COUR DE CASSATION
Chambre civile 1
Rejet
N° de pourvoi 88-12.702
Demandeur JANVIER
Défendeur Mme Z et autre
Audience publique du 15 Novembre 1989
Inédit Titré
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par Monsieur ..., demeurant à Rouen (Seine-Maritime), en cassation d'un arrêt rendu le 20 janvier 1988 par la cour d'appel de Rouen (1re chambre civile), au profit de
1°) Madame Christine Z née Z, demeurant à Saint-Etienne du Rouvray (Seine-Maritime),
2°) Monsieur Y, demeurant à Meudon (Hauts-de-Seine), défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 17 octobre 1989, où étaient présents M. Jouhaud, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. ..., rapporteur, MM Camille Bernard, Viennois, Lesec, Zennaro, Bernard de Saint-Affrique, Thierry, Mabilat, conseillers, M. Charruault, conseiller référendaire, Mme Flipo, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ; Sur le rapport de M le conseiller Grégoire, les observations de la SCP Fortunet et Mattei-Dawance, avocat de M. ..., de la SCP Delaporte et Briard, avocat de Mme Z, de la SCP Jean et Didier Le Prado, avocat de M. Y, les conclusions de Mme Flipo, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique pris en ses deux branches
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 20 janvier 1988), que Mme Z, qui souffrait de troubles intestinaux, a été soigné à partir de l'année 1969 par M. ..., médecin généraliste, qui a négligé jusqu'en 1976 de pratiquer ou faire pratiquer les examens qui, bien avant cette époque, lui auraient permis de suspecter l'existence d'une tumeur cancéreuse du rectum, laquelle n'a été reconnue qu'en novembre 1976 par un médecin gastro-entérologue ;
Que Mme Z a subi en janvier 1977 une opération chirurgicale qui, en raison de l'évolution de la maladie, a comporté une mutilation particulièrement grave ;
Qu'elle a mis en cause la responsabilité de M. ... et que la Cour d'appel a retenu que la faute professionnelle commise par ce praticien avait fait perdre à Mme Z la chance d'obtenir sa guérison par d'autres procédés que l'exérèse qui s'est révélée nécessaire en
Attendu que M. ... fait grief à l'arrêt, d'une part, d'avoir statué sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil, alors que la responsabilité du médecin envers son patient est de nature contractuelle, et, d'autre part, d'avoir retenu la notion de perte de chance pour suppléer au lien de causalité dont la cour d'appel n'avait pu constater l'existence entre la faute de M. ... et la réalisation du dommage subi par Mme Z ;
Mais attendu, d'abord, que la responsabilité délictuelle éditée par l'article 1383 du Code civil suppose la réunion des mêmes conditions que la responsabilité fondée sur un manquement à une obligation contractuelle de moyens, et que l'erreur commise par la cour d'appel n'a donc pu avoir aucune incidence sur la décision qu'elle a prononcée ;
D'où il suit que pris en sa première branche le moyen est inopérant ;
Attendu, en second lieu, qu'ayant constaté la réalité de la chance qu'un diagnostic précoce de son mal aurait donnée à Mme Z d'échapper à l'ablation mutilante qu'elle a dû finalement subir, la Cour d'appel a pu estimer que la carence retenue à la charge de M. ... avait entraîné la perte de cette chance, perte qui constitue en soi un préjudice réparable ;
D'où il suit que la seconde branche du moyen n'est pas fondée ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;