Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 23 Novembre 1992
Rejet
N° de pourvoi 90-86.657
Président M. Le Gunehec
Demandeur Procureur général près la cour d'appel de Paris et autre
Rapporteur M de Mordant de Massiac
Avocat général M. Perfetti
Avocats M. ..., la SCP Piwnica et Molinié
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
REJET des pourvois formés par le procureur général près la cour d'appel de Paris, l'administration des Impots, partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 9e chambre, en date du 18 octobre 1990, qui, dans la procédure suivie contre Albert ... du chef de fraude fiscale, a, après annulation de la procédure et évocation, dit n'y avoir lieu à statuer sur l'action publique, et a débouté la partie civile de ses demandes.
LA COUR,.
Joignant les pourvois en raison de leur connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par le procureur général et pris de la violation des articles L 47 du Livre des procédures fiscales et 593 du Code de procédure pénale, violation de la loi, manque de base légale, excès de pouvoir
" en ce que l'arrêt attaqué a annulé l'ensemble de la procédure judiciaire, a évoqué, a dit n'y avoir lieu de statuer sur l'action publique ;
" aux motifs qu'en réalité, les opérations de vérification ont été exécutées non pas dans les locaux d'exploitation du contribuable mais principalement dans ceux de l'Administration avec emport de documents sur la demande expresse de l'agent de contrôle sans que ledit contribuable soit assuré dans les locaux de son entreprise de la possibilité d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;
" alors que le juge répressif n'est compétent que pour contrôler le respect par l'Administration, préalablement à toute vérification fiscale ou de comptabilité, de son obligation d'informer le contribuable qu'il a la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix ; que les autres obligations ou formalités prescrites par les articles L 47 à L 52 du Livre des procédures fiscales qui ne concernent que la procédure administrative de vérification de la situation fiscale ou comptable d'un contribuable relèvent du seul juge de l'impôt ;
" qu'il s'ensuit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs " ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par l'administration des Impôts et pris de la violation des articles L 47 du Livre des procédures fiscales, 1741 et 1743 du Code général des impôts, 591, 593 et 802 du Code de procédure pénale, du principe de l'autonomie et de l'action publique et des procédures tendant à l'établissement de l'impôt, défaut de motifs
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré que la vérification était irrégulière et que par suite la procédure pénale devait être annulée ;
" aux motifs que les opérations de vérification ont été exécutées, non pas dans les locaux d'exploitation de Sztergbaum, mais principalement dans ceux de l'administration des Impôts avec emport des documents sur la demande expresse de l'agent de contrôle sans que le contribuable soit assuré dans les locaux de son entreprise de la possibilité d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;
" alors que, premièrement, l'absence d'avis préalable, tel que prévu à l'article L 47 du Livre des procédures fiscales, est la seule irrégularité qui puisse être sanctionnée par le juge répressif ;
" et alors que, d'autre part, l'emport de documents par le vérificateur et l'absence de débat oral et contradictoire au cours de la vérification ne porte pas atteinte aux droits de la défense, à défaut d'autres circonstances, dès lors que le contribuable est en mesure de s'expliquer tant au stade de l'instruction que devant la juridiction de jugement " ;
Les moyens étant réunis
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que Sztergbaum qui exerçait une activité de brocante, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ; qu'à cette occasion, l'inspecteur des Impôts n'a effectué que de brefs passages au siège de l'entreprise, une première fois, pour y faire un relevé de prix, puis, pour s'y faire remettre les pièces et documents comptables intéressant son contrôle ; que l'essentiel de la vérification s'est déroulé hors la présence de Sztergbaum ; que, par la suite, sur plainte de l'administration fiscale, celui-ci a été poursuivi directement devant la juridiction correctionnelle, par le ministère public, pour s'être partiellement soustrait au paiement de la TVA et de l'impôt sur le revenu ;
Attendu que, pour faire droit à l'exception de nullité de la procédure régulièrement soulevée, prise d'une violation des droits de la défense, la cour d'appel retient que les opérations de vérification ont été effectuées non pas au siège de l'exploitation comme la loi le prévoit mais dans les locaux de l'Administration après que les documents comptables y aient été emportés par le vérificateur privant l'intéressé d'un débat contradictoire sur les éléments du dossier retenus contre lui ; qu'en raison de la violation des droits de la défense qui en est résulté, la procédure administrative antérieure à la plainte des services fiscaux et à la citation directe du ministère public s'en est trouvée viciée et ne peut être regardée comme constituant le soutien de l'action publique ; que les poursuites pénales subséquentes s'en trouvent également affectées et ne peuvent qu'être annulées ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs des moyens ; qu'en effet, l'observation d'un débat oral et contradictoire lors de l'examen des pièces de comptabilité constitue une garantie essentielle des droits de la défense dont il appartient à la juridiction pénale d'assurer le respect ;
Que, dès lors, les moyens ne peuvent qu'être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.