Chambre commerciale
Audience publique du 3 Novembre 1992
Pourvoi n° 90-16.751
M. ...
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M. ..., ès qualités de liquidateur et représentant des créanciers de M
Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 3 Novembre 1992
Cassation partielle.
N° de pourvoi 90-16.751
Président M. Bézard
Demandeur M. ...
Défendeur M. ..., ès qualités de liquidateur et représentant des créanciers de MHaillot.
Rapporteur Mme ...
Avocat général M. Jéol
Avocats M. ..., la SCP Defrénois et Levis.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le président du tribunal de grande instance statuant commercialement a fait citer plusieurs personnes dont M. ... en tant que gérant de fait de la société Sotex en liquidation judiciaire, à comparaître en chambre du conseil pour les voir " condamner à supporter le passif de la SARL Sotex, prononcer leur redressement judiciaire personnel et leur faillite personnelle, en fixer la durée et en ordonner l'exécution provisoire " ; qu'à la citation se trouvait jointe la note prévue à l'article 8, alinéa 2, du décret du 27 décembre 1985 ; qu'un jugement est intervenu le 21 juin 1989, qui a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de M. ... et lui a, en outre, interdit de diriger, gérer, administrer ou contrôler toute personne morale pour une durée de 15 ans ; que cette décision a été confirmée par la cour d'appel qui a également confirmé le jugement de liquidation judiciaire rendu le 16 août 1989 à l'égard de M. ... ;
Sur le second moyen, qui est préalable
Attendu que M. ... fait grief à l'arrêt d'avoir écarté son moyen tendant à contester la régularité de la procédure en raison de la présence au sein du Tribunal du juge-commissaire, lequel avait établi un rapport à son encontre, alors, selon le pourvoi, que la connaissance par le juge-commissaire de la situation du gérant de fait par le recours à des procédés d'investigation tels que ledit juge s'est nécessairement fait une opinion avant la venue à l'audience de l'affaire, opinion qu'il exprime par le truchement de son rapport, est antinomique avec l'exigence d'impartialité édictée par l'article 61 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales si bien que, dans ce contexte de droit et de fait, le juge-commissaire ne peut légalement faire partie de la juridiction de jugement et délibérer de l'affaire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel viole par refus d'application le texte précité ;
Mais attendu que la présence, conformément aux articles 24, 164 et 169 du décret du 27 décembre 1985, du juge-commissaire dans la juridiction qui statue sur l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou sur le prononcé de l'interdiction prévue à l'article 192 de la loi du 25 janvier 1985 à l'encontre du dirigeant d'une personne morale en redressement ou en liquidation judiciaires n'est pas contraire aux dispositions de l'article 61 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen
Vu l'article 61 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; que l'exigence d'impartialité doit s'apprécier objectivement ;
Attendu que pour déclarer valable la citation délivrée à M. ... dans le cadre de la procédure de saisine d'office prévue aux articles 8, 164 et 169 du décret du 27 décembre 1985, l'arrêt énonce que si l'acte aurait dû indiquer, de manière plus exacte, que l'objet de la demande était de voir statuer sur les sanctions et condamnations encourues, en les énumérant comme il avait fait, on ne pouvait tirer de sa rédaction la conséquence que le président, et encore moins le Tribunal, auraient eu déjà leur opinion forgée avant l'audience et auraient ainsi préjugé de leur décision, hypothèse d'ailleurs démentie par le fait que l'une des personnes convoquées n'avait fait l'objet d'aucune sanction et qu'une autre n'avait été condamnée que partiellement ;
Attendu qu'en se prononçant ainsi, alors que le libellé de la citation et le contenu de la note dans laquelle il tenait pour établi le comportement fautif à ses yeux de la personne visée pouvaient apparemment laisser penser que le président de la juridiction de jugement ne disposait pas de l'impartialité objective du juge, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé le jugement du 21 juin 1989 du chef des sanctions et condamnations prononcées contre M. ... et en ce qu'il a confirmé le jugement du 16 août 1989, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 mai 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims