CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 décembre 2023
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 684 FS-B
Pourvoi n° U 22-14.020
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA
COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 DÉCEMBRE 2023⚖️
La société GEF Négoces, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 22-14.020 contre l'arrêt rendu le 6 janvier 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-7), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société BNP Paribas Personal Finance, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Sygma Banque,
2°/ à M. [W] [J],
3°/ à Mme [Y] [G], épouse [J],
tous deux domiciliés [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de la société GEF Négoces, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société BNP Paribas Personal Finance, de Me Occhipinti, avocat de M. [Aa], de Mme [G], et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Bruyère, Ancel, Mme Peyregne-Wable, conseillers, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, Mme Cazaux-Charles, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'
article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 janvier 2022), le 2 mars 2015, M. [J] (l'acquéreur) a conclu hors établissement avec la société GEF Négoces (le vendeur) un contrat de fourniture et de pose d'un kit photogénérateur au prix de 18 600 euros, financé, par un crédit souscrit le même jour avec son épouse Mme [Aa] auprès de la société Sygma, devenue BNP Paribas Personal Finance (la banque).
2. Invoquant des irrégularités du bon de commande, M. et Mme [Aa] ont assigné le vendeur et la banque en nullité des contrats.
Examen des moyens
Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens
3. En application de l'
article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le vendeur fait grief à l'arrêt de prononcer l'annulation du bon de commande signé le 2 mars 2015, de constater l'annulation de plein droit du contrat de crédit souscrit le même jour, de le condamner à rembourser à l'acquéreur le prix de vente de l'installation photovoltaïque, soit la somme de 18 600 euros, déduction faite des sommes perçues par ce dernier suite à la vente d'électricité à ERDF depuis le 2 septembre 2015, d'ordonner à l'acquéreur de tenir l'installation à sa disposition, de condamner le vendeur à prendre en charge le coût de la dépose et de la remise en état de l'existant, ainsi qu'à garantir M. et Mme [Aa] du remboursement du capital emprunté, alors « qu'un élément ne constitue une caractéristique essentielle d'une installation photovoltaïque au sens de l'
article L. 111-1 du code de la consommation🏛, qu'à la condition que les parties l'aient fait entrer dans le champ contractuel ; qu'en se bornant, pour annuler le bon de commande, à relever que les caractéristiques du kit photovoltaïque étaient illisibles et que la puissance du micro-onduleur n'apparaissait pas, sans rechercher, si les parties avaient fait entrer ces deux éléments dans le champ contractuel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des
articles L. 121-17, L. 121-18-1 alinéa 1 et L. 111-1 du code de la consommation🏛🏛. »
Réponse de la Cour
5. Il résulte des articles L. 111-1, L. 121-17 et L. 121-18-1 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'
ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016🏛, qu'un contrat de vente ou de fourniture de services conclu hors établissement doit, à peine de nullité, indiquer, de manière lisible et compréhensible, les caractéristiques essentielles du bien ou du service.
6. L'arrêt relève, par motifs adoptés, que si la description de l'installation qui comportait les éléments suivants : 1 kit photogénérateur 2,5 kW, 10 capteurs solaires 250 Wc basse tension, 10 micro onduleurs M 215 Enphase, pose en surimposition, pose et mise en service de l'installation/test d'étanchéité, contrat d'accompagnement : contrôle de l'installation et assistance, permettait aux acquéreurs de se faire une idée globale des éléments la composant, elle était insuffisante pour décrire ses caractéristiques techniques en termes de performance, de rendement et de capacité de production.
7. Faisant ainsi ressortir que ces éléments ne satisfaisaient pas à l'exigence de compréhensibilité imposée par l'article L. 121-17 du code de la consommation, faute d'informer les acquéreurs sur la production d'électricité de l'installation, la cour d'appel en a exactement déduit qu'en l'absence d'une telle information portant sur le résultat attendu de l'utilisation de cet équipement, constituant une caractéristique essentielle, la vente devait être annulée.
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
8. Le vendeur fait le même grief à l'arrêt, alors « que le document annexé au bon de commande a une valeur contractuelle ; que n'encourt pas la nullité le bon de commande qui est accompagné d'un document annexe détaillant les caractéristiques précises du bien vendu ; qu'en annulant le bon de commande, aux motifs qu'il importait peu que les caractéristiques précises du kit photovoltaïque ainsi que la puissance du micro-onduleur aient figuré dans un document annexe, la cour d'appel a violé les articles L. 121-17 et L. 121-18-1 alinéa 1 du code de la consommation et L. 111-1 du code de la consommation. »
Réponse de la Cour
9. L'article L. 121-18-1, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, dispose :
« Le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties. Ce contrat comprend, à peine de nullité, toutes les informations mentionnées au I de l'article L. 121-17. »
10. Il en résulte que les informations relatives aux caractéristiques essentielles du bien ou du service, qui sont au nombre de celles que visent ces dispositions, ne peuvent figurer sur des documents annexes qui ne sont pas signés de toutes les parties.
11. En retenant que l'insuffisance des mentions du contrat ne pouvait être suppléée par des documents dont les acquéreurs avaient été destinataires, la cour d'appel en a exactement déduit l'annulation du bon de commande.
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
12. Le vendeur fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'erreur sur le point de départ du délai de rétractation est sanctionnée par la prolongation de douze mois du délai de rétractation prévue à l'
article L. 121 -21-1 du code de la consommation🏛 à compter de la fin du délai de rétractation initial ; qu'en jugeant que l'erreur dans la mention relative au point de départ du droit de rétractation dans le bon de commande emportait la nullité du contrat, alors que la seule sanction de cette erreur était le prolongement du délai de douze mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial, la cour d'appel a violé l'article L. 121-21-1 du code de la consommation. »
Réponse de la Cour
13. Il résulte de la combinaison des articles L. 121-17,I, 2°, L. 121-18-1 et L. 121-21-1 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, que, lorsque contrairement aux exigences du premier de ces textes, les informations relatives à l'exercice du droit de rétractation ne figurent pas dans un contrat conclu hors établissement ou sont erronées, la prolongation du délai de rétractation, prévue par le troisième, n'est pas exclusive du droit pour le consommateur de demander l'annulation du contrat en vertu du deuxième.
14. La cour d'appel, qui a retenu que le formulaire de rétractation donnait des informations erronées sur le point de départ du délai de rétractation, en a exactement déduit l'annulation du contrat.
Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
15. Le vendeur fait le même grief à l'arrêt, alors « que les causes de nullités du bon de commande sont couvertes lorsque les acheteurs ont poursuivi en toute connaissance de cause l'exécution du contrat qui leur a permis de bénéficier de l'installation de production d'électricité ; qu'en affirmant que le fait d'exécuter le contrat n'avait pas permis de couvrir les causes de nullités du bon de commande, après avoir pourtant constaté que M. [Aa] avait payé les mensualités du prêt signé le 2 mars 2015, que les acheteurs avaient signé un certificat de livraison sans réserve le 6 mai 2015 et un procès-verbal de fin de chantier sans réserves, que M. [Aa] a fait raccorder son installation au réseau EDF le 2 septembre 2015, et enfin que dans les deux lettres de mise en demeure du 5 novembre 2017 et du 16 novembre 1017 les époux [Aa] avaient évoqué les causes de nullité du bon de commande dont ils avaient donc connaissance, ce dont il résulte que cette exécution volontaire avait couvert les causes de nullités du bon de commande, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles L. 121-17 et L. 121-18-1 alinéa 1 du code de la consommation. »
Réponse de la Cour
16. La cour d'appel, ayant retenu que le bon de commande du 2 mars 2015 ne mentionnait pas l'article L. 121-18-1 alinéa 1er du code de la consommation, qui prévoit la nullité du contrat en cas de manquement aux obligations d'information, en a exactement déduit que les actes accomplis par les acquéreurs antérieurement aux lettres de mises en demeure invoquées , dans l'ignorance de la sanction attachée aux dispositions que citait le contrat, ne pouvaient couvrir les vices qui l'affectaient.
17. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société GEF Négoces aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes formées par les sociétés GEF Négoces et BNP Paribas Personal Finance et condamne la société GEF Négoces à payer à M. et Mme [Aa] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille vingt-trois.