Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 28 Janvier 1991
Rejet
N° de pourvoi 90-81.526
Président M. Le Gunehec
Demandeur ... Daniel
Rapporteur M. ...
Avocat général M. Lecocq
Avocats la SCP Waquet, Farge et Hazan, M. ...
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
REJET du pourvoi formé par ... Daniel, contre l'arrêt de la cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, en date du 1er février 1990 qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à 2 mois d'emprisonnement avec sursis et à 30 000 francs d'amende, a ordonné la publication et l'affichage de la décision et fait droit aux demandes de l'administration des Impôts, partie civile.
LA COUR,.
Vu les mémoires produits, tant en demande qu'en défense ;
Sur le premier moyen de cassation (sans intérêt) ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé et pris de la violation des articles L 228, R 228-2, R 228-3 et R 228-5 du Livre des procédures fiscales, 1741 A du Code général des impôts, 63 a de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de prononcer la nullité de l'avis favorable rendu le 30 novembre 1988 par la Commission des infractions fiscales sur les poursuites engagées contre Lavigne ;
" alors que les tribunaux judiciaires sont compétents pour apprécier, en cas de contestation, les conditions dans lesquelles la Commission des infractions fiscales a émis un avis favorable et statuer sur les exceptions tirées de la nullité de la procédure suivie devant ladite Commission dont l'avis conforme constitue un préalable nécessaire à la mise en mouvement de l'action publique ;
" que, d'une part, aux termes de l'article R 228-1 du Livre des procédures fiscales, la Commission est saisie par le ministre chargé des Finances ou, sur délégation, par des chefs de service de l'administration centrale de la Direction générale des Impôts et de la Direction de la Comptabilité publique ; que cet acte indispensable à la mise en mouvement de l'action publique doit être daté et signé par l'autorité compétente ; que dès lors, en l'espèce, en l'absence au dossier de l'acte de saisine de la Commission et en l'absence de toute mention, sur l'avis de la Commission relative à la date et à l'auteur de l'acte qui l'a saisie, la régularité de la procédure n'est pas établie ;
" que, d'autre part, l'article R 228-2 du Livre des procédures fiscales stipule que le contribuable doit être avisé de la saisine de la Commission, dont le secrétariat lui communique l'essentiel des griefs qui motivent cette saisine et l'invite à faire parvenir les informations qu'il estimerait nécessaires ; qu'en l'espèce, l'avis adressé à Lavigne ne contenait qu'un rappel très succinct des charges retenues à son encontre lui interdisant de formuler régulèrement des observations utiles à sa défense, en méconnaissance des prescriptions essentielles du texte susvisé et de l'article 63 a de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
" que, de troisième part, et contrairement aux affirmations de l'arrêt attaqué, le juge répressif doit exercer son contrôle sur la régularité de la composition de la Commission ; qu'en l'espèce, l'avis qui ne porte pas le nom des magistrats qui l'ont rendu ne permet pas de s'assurer que la Commission était composée conformément aux prescriptions des articles 1741 A du Code général des impôts et R 228-4 du Livre des procédures fiscales ;
" qu'ainsi, en refusant de prononcer la nullité de l'avis du 30 novembre 1988 et, par suite, de toute la procédure subséquente, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu que, pour rejeter l'exception régulièrement soulevée et tirée d'une prétendue nullité de la procédure préalable, aux motifs que le dossier ne comporterait pas la décision du ministre ayant saisi la Commission des infractions fiscales, que le principe du contradictoire aurait été méconnu et que la composition de ladite Commission ne figurerait pas sur l'avis émis par celle-ci, les juges relèvent que, conformément aux dispositions des articles L 228 et R 228-2 du Livre des procédures fiscales, Daniel ... a été averti des griefs formulés contre lui et invité à faire parvenir dans le délai de 30 jours les informations qu'il estimerait nécessaires ;
Que les juges constatent que l'avis rendu le 30 novembre 1988 par la Commission précitée contient les indications permettant de connaître l'autorité qui l'a saisie, la date de cette saisine et l'identité de la personne mise en cause par l'Administration ;
Qu'ils observent que le principe du contradictoire, reconnu par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne saurait s'appliquer en l'espèce, la Commission susvisée ne constituant pas un premier degré de juridiction et l'avis qu'elle donne au ministre n'ayant pour but que de limiter le pouvoir discrétionnaire de ce dernier d'engager des poursuites ;
Attendu, par ailleurs, qu'aucune disposition n'exige que l'avis mentionne la composition de la Commission, dont la régularité est suffisamment établie par la signature de son président ;
Attendu qu'en cet état, dès lors que l'avis de la Commission des infractions fiscales, organe consultatif, satisfait en la forme aux conditions essentielles de son existence légale, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les textes visés au moyen, lequel ne peut qu'être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation, proposé et pris de la violation de l'article L 229 du Livre des procédures fiscales, manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de prononcer la nullité de la plainte de l'Administration en date du 23 décembre 1988 ;
" alors qu'il résulte des dispositions de l'article L 229 du Livre des procédures fiscales que les plaintes sont signées par le directeur des services fiscaux ; qu'aucun texte n'autorisant celui-ci à déléguer ses attributions, le directeur départemental était radicalement incompétent pour signer la plainte qui se trouvait, dès lors, entachée de nullité " ;
Attendu que, pour rejeter l'exception présentée avant toute défense au fond et tirée d'une prétendue irrégularité de la plainte de l'administration des Impôts, au prétexte que celle-ci n'aurait pas été signée par le directeur des services fiscaux territorialement compétent, mais par un directeur incompétent faute d'habilitation, les juges observent que l'article L 229 du Livre des procédures fiscales dispose que les plaintes pour fraude fiscale sont déposées par le service chargé de l'assiette ou du recouvrement de l'impôt ;
Qu'ils constatent qu'en l'espèce la plainte a été signée par un directeur départemental au nom du directeur des services fiscaux de Saône-et-Loire, services territorialement compétents ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, dès lors que l'article L 229 du Livre des procédures fiscales se borne à désigner le service fiscal compétent pour déposer la plainte et n'exige pas l'habilitation de son signataire, la cour d'appel a donné une base légale à sa décision ;
Qu'il s'ensuit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le quatrième moyen de cassation (sans intérêt) ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi