dandy a apporté à cette société son fonds de commerce et notamment ses marques.
Le 9/1/07, un accord-cadre a été conclu entre la SA Dandy (agissant solidairement avec une autre société du groupe Unicopa, la SA SOCAVI) et trois autres sociétés extérieures au groupe la SAS Le Clézio Industrie, la SAS TDI, la SA RVE (Rohan Viandes Elaboration). En application de cet accord, la SA Dandy, dont l'activité originelle consistait à acheter des dindes, les abattre, en effectuer la découpe primaire et secondaire et à les conditionner, a limité son activité à l'achat de dindes, à la découpe secondaire et au conditionnement. Elle devait, aux termes de cet accord, confier l'abattage des dindes à la société Le Clézio, leur découpe primaire à TDI et bénéficiait d'un protocole d'échange de matières premières avec RVE, spécialisée, comme elle, dans la découpe secondaire.
Le 11/3/08, en vertu d'un accord non produit aux débats, la SAS Unicopa Développement a cédé à la SCA Terrena ses 'activités volaille frais' à l'exclusion des titres et de l'activité de la SA Dandy soit les actions de ses filiales Protéis-Viandes, Govadis, de sa sous-filiale Bonny, les fonds de commerce de ses filiales SOCAVI et Vatelis et les terrains et bâtiments des usines de Languidic et de ... Nicolas du Pelem.
Outre ces cessions, ce protocole prévoyait un contrat commercial de découpes primaires de dindes qui a été signé le 21/5/08. Aux termes de ce contrat, UNICOPA s'engageait à fournir à la SCA Terrena 10450t de produits prêts à découper et de découpes primaires de dindes.
Le 30/6/08, la SA Dandy a été placée en redressement judiciaire puis le 30/7/08 en liquidation judiciaire.
Le 8/12/08, le comité d'entreprise de la SA Dandy et l'union locale CGT de Pontivy ont assigné la SA Dandy, la SAS Unicopa Développement et la SCA Terrena devant le tribunal de grande instance de Lorient aux fins, notamment, de voir dire que l'exclusion de la SA Dandy du protocole d'accord de mars 2008 constituait un détournement de l'article L1224-1 du code du travail et en conséquence le voir annuler et voir dire que les contrats de travail des salariés de la SA Dandy existant au jour de ce protocole se trouvaient transférés à la SCA Terrena, leur nouvel employeur.
Par jugement du 25/3/09, le tribunal de grande instance de Lorient a déclaré irrecevables les demandes présentées par le comité d'entreprise de la SA Dandy, recevables celles formées par l'union locale CGT de Pontivy mais l'en a débouté.
Le comité d'entreprise de la SA Dandy et l'union locale CGT de Pontivy ont interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt du 1/4/10, la cour d'appel de Rennes a confirmé le jugement en ce qu'il avait déclaré irrecevables les demandes du comité d'entreprise de la SA Dandy et recevables celles de l'union locale CGT de Pontivy, a pour les surplus réformé le jugement en réputant non écrite la clause excluant la SA Dandy du protocole de cession, en disant que les contrats de travail existant au jour de la cession devaient être transférés à la SCA Terrena en application de l'article L1224-1 du code du travail et a débouté l'union locale CGT de Pontivy de sa demande de dommages et intérêts.
La SAS Unicopa Développement et la SCA Terrena se sont pourvues en cassation contre cet arrêt.
Par arrêt du 28/9/11, la Cour de Cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Rennes sauf en ce qu'il avait déclaré irrecevables les demandes du comité d'entreprise de la SA Dandy et recevables celles formées par l'union locale CGT de Pontivy et avait rejeté la demande de production du protocole du 11/3/08 et de ses annexes et a renvoyé la cause et les parties devant la présente cour.
Vu le jugement rendu le 25/3/09 par le tribunal de grande instance de Lorient, l'arrêt rendu par la cour de Rennes en ses dispositions non cassées, l'arrêt rendu par la Cour de Cassation
Vu les conclusions de l'union locale CGT de Pontivy appelant déposées le 10/5/13 et oralement soutenues
Vu les conclusions de la SAS Unicopa Développement intimée déposées le 16/4/13 et oralement soutenues
Vu les conclusions de la SCA Terrena intimée déposées le 13/5/13 et oralement soutenues
MOTIFS DE LA DÉCISION
1) Sur la fin de non recevoir soulevée par la SAS Unicopa Développement
L'arrêt de la cour d'appel de Rennes n'a pas été cassé en ce qu'il a jugé recevables les demandes formées par l'union locale CGT de Pontivy. L'arrêt est donc définitif sur ce point et la SAS Unicopa Développement n'est pas donc recevable, à raison de l'autorité de la chose jugée, à contester la recevabilité de l'union locale CGT de Pontivy comme cette dernière l'a valablement soutenu dans ses écritures.
2) Sur la demande d'annulation du protocole du 11/3/08
L'union locale CGT de Pontivy, qui invoquait, en première instance, une méconnaissance de l'article L1224-1 du code du travail, invoque également, pour la première fois devant la présente cour, une violation de l'article L2323-2 du code du travail.
La demande au principal est identique l'annulation du protocole. Seules divergent les demandes subsidiaires afférentes à chacun de ces deux moyens, celle fondée sur la violation de l'article L2323-2 du code du travail vise à voir suspendre les effets du protocole jusqu'à régularisation de la procédure, celle fondée sur la violation de l'article L1224-1 du code du travail à voir réputée non écrite la clause excluant la SA Dandy du bénéfice de ce protocole.
Dès lors, bien que le moyen soit nouveau, la demande principale fondée sur l'article L2323-2 du code du travail vise aux mêmes fins que celle fondée sur l'article L1224-1 du code du travail, il ne s'agit donc pas d'une prétention nouvelle. Cette prétention est donc recevable.
2-1) Sur le fondement de l'article L 2323-2 du code du travail
Il est constant que le comité d'entreprise de la SA Dandy n'a pas été consulté avant la conclusion de l'accord entre la SAS Unicopa Développement et la SCA Terrena.
La SA Dandy n'était pas partie à cet accord. Néanmoins, cet accord comportait un volet intéressant la SA Dandy puisqu'il emportait obligation pour cette dernière, locataire d'un crédit-bail sur les biens immobiliers implantés à Languidic de céder tous ces droits à la société Govadis, à qui elle louait jusqu'alors cet ensemble immobilier moyennant un loyer annuel de 96000euros. La cession de ces droits a d'ailleurs eu lieu par acte des 19 et 20/5/2008.
En outre, cet accord a eu un impact majeur sur la viabilité même de l'entreprise. En effet, il emportait cession à la SCA Terrena de sociétés du groupe Unicopa qui assuraient jusqu'alors l'infrastructure notamment commerciale et administrative de la SA Dandy, privant ainsi cette dernière de la possibilité de poursuivre son activité.
Toutefois, seules doivent être soumises à consultation d'un comité d'entreprise les décisions prises par sa propre entreprise et non, quelles qu'en soient les conséquences pour les salariés, les décisions prises par sa société-mère. Dès lors, le comité d'entreprise de la SA Dandy n'avait pas à être consulté avant cet accord et aurait, tout au plus, éventuellement dû l'être avant cession des droits de la SA Dandy sur l'ensemble immobilier de Languidic. Ce point n'est toutefois pas soutenu par l'union locale CGT de Pontivy.
De surcroît, même si la consultation du comité d'entreprise avait été obligatoire, son omission n'aurait pas entraîné l'annulation de l'accord. Cette omission n'aurait pas non plus pu permettre la suspension de l'application de cet accord, entré de fait en vigueur depuis le 1/7/08, jusqu'à consultation d'un comité d'entreprise, qui compte tenu de la liquidation judiciaire de la SA Dandy n'a plus qualité pour assurer l'expression collective des salariés de la SA Dandy.
L'union locale CGT de Pontivy sera donc déboutée de sa demande sur ce fondement. 2-2) Sur le fondement de l'article L1224-1 du code du travail
L'article L1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive N°2001/23/CE du 12/3/2001, s'applique en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise. Constitue une entité économique autonome, un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre. Le transfert d'une telle entité se réalise si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par un nouvel exploitant.
Les conventions conclues entre les exploitants successifs ne peuvent faire obstacle à ce transfert.
Compte tenu de la manière dont le groupe Unicopa a, au cours des années, structuré sa branche 'volaille frais', toutes les sociétés la composant ne constituaient pas des entités économiques autonomes au regard des critères ci-dessus énoncés.
Ainsi en est-il de la SA Dandy. Cette société était dépourvue de services commerciaux, informatiques et administratif. Tous ces services étaient assurés par la société SOCAVI qui, en contrepartie, lui facturait des frais de gestion. Sa fabrication était programmée par le comité d'abattage dirigé pour l'ensemble des unités de production du groupe par le directeur industriel du groupe. La quasi totalité de sa production était vendue à la société SOCAVI qui était seule en lien avec les clients et commercialisait les produits sous des marques que la SA Dandy ne possédait plus puisque, éléments de son fonds de commerce, elles avaient été cédées à la société Vatelis. Des directives quotidiennes étaient adressées par les dirigeants de la SOCAVI notamment au dirigeant de la SA Dandy qui ne possédait, de fait, aucun pouvoir décisionnel. Cette société a été décrite par son administratrice judiciaire, comme un 'outil de production' et par l'expert nommé par le tribunal de commerce un simple 'atelier'.
L'entité économique autonome était donc composée à tout le moins des sociétés Dandy et SOCAVI voire de l'intégralité de la branche volailles frais.
Le transfert vers la SCA Terrena de la branche volailles frais n'a concerné qu'une partie de cette entité économique puisque la SA Dandy en a été exclue.
Dès lors, cette entité n'a pas conservé son identité.
L'activité de découpe secondaire qui était celle de la SA Dandy et qui constituait l'une des activités de cette entité, existe certes au sein de la SCA Terrena mais elle ne s'est pas poursuivie au sein de l'entité transférée puisque les moyens nécessaires à cette activité (l'usine, le matériel et le personnel de la SA Dandy) n'ont pas été transférés. Cette activité est exercée par une société du groupe Terrena la société Gastronome qui exerçait déjà cette activité avant l'achat, par Terrena, de diverses sociétés du groupe Unicopa.
En conséquence, les conditions fixées par l'article L1224-1 du code du travail ne sont pas remplies, l'entité transférée n'ayant pas conservé son identité ni poursuivi son activité à l'identique.
Cet article pourrait néanmoins recevoir application s'il s'avérait que la SAS Unicopa Développement et la SCA Terrena se sont soustraites à son application en faisant en sorte, par fraude, que les conditions n'en soient pas remplies.
La SA Dandy existait depuis de nombreuses années au moment de la cession. Elle n'a pas été montée artificiellement au moment du transfert pour isoler une partie de l'activité.
Le choix pour la SCA Terrena de ne pas acquérir la SA Dandy a des raisons économiques solides fondées sur les difficultés anciennes que connaît cette société, difficultés qui s'étaient intensifiées, indique l'administratrice judiciaire, dans les 18 mois précédant sa mise en redressement judiciaire. L'expert nommé par le tribunal de commerce a indiqué que, depuis janvier 2006, la SA Dandy ne survivait que grâce au soutien de ses actionnaires (augmentation de capital, avances en trésorerie) et aurait, sans ce soutien, dû, dès cette époque, être placée en liquidation judiciaire.
Dès lors, en l'absence d'isolation artificielle d'une partie de l'activité, et compte tenu des réelles raisons économiques ayant présidé au choix d'exclure la SA Dandy de la cession, l'existence d'une fraude n'est pas établie.
Or, en l'absence de fraude, rien n'interdit à un cessionnaire de n'acquérir qu'une partie d'une entité économique. Peu importe, en effet, au regard du moins de l'article L1224-1 du code du travail, que la partie restante ne soit pas viable, comme cela a été le cas pour la SA Dandy que l'accord de mars 2008 et notamment la cession de la SOCAVI a privé non seulement de ses services administratif et informatiques et de sa direction de fait, de son service commercial, des marques sous lesquelles se produits étaient vendus mais également de son approvisionnement en découpes primaires puisque, par le contrat-prévu dans l'accord de mars 2008- signé le 21/5/08 avec la SCA Terrena-, la SAS Unicopa Développement s'engageait à fournir à la SCA Terrena un tonnage correspondant à celui qui alimentait antérieurement la SA Dandy.
L'union locale CGT de Pontivy sera en conséquence déboutée de sa demande tendant, au principal, à voir annuler l'accord du 11/3/08, subsidiairement, à voir réputée non écrite la clause excluant la SA Dandy du transfert.
3) Sur la demande de dommages et intérêts
Aucune méconnaissance des articles L 2323-2 ou L 1224-1 du code du travail ne pouvant être reprochée à la SAS Unicopa Développement et la SCA Terrena, l'union locale CGT de Pontivy sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts qui suppose que le préjudice subi par l'ensemble de la profession soit imputable à un manquement.
4) Sur les points annexes
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la SAS Unicopa Développement et la SCA Terrena leurs frais irrépétibles.
DÉCISION
PAR CES MOTIFS, LA COUR,
Statuant dans les limites du renvoi ordonné par la Cour de cassation
- Rejette la fin de non recevoir soulevée par la SCA Terrena
- Confirme le jugement
- Y ajoutant
- Déboute l'union locale CGT de Pontivy de sa demande d'annulation subsidiairement de suspension de l'accord du 11/3/08 pour violation de l'article L2323-2 du code du travail
- Déboute la SAS Unicopa Développement et la SCA Terrena de leurs demandes faites en application de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamne la SA Dandy aux dépens de première instance et d'appel
LA GREFFIÈRE P/LE PRÉSIDENT EMPÊCHE
V. POSE I. PONCET