Jurisprudence : Cass. soc., 10-07-1991, n° 89-43.147, Rejet.

Cass. soc., 10-07-1991, n° 89-43.147, Rejet.

A1693AAX

Référence

Cass. soc., 10-07-1991, n° 89-43.147, Rejet.. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1032744-cass-soc-10071991-n-8943147-rejet
Copier


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Sociale
10 Juillet 1991
Pourvoi N° 89-43.147
Société auxiliaire d'entreprise de la Région parisienne
contre
M. ... et autres
. Sur le premier moyen
Attendu que le personnel de la Société auxiliaire d'entreprises de la région parisienne (SAEP) sur les chantiers de Bercy et de Suresnes s'est mis en grève le 8 décembre 1986 ; qu'à partir du 17 décembre, les grévistes ont observé un arrêt de travail d'un quart d'heure toutes les heures jusqu'à la reprise totale du travail le 27 décembre ; que la SAEP, tout en versant à chacun des grévistes une prime de reprise du travail de 1 000 francs, qu'elle avait promise avant la fin du conflit, a pratiqué sur le salaire une retenue correspondant à 82 heures 08, alors que le temps effectif de grève n'avait été que de 65 heures ; que les salariés ayant saisi la juridiction prud'homale en paiement du salaire retenu, la SAEP a demandé reconventionnellement le remboursement de la prime de reprise du travail et des dommages-intérêts représentant le préjudice qu'elle avait subi du fait de la perte de productivité ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 24 avril 1989) d'avoir déclaré licite la grève du 17 au 27 décembre 1986 et de l'avoir, en conséquence, condamné à payer aux salariés grévistes les retenues de salaire correspondant à 17 heures 08, alors que, selon le moyen, d'une part, constituent une grève illicite les arrêts de travail illicites systématiques de courte durée ayant pour effet de désorganiser gravement la production d'une entreprise et de causer à l'employeur un préjudice excédant celui qui résulte normalement de l'exercice d'une grève continue ;
qu'en l'espèce, il est constant que les salariés de la SAEP ont pratiqué un arrêt de travail d'un quart d'heure minimum toutes les heures pendant 10 jours et qu'il en est résulté une grave perturbation du plan de travail et une baisse de production sans commune mesure avec la durée des arrêts de travail effectifs ; que ces arrêts de travail constituaient donc une grève illicite de nature à justifier la réduction par l'employeur de la rémunération des salariés grévistes à proportion de la réduction de la production consécutive dont il a été victime ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L 521-1 du Code du travail ; alors que, d'autre part, l'employeur n'est pas tenu au paiement d'un temps de travail accompli dans des conditions autres que celles qui sont prévues par le contrat de travail ; qu'en l'espèce les salariés de la SAEP, qui ont procédé tous les jours pendant 10 jours et à chaque heure à un arrêt de travail d'un quart d'heure minimum, ont volontairement empêché l'exécution normale et continue des opérations de construction prévues en alternance chaque jour ; qu'en perturbant ainsi gravement le plan de travail de l'entreprise qui exigeait un ordre déterminé et en provoquant une baisse volontaire de la production dont l'importance était sans rapport avec la durée des arrêts de travail effectifs, les salariés ont exécuté leur contrat de travail dans des conditions autres que celles prévues par leur contrat et commis un abus du droit de grève constitutif d'une faute lourde ; que l'employeur était donc parfaitement en droit de réduire la rémunération des salariés en proportion de la diminution de la production ; qu'en décidant dès lors que l'employeur ne pouvait pratiquer que des retenues proportionnelles aux arrêts de travail effectifs, la cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L 521-1 du Code du travail ;
Mais attendu que la répétition des arrêts de travail, même de courte durée, ne constitue pas un abus du droit de grève dès lors que ces arrêts n'entraînent pas la désorganisation de l'entreprise ; que la cour d'appel, après avoir constaté qu'aucune désorganisation manifeste et anormale n'était résultée du mouvement suivi entre le 17 et le 27 décembre 1986, a décidé à bon droit que les salariés, qui n'avaient fait qu'exercer le droit de grève, ne pouvaient subir qu'un abattement de salaire proportionnel à la durée de leur arrêt de travail ; que le moyen n'est donc pas fondé en ses deux branches ; Sur le deuxième moyen
Attendu que la SAEP fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer aux salariés une retenue sur salaire correspondant à 17 heures 08 de travail, alors que, selon le moyen, il incombe au salarié lui-même, et non à l'employeur, de prouver l'exécution de la prestation de travail et la durée de sa présence sur le lieu d'exécution de sa tâche ; qu'en l'espèce, compte tenu du constat d'huissier établi pendant la grève et de la contestation de l'employeur relative au temps d'arrêt de travail effectif qui n'aurait pas été d'un quart d'heure toutes les heures, mais d'une demi-heure en raison du délai de reprise, il appartenait aux salariés de rapporter la preuve qu'aucune prolongation du temps d'interruption de travail correspondant aux retenues de salaire opérées par l'employeur n'avait eu lieu ; qu'en exigeant au contraire de la SAEP qu'elle rapporte la preuve de la durée effective du travail et de la présence des salariés sur le chantier, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil ;
Mais attendu qu'il incombait à l'employeur, qui soutenait que la reprise du travail n'avait pas eu lieu effectivement après chacun des arrêts, d'en rapporter la preuve ; que les juges du fond ont constaté que cette preuve n'était pas rapportée et qu'ainsi le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le troisième moyen (sans intérêt) ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi

Agir sur cette sélection :