Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 14 Mai 1991
Rejet.
N° de pourvoi 89-14.287
Président M. Defontaine
Demandeur Société générale
Défendeur société Hydromation Belgium et autres
Rapporteur M. ...
Avocat général M. Jéol
Avocats la SCP Célice et Blancpain, MM ..., ....
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 mars 1989), que la société Hydromation Belgium, la société Aquascutum Limited, la société NDT, la société LTG, la société Van Altena et la société The Clorox international company (les sociétés), toutes sociétés étrangères exportatrices en France, ont, par application de l'article 289 A du Code général des impôts, confié leur représentation fiscale accréditée à la société Gestion d'intérêts, représentation fiscale et économique (la GIRFE) ; que celle-ci a fait ouvrir à son nom, à la Société générale (la banque), outre deux comptes personnels, des comptes dits " à rubrique " pour chacune de ses clientes ; que le 15 décembre 1983, la GIRFE a obtenu de la banque une lettre de fusion de tous les comptes à rubrique avec ses comptes personnels ; que le gérant de la GIRFE a été condamné pénalement pour diverses malversations et que la GIRFE a été mise en liquidation des biens ; que les sociétés ont assigné la banque en déclaration de responsabilité ; que le Tribunal a accueilli cette demande et condamné la banque, à titre de dommages-intérêts, à des sommes d'un montant égal à celui qui aurait figuré au solde de chacun des comptes à rubrique si la lettre de fusion n'avait pas été acceptée ;
Attendu que, la banque reproche à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement alors, selon le pourvoi, d'une part, que faute d'avoir recherché si, même en l'absence de fusion des comptes, les sociétés étrangères auraient bien eu qualité pour agir en revendication des sommes figurant sur les comptes à rubrique ouverts par la GIRFE, en liquidation des biens, auprès de la Société générale, la cour d'appel n'a pu valablement considérer que la fusion des comptes reprochée à la banque avait eu directement pour effet de priver les sociétés étrangères de leur possibilité de revendication, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'il en est d'autant plus ainsi, que faute d'avoir expressément constaté que les clients étrangers de la GIRFE auraient, en dehors de toute fusion des comptes dont celle-ci était titulaire, eu la qualité de propriétaire des sommes portées au crédit des comptes à rubrique, la cour d'appel n'a pu caractériser l'éventuel droit à revendication dont les sociétés étrangères auraient été privé ; alors, de troisième part, qu'en reprochant à la banque d'avoir privé les sociétés étrangères de leur possibilité de revendiquer les sommes leur revenant " dans la mesure où elles avaient qualité pour le faire ", la cour d'appel s'est, en tout état de cause, prononcée par un motif hypothétique, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de quatrième part, que l'arrêt qui constate que les sociétés étrangères n'avaient pas exercé d'action en revendication dans le délai de 4 mois prévu à l'article 59 de la loi du 13 juillet 1967 et qui ne précise pas en quoi la connaissance de l'existence de la lettre de fusion de compte durant ce délai aurait pu inciter les sociétés étrangères à agir en revendication, n'a pu valablement décider que la privation de l'exercice du droit à revendication était exclusivement
imputable au fait de la banque ; que, pour cette raison encore, l'arrêt se trouve dépourvu de toute base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; et alors, enfin, que l'arrêt ne pouvait, sans violer l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, laisser sans réponse les conclusions d'appel de la banque qui faisaient valoir que les comptes à rubrique étaient des comptes " résident français ", dont seule la GIRFE était titulaire, et que les fonds qui y étaient portés ne pouvaient, en vertu de la législation bancaire et des changes, être la propriété des clients étrangers de la GIRFE et, de surcroît, que les sociétés étrangères étaient en réalité créancières de la GIRFE pour les sommes portées sur les comptes à rubrique, dans la masse, et qu'en cette qualité, elles ne pouvaient que produire entre les mains du syndic, sans pouvoir exercer une action en revendication contre quiconque ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que les comptes à rubrique avaient été ouverts par la GIRFE " conformément aux prospectus remis à ses clients étrangers " et que le gérant de la GIRFE avait reconnu que ces comptes à rubrique " ne figuraient pas au bilan de la GIRFE puisqu'il s'agissait de sommes appartenant à ses clients et dont il n'avait pas la disponibilité ", l'arrêt retient que la GIRFE n'était que le " mandataire " des sociétés et que si, pour des raisons spécifiques au contrôle des changes, le mandataire était titulaire de comptes à rubrique, ceux-ci, en réalité, fonctionnaient " au nom de personnes distinctes du titulaire " et que les sommes inscrites au solde de chacun des comptes à rubrique " revenaient " à chacune des sociétés ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui ne s'est pas prononcée par un motif hypothétique et qui a répondu aux conclusions invoquées, a pu décider que la banque avait commis une faute génératrice de préjudice à l'égard des sociétés ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses cinq branches ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi