Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 6 Février 1991
Cassation
N° de pourvoi 90-82.343
Président M. Angevin, conseiller le plus ancien faisant fonction
Demandeur ... Jean-François
Rapporteur M. ...
Avocat général M. Rabut
Avocats M. Ricard, ... ... ..., Fabiani et Thiriez
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CASSATION sur le pourvoi formé par ... Jean-François, contre l'arrêt de la cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, en date du 28 février 1990, qui, pour dénonciation calomnieuse, l'a condamné à 1 mois d'emprisonnement avec sursis et 2 000 francs d'amende, et qui a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,.
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 373 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a retenu le requérant dans la prévention de dénonciation calomnieuse ;
" aux motifs que si la preuve de la fausseté des faits dénoncés doit résulter d'une décision de l'autorité compétente, pour y donner suite, estimant les accusations infondées, il y a lieu de remarquer que la notation de Vanderheeren au titre de l'année 1987, en ce qu'elle a été l'occasion d'appréciations louangeuses sur sa gestion, correspond à un désaveu tacite, certes, mais très clair cependant des accusations portées par Estival, surtout si l'on considère que lui, Estival, avait alors été suspendu de fonctions par le même pouvoir hiérarchique que celui s'exerçant sur Vanderheeren ;
" alors qu'en matière de dénonciation calomnieuse, la fausseté des faits dénoncés doit résulter d'une décision de justice ou de l'autorité compétente pour statuer sur la dénonciation et qu'en l'absence de décision prise par l'autorité à laquelle les faits avaient été dénoncés, le délit n'était pas constitué sans qu'il puisse y avoir de décision tacite comportant appréciation des faits dénoncés, et sans qu'une mesure de suspension qui aurait frappé le prévenu portant sur des faits étrangers à la présente poursuite puisse être retenue pour justifier la prévention ; qu'en statuant dès lors comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il résulte du troisième alinéa de l'article 373 du Code pénal que des poursuites en dénonciation calomnieuse ne peuvent être engagées que soit après jugement ou arrêt d'acquittement ou de relaxe, soit après ordonnance ou arrêt de non-lieu, soit après classement de la dénonciation par le magistrat, fonctionnaire, autorité supérieure ou employeur compétent pour lui donner la suite qu'elle était susceptible de comporter ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu, chirurgien dans un hôpital, coupable de dénonciation calomnieuse envers le directeur de cet établissement, l'arrêt attaqué, après avoir constaté qu'il avait adressé au président et aux membres du conseil d'administration une lettre critiquant les capacités de gestion de ce directeur, taxé d'autoritarisme, relève que les administrateurs ont protesté contre la fausseté des faits dénoncés et loué l'excellence de sa gestion, tandis que l'auteur de la lettre avait été suspendu de ses fonctions ;
Mais attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations d'où il ne résulte pas que l'autorité compétente pour donner suite à la dénonciation ait, après enquête, décidé de la classer, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte de loi précité ; que dès lors la cassation est encourue ;
Par ces motifs
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Caen, en date du 28 février 1990, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rennes