Jurisprudence : CE 1/4 ch.-r., 29-12-2023, n° 463794, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 1/4 ch.-r., 29-12-2023, n° 463794, mentionné aux tables du recueil Lebon

A08832BC

Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2023:463794.20231229

Identifiant Legifrance : CETATEXT000048734382

Référence

CE 1/4 ch.-r., 29-12-2023, n° 463794, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/103288220-ce-14-chr-29122023-n-463794-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

66-07 L’existence d’une unité économique et sociale (UES) à laquelle appartiennent une société A et une société B ne fait pas obstacle à ce que des projets de réorganisation de chacune des sociétés, motivés, pour le premier, par une cessation anticipée d’activité, pour le second, par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise, soient conduits de façon concomitante et donnent lieu à l’établissement de documents unilatéraux portant plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) distincts, propres à chaque société.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 463794⚖️


Séance du 15 décembre 2023

Lecture du 29 décembre 2023

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 4ème et 1ère chambres réunies)


Vu les procédures suivantes :

Le comité social et économique de l'unité économique et sociale L'Equipe a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 21 mai 2021 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société L'Equipe.

Par un jugement n° 2109334 du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise⚖️ a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 21VE03335 du 9 mars 2022, la cour administrative d'appel de Versailles⚖️ a, sur appel du comité social et économique de l'unité économique et sociale L'Equipe, annulé le jugement du tribunal administratif et la décision du 21 mai 2021.

1° Sous le numéro 463794, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 mai et 8 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société L'Equipe et la société Presse Sport Investissement demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leurs conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge du comité social et économique de l'unité économique et sociale L'Equipe la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

2° Sous le numéro 463814, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 mai et 19 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion demande au Conseil d'Etat d'annuler le même arrêt.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la société l'Equipe et de la société Presse Sport Investissement, et à la SARL Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat du comité social et économique de l'unité économique et sociale de la société l'Equipe.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par une décision du 21 mai 2021, le directeur régional et interdépartemental, de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société L'Equipe, appartenant à l'unité économique et sociale (UES) L'Equipe créée entre les sociétés L'Equipe, Presse Sport Investissement (PSI) et Presse sports. Par un jugement du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande tendant à l'annulation de cette décision formée par le comité social et économique de l'unité économique et sociale L'Equipe (CSE de l'UES L'Equipe). Par deux pourvois qu'il y a lieu de joindre, les sociétés L'Equipe et PSI ainsi que le ministre chargé du travail demandent au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 9 mars 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel du CSE de l'UES L'Equipe, annulé le jugement et la décision du 21 mai 2021.

Sur le cadre juridique :

2. De première part, aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail🏛 : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. / (°) ". Aux termes de l'article L. 1233-24-4 du même code : " A défaut d'accord (), un document élaboré par l'employeur après la dernière réunion du comité social et économique fixe le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et précise les éléments prévus aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, dans le cadre des dispositions légales et conventionnelles en vigueur. " Aux termes de l'article L. 1233-57-3 du même code🏛 : " () l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique, le respect, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 et le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1. "

3. En outre, s'agissant de la procédure d'information et de consultation mentionnée au point précédent, il résulte des dispositions de l'article L. 1233-28 du code du travail🏛 que l'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours doit réunir et consulter le comité social et économique (CSE). A ce titre, le I de l'article L. 1233-30 du même code🏛, dispose, s'agissant des entreprises ou établissements qui emploient habituellement au moins cinquante salariés, que l'employeur réunit et consulte le comité social et économique sur " 1° L'opération projetée et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-31 ; / 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail " et que le CSE tient au moins deux réunions. Aux termes de l'article L. 1233-31 du code du travail🏛: " L'employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif. / Il indique : / 1° La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ; / 2° Le nombre de licenciements envisagé ; / 3° Les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l'ordre des licenciements ; / 4° Le nombre de salariés, permanents ou non, employés dans l'établissement ; / 5° Le calendrier prévisionnel des licenciements ; / 6° Les mesures de nature économique envisagées / 7° Le cas échéant, les conséquences de la réorganisation en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail ".

4. De deuxième part, aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail🏛, dont la rédaction est, pour l'essentiel, issue de celle résultant de la loi du 31 décembre 1991🏛 modifiant le code du travail et le code de la santé publique en vue de favoriser la prévention des risques professionnels et portant transposition de directives européennes relatives à la santé et à la sécurité du travail, en l'espèce, la directive CE n° 89/391 du 12 juin 1989 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. / Ces mesures comprennent : / 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ; / 2° Des actions d'information et de formation ; / 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. / L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ". En vertu de l'article L. 4121 2 du même code🏛, l'employeur met en œuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement de principes généraux de prévention, au nombre desquels figurent, entre autres, l'évaluation des risques qui ne peuvent pas être évités, la planification de la prévention en y intégrant, notamment, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales, et la prise de mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle.

5. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'homologation d'un document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi, de vérifier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, le respect, par l'employeur, de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. A ce titre, il lui revient de contrôler tant la régularité de l'information et de la consultation des institutions représentatives du personnel que les mesures auxquelles l'employeur est tenu en application de l'article L. 4121-1 du code du travail au titre des modalités d'application de l'opération projetée, ce contrôle n'étant pas séparable du contrôle auquel elle est tenue en application des articles du même code cité au point 2. S'agissant du contrôle du respect, par l'employeur, de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, il en découle qu'il incombe à l'administration, dans le cadre de son contrôle global de la régularité de la procédure d'information et de consultation, de vérifier que l'employeur a adressé au CSE, avec la convocation à sa première réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponse à des demandes exprimées par le comité ou à des observations ou des injonctions formulées par l'administration, parmi tous les éléments utiles qu'il doit lui transmettre pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause, des éléments relatifs à l'identification et à l'évaluation des conséquences de la réorganisation de l'entreprise sur la santé ou la sécurité des travailleurs, ainsi que, en présence de telles conséquences, les actions projetées pour les prévenir et en protéger les travailleurs, de façon à assurer leur sécurité et protéger leur santé physique et mentale.

6. De troisième part, aux termes de l'article L. 1233-34 du code du travail🏛 : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, le comité social et économique peut, le cas échéant sur proposition des commissions constituées en son sein, décider, lors de la première réunion prévue à l'article L. 1233-30, de recourir à une expertise pouvant porter sur les domaines économique et comptable ainsi que sur la santé, la sécurité ou les effets potentiels du projet sur les conditions de travail.[]. / Le rapport de l'expert est remis au comité social et économique et, le cas échéant, aux organisations syndicales, au plus tard quinze jours avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 1233-30 ". A ceux de l'article L. 1233-35 du code du travail🏛 : " L'expert désigné par le comité social et économique demande à l'employeur, dans les dix jours à compter de sa désignation, toutes les informations qu'il juge nécessaires à la réalisation de sa mission. L'employeur répond à cette demande dans les huit jours. Le cas échéant, l'expert demande, dans les dix jours, des informations complémentaires à l'employeur, qui répond à cette demande dans les huit jours à compter de la date à laquelle la demande de l'expert est formulée ". A ceux de l'article L. 1233-35-1 du même code🏛 : " Toute contestation relative à l'expertise est adressée, avant transmission de la demande de validation ou d'homologation prévue à l'article L. 1233-57-4, à l'autorité administrative, qui se prononce dans un délai de cinq jours. Cette décision peut être contestée dans les conditions prévues à l'article L. 1235-7-1 ". Lorsque le CSE a décidé de recourir à l'assistance d'un expert en application des dispositions de l'article L. 1233-34 du code du travail, il appartient à l'administration de s'assurer que l'expert a pu exercer sa mission dans des conditions permettant au comité social et économique de disposer de tous les éléments utiles pour formuler ses deux avis en toute connaissance de cause.

7. Enfin, aux termes de l'article L. 1233-57-5 du code du travail🏛 : " Toute demande tendant, avant transmission de la demande de validation ou d'homologation, à ce qu'il soit enjoint à l'employeur de fournir les éléments d'information relatifs à la procédure en cours ou de se conformer à une règle de procédure prévue par les textes législatifs, les conventions collectives ou un accord collectif est adressée à l'autorité administrative. Celle-ci se prononce dans un délai de cinq jours ". Aux termes de l'article L. 1233-57-6 du même code🏛 : " L'administration peut, à tout moment en cours de procédure, faire toute observation ou proposition à l'employeur concernant le déroulement de la procédure ou les mesures sociales prévues à l'article L. 1233-32. Elle envoie simultanément copie de ses observations au comité social et économique () ".

8. Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative peut, durant la procédure d'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, d'une part, adresser des observations et des propositions à l'employeur concernant le déroulement de cette procédure ou les mesures sociales prévues à l'article L. 1233-32 du code du travail🏛, d'autre part, enjoindre à l'employeur de fournir des informations, telles celles relatives aux conséquences de la réorganisation en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail des travailleurs et, en présence de telles conséquences, aux actions arrêtées pour les prévenir et en protéger les travailleurs.

Sur les pourvois :

9. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel a relevé que le CSE de l'UES L'Équipe avait décidé, lors de la réunion du 3 novembre 2020, de recourir à l'assistance, outre d'un cabinet d'expertise-comptable s'agissant de l'examen de la situation de l'entreprise, d'un cabinet d'expertise s'agissant des questions de santé, sécurité et conditions de travail et que le rapport d'expertise avait été présenté lors de la réunion du CSE du 14 janvier 2021, la mission d'expertise ayant été clôturée le 26 février 2021. La cour a aussi relevé que le document transmis au CSE le 7 avril 2021 comportait des éléments nouveaux s'agissant de l'analyse des conséquences du projet de réorganisation en termes de conditions de travail et présentait un plan d'actions visant à la prévention des risques identifiés en lien avec le projet. Elle a retenu que, compte tenu du bref délai séparant la communication de ce document et les réunions du CSE des 15 et 29 avril 2021, ce dernier, malgré une démarche en ce sens effectuée auprès de l'expert précédemment désigné, n'avait pu bénéficier de l'assistance de l'expert pour examiner la teneur des mesures désormais prévues par la société L'Equipe en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail. La cour en a déduit que le CSE de l'UES L'Equipe était fondé à soutenir que la société L'Equipe ne l'avait pas mis en mesure de bénéficier de l'assistance d'un expert pour examiner les éléments transmis le 7 avril 2021, entachant ainsi d'irrégularité la procédure d'information et de consultation et, par suite, la décision du directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France homologuant le plan de sauvegarde de l'emploi. En se fondant sur la seule circonstance que le CSE n'avait pas bénéficié de l'assistance d'un expert pour examiner les éléments transmis le 7 avril 2021 pour juger irrégulière la procédure d'information et de consultation, alors qu'il incombe à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'exercer un contrôle global de la régularité de la procédure d'information et de consultation ainsi qu'il a été dit au point 5, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

10. Il en résulte que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des pourvois, la société L'Equipe et la société PSI ainsi que le ministre chargé du travail sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.

11. Le délai de trois mois imparti à la cour administrative d'appel pour statuer par les dispositions de l'article L. 1235-7-1 du code du travail🏛 étant expiré, il y a lieu pour le Conseil d'Etat, en application des mêmes dispositions, de statuer immédiatement sur l'appel formé par le CSE de l'UES L'Equipe contre le jugement du 14 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision d'homologation du 21 mai 2021.

Sur la requête d'appel :

12. En premier lieu, l'existence d'une unité économique et sociale à laquelle appartiennent la société PSI et la société l'Equipe ne faisait pas obstacle, en l'espèce, à ce que des projets de réorganisation de chacune des sociétés, motivés, pour le premier, par une cessation anticipée d'activité, pour le second, par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, soient conduits de façon concomitante et donnent lieu à l'établissement de documents unilatéraux portant plan de sauvegarde de l'emploi distincts, propres à chaque société.

13. En deuxième lieu, aucune disposition législative ou règlementaire ne faisait obstacle à ce que l'employeur retire, après échange avec l'administration, sa première demande d'homologation du document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société L'Equipe, aucune décision d'homologation expresse ou implicite n'étant alors intervenue dans les conditions fixées par l'article L. 1233-57-4 du code du travail🏛.

14. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que, dans un premier temps, la procédure d'information et de consultation du CSE de l'UES L'Equipe s'est déroulée du 3 novembre 2020 au 3 février 2021, au cours de laquelle dix réunions du CSE se sont tenues. En particulier, les cabinets d'experts mandatés en application des dispositions de l'article L. 1233-34 du code du travail ont présenté leur rapport, dont une partie est consacrée à l'évaluation des risques en matière de sécurité et de santé liés au projet de réorganisation, au CSE le 14 janvier 2021. Le 3 février 2021, le CSE s'est refusé à émettre un avis sur le projet de réorganisation de la société et ses conséquences. Dans un second temps, après l'intervention de l'administration et le retrait de la demande initiale d'homologation du document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi, la société L'Equipe a complété les éléments relatifs aux impacts du projet en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail. Le CSE, auquel a été communiqué le 7 avril 2021 le document définitif portant sur l'identification et l'évaluation des conséquences de la réorganisation de l'entreprise sur la santé ou la sécurité des travailleurs et les actions envisagées par l'employeur, qui avait complété, sur certains points, le document initialement élaboré, a pu en discuter lors des réunions des 15 et 29 avril 2021. Il n'est pas contesté que l'employeur n'a pas fait obstacle à l'assistance des experts, qui n'ont pas entendu compléter leur rapport après l'élaboration de ce dernier document, et ne les a pas empêchés d'exercer utilement leur mission, aucune demande d'injonction n'ayant d'ailleurs été formulée, notamment postérieurement au retrait de la première demande d'homologation, en application de l'article L. 1233-57-5 du code du travail. Dans ces conditions, l'administration a pu légalement estimer que, prise dans son ensemble, la procédure d'information et de consultation du CSE de l'UES L'Equipe n'était pas entachée d'irrégularité.

15. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que le CSE a été régulièrement informé, conformément aux dispositions des articles L. 1233-30 et L. 1233-31 du code du travail, du nombre de suppressions d'emplois et des catégories professionnelles concernées. A cet égard, il ressort des pièces du dossier qu'il a été informé de ce que le projet de licenciement économique prévoyait des suppressions de postes de journalistes pigistes à hauteur de 0,4 équivalent temps plein (ETP), correspondant à deux travailleurs, et des modifications de contrat à hauteur de 4 ETP, correspondant à trente-cinq travailleurs. Par ailleurs, il n'appartenait pas en l'espèce à l'administration saisie de la demande d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi de la société L'Equipe de se prononcer sur la qualification de la relation de travail existant entre la société L'Equipe et certains journalistes pigistes. Par suite, le requérant n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que la décision d'homologation qu'il attaque serait illégale en ce qu'elle estimerait à tort que la consultation du CSE a été régulière s'agissant du nombre de suppressions de postes à défaut d'une évaluation correcte du nombre de journalistes pigistes.

16. En cinquième lieu, en vertu des dispositions de l'article L. 1233-57-3 du code du travail, il appartient à l'administration, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document qui fixe les catégories professionnelles mentionnées au 4° de l'article L. 1233-24-2, de s'assurer, au vu de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis, notamment des échanges avec le CSE au cours de la procédure d'information et de consultation ainsi que des justifications qu'il appartient à l'employeur de fournir, que ces catégories regroupent, en tenant compte des acquis de l'expérience professionnelle qui excèdent l'obligation d'adaptation qui incombe à l'employeur, l'ensemble des salariés qui exercent, au sein de l'entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. Au terme de cet examen, l'administration refuse l'homologation demandée s'il apparaît que les catégories professionnelles concernées par le licenciement ont été déterminées par l'employeur en se fondant sur des considérations, telles que l'organisation de l'entreprise ou l'ancienneté des intéressés, qui sont étrangères à celles qui permettent de regrouper, compte tenu des acquis de l'expérience professionnelle, les salariés par fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, ou s'il apparaît qu'une ou plusieurs catégories ont été définies dans le but de permettre le licenciement de certains salariés pour un motif inhérent à leur personne ou en raison de leur affectation sur un emploi ou dans un service dont la suppression est recherchée.

17. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 22 de leur jugement, d'écarter le moyen tiré de ce que la décision attaquée est illégale au motif que les catégories professionnelles concernées par le licenciement ne répondraient pas aux exigences légales qui viennent d'être rappelées en ce qu'elles cibleraient des salariés dans un certain nombre de services.

18. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 mai 2021 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société L'Equipe.

19. Il n'y a, en tout état de cause, pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CSE de l'UES L'Equipe la somme que demandent les sociétés L'Equipe et PSI en cassation et en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat et des sociétés L'Equipe et PSI qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 9 mars 2022 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.

Article 2 : La requête présentée par le CSE de l'UES L'Equipe devant la cour administrative d'appel de Versailles est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées en cassation et en appel par les sociétés L'Equipe et PSI au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions présentées en cassation et en appel par le CSE de l'UES L'Equipe au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société L'Equipe, à la société PSI, au comité social et économique de l'unité économique et sociale L'Equipe et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Nos 463794, 463814

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