AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Vitama, société à responsabilité limitée, dont le siège social est à Paris (11e), ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 26 janvier 1990 par la cour d'appel de Paris (25e chambre, section A), au profit :
1°/ de M. X...,
2°/ de Mme X...,
demeurant ensemble 8854 Caminito Primavera La Jolla, Californie 92057 (USA),
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 19 novembre 1991, où étaient présents : M. Bézard, président, Mme Loreau, conseiller rapporteur, MM. Hatoux, Vigneron, Leclercq, Gomez, Léonnet, conseillers, M. Lacan, Mme Geerssen, M. Rémery, conseillers référendaires, M. Jeol, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Loreau, les observations de Me Vuitton, avocat de la société Vitama, les conclusions de M. Jeol, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne défaut contre les époux X... ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les époux X..., porteurs de parts de la société à responsabilité limitée Vitama et convoqués à une assemblée générale du 4 mai 1987 qui devait statuer sur une augmentation du capital de 100 000 à 2 300 000 francs, ont fait savoir qu'ils s'opposaient à la mesure proposée ; que la société Vitama les a assignés pour voir dire que ce refus constituait un abus de droit de la minorité et qu'il y avait lieu en conséquence de l'autoriser à effectuer l'augmentation de capital envisagée dont le principe avait été arrêté lors de l'assemblée générale extraordinaire du 25 octobre 1986 ;
Sur le premier moyen pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que pour débouter la société de sa demande, l'arrêt retient que la délibération du 25 octobre 1986 n'impliquait pas que la décision d'augmenter le capital était d'ores et déjà prise, seule la décision de ne pas procéder à la dissolution anticipée de la société ayant été arrêtée et, par voie de conséquence, l'obligation de celle-ci de réduire son capital ou de reconstituer ses capitaux propres à concurrence d'une valeur au moins égale à la moitié du capital social ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que dans le procès-verbal de l'Assemblée générale du 25 octobre 1986, réunie pour examiner la situation de la société et décider des mesures à prendre par application des articles 35 et 68 de la loi du 24 juillet 1966, il est écrit "1°/ résolution : la collectivité des associés, après avoir examiné la situation de la société telle qu'elle ressort des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 1985... faisant apparaitre des capitaux propres inférieurs à la moitié du capital, décide... qu'il n'y a pas lieu à dissolution anticipée de la société" et, "2°/ résolution : la collectivité des associés décide
de se réunir à nouveau dans un délai de six mois aux fins de procéder à une première augmentation de capital d'un montant de 1 700 000 francs ; puis, dans le délai légal, il sera procédé à la reconstitution du capital social", qu'il y est précisé que ces résolutions ont été adoptées à l'unanimité, la cour d'appel a méconnu la portée de cette délibération ;
Et sur le second moyen pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour statuer comme il a fait, l'arrêt retient qu'il n'était pas démontré que les époux X... avaient commis un abus de droit en s'opposant à l'augmentation de capital litigieuse et qu'à supposer qu'un tel abus pût être établi, cette circonstance ne pouvait avoir pour conséquence qu'un éventuel recours en dommages-intérêts ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, hormis l'allocation d'éventuels dommages-intérêts, il existe d'autres solutions permettant la prise en compte de l'intérêt social, la cour d'appel a violé le texte susvisé par fausse application ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 janvier 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne les époux X..., envers la société Vitama, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Paris, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du quatorze janvier mil neuf cent quatre vingt douze.