Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 30 Octobre 1990
Rejet
N° de pourvoi 88-87.623
Président M. Le Gunehec
Demandeur ... Gilbert
Rapporteur M. ...
Avocat général M. Perfetti
Avocat la SCP Waquet, Farge et Hazan
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
REJET du pourvoi formé par ... Gilbert, contre l'arrêt de la cour d'appel de Pau, chambre correctionnelle, en date du 30 novembre 1988 qui, pour proxénétisme, l'a condamné à 2 années d'emprisonnement dont 21 mois avec sursis et a prononcé, à son encontre, l'interdiction de séjour pendant 3 ans et la privation des droits énumérés à l'article 42 du Code pénal pour une durée de 2 ans
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 335 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable de proxénétisme ;
" aux motifs qu'il reconnaissait avoir prêté des fonds pour le financement d'un bar américain, mais qu'il était invraisemblable que Wadoux qui était assureur de profession, ait ainsi prêté 280 000 francs sans s'assurer de la destination très exacte de son argent ; que les conditions de ce prêt important étaient telles - fort intérêt et remboursement en seulement quatre mois - qu'elles persuadaient la Cour que Wadoux ne pouvait espérer qu'elles soient remplies que par la connaissance qu'il avait, au moment du prêt, de la destination de l'établissement concerné au proxénétisme, seule activité suffisamment rémunératrice pour lui permettre de récupérer son argent dans un délai aussi court ;
" alors, d'une part, que ne finance pas ou ne contribue pas à financer un établissement de prostitution, au sens de l'article 3341° du Code pénal, celui qui se borne à prêter des fonds au propriétaire pour acquérir un tel établissement sous la seule condition que le prêt lui sera remboursé avec un intérêt, sans tirer aucun bénéfice de la gestion même de l'établissement ; qu'ainsi, en prêtant des fonds à Kergosien, Léglise et Richet pour acquérir le bar Le Saloon sous la seule condition que ce prêt lui serait remboursé à court terme, assorti d'un intérêt et sans stipuler aucun intéressement à son profit à la gestion de l'établissement, Wadoux n'a pas commis le délit qui lui est reproché et que la déclaration de culpabilité est illégale ;
" alors, d'autre part, et subsidiairement, qu'à supposer que le seul prêt d'argent consenti au propriétaire d'un établissement de prostitution puisse constituer de la part du prêteur le délit de proxénétisme, c'est à la condition que le prêteur ait effectivement connu la destination réelle des fonds, connaissance qui ne résulte en aucun cas du seul fait que le prêt doit être remboursé en quatre mois et qu'il soit assorti d'un fort intérêt ; qu'ainsi, faute de s'être expliquée sur les circonstances de fait - autres que les caractéristiques du prêt - qui auraient permis à Wadoux, " bon père de famille " exerçant la profession d'agent d'assurances et fort honorablement connu dans sa région, d'acquérir la connaissance que les fonds prêtés à Chantal ..., sur la demande de son ami d'enfance Kergosien, devaient servir au financement d'un établissement de prostitution, la cour d'appel n'a pas légalement justifié la déclaration de culpabilité ;
" alors, de troisième part, qu'il résulte des déclarations de Kergosien qu'il avait demandé à Wadoux (D 238) d'investir chez Bernard ... et qu'il était certain que Wadoux " n'avait jamais su qu'il achetait un bordel " (D 235, p 3, lignes 5 et 6) ; qu'en ne s'expliquant pas sur cette circonstance que l'emprunteur lui-même reconnaissait n'avoir jamais informé Wadoux de la destination exacte des fonds au moment du prêt, et en statuant en contradiction avec tous les éléments du dossier démontrant que personne n'avait informé Wadoux de cette destination, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale ;
" alors, enfin, qu'en se bornant à affirmer qu'un " fort intérêt " avait été stipulé, sans préciser le taux d'intérêt effectivement convenu entre les parties, la cour d'appel a de ce chef privé sa décision de base légale " ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué reproduites au moyen que, pour déclarer Gilbert ... coupable de proxénétisme, la cour d'appel expose qu'il a prêté, en sachant leur destination, des fonds pour l'achat d'un établissement de prostitution ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et alors que le demandeur se borne à remettre en discussion l'appréciation souveraine par les juges du fond des éléments de preuve soumis aux débats contradictoires, la cour d'appel a donné une base légale à sa décision ;
Qu'en effet, constitue une contribution au financement d'un établissement de prostitution au sens de l'article 3351° du Code pénal, le fait de prêter, en connaissance de cause, des fonds pour son acquisition ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi