N° RG 23/02031 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O25V
Décision du
Tribunal Judiciaire de Lyon
Référé
du 11 octobre 2022
RG : 22/01375
[O] [V]
[L]
C/
A. LOGIBELL
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 05 Décembre 2023
APPELANTS :
M. [R] [O] [V]
né le … … … à [Localité 6] (Algérie)
[Adresse 2]
[Localité 5]
Mme [C] [Aa] épouse [Abc] [V]
née le … … … à [Localité 7] (Algérie)
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentés par Me Nicolas LARCHERES, avocat au barreau de LYON, toque : 162
INTIMEE :
Société LOGIBELL
[Adresse 1]
[Localité 4]
défaillante
PARTIE INTERVENANTE :
La SELARL [Y] [D] représentée par son gérant en exercice ès-qualités de mandataire judiciaire de la société LOGIBELL
[Adresse 3]
[Localité 4]
Défaillante
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 02 Octobre 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 09 Octobre 2023
Date de mise à disposition : 05 Décembre 2023
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Olivier GOURSAUD, président
- Stéphanie LEMOINE, conseiller
- Bénédicte LECHARNY, conseiller
assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'
article 804 du code de procédure civile🏛.
Arrêt réputé ontradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'
article 450 alinéa 2 du code de procédure civile🏛,
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:
Le 27 juin 2019, Mr [R] [O] [V] et son épouse Mme [C] [L] ont conclu avec la société Logibell un marché de travaux portant contrat de construction de maison individuelle en vue de l'édification d'une maison sur un terrain situé [Adresse 2] à [Localité 5].
Par acte du 30 décembre 2019, les époux [O] [V] ont acquis le terrain et le permis de construire obtenu par la société Logibell leur a été transféré.
Les époux [Ab] [V] ont emménagé dans leur maison à l'été 2021 malgré l'inachèvement des travaux et ont constaté l'existence de désordres et de non conformités.
Les travaux n'ont pas été achevés par la société Logibell qui n'a pas non plus repris les désordres signalés.
Une réception de l'ouvrage est intervenue le 17 janvier 2022 à l'initiative des époux [O] [V] et hors la présence de la société Logibell, avec diverses réserves.
Ce procès-verbal a été notifié à la société Logibell par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 janvier 2022 et les époux [O] [V] l'ont mise en demeure de lever les réserves avant le 4 février 2022.
Par acte d'huissier en date du 2 août 2022, les époux [O] [V] ont fait assigner en référé la société Logibell en paiement d'une somme provisionnelle à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice et aux fins de communication de différents documents sous astreinte.
Par ordonnance de référé, réputée contradictoire, du 11 octobre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lyon a :
- condamné la société Logibell à payer à Mr [R] [O] [V] et son épouse Mme [C] [Aa] les provisions suivantes à valoir sur leur indemnisation définitive :
- 13.500 € au titre des travaux nécessaires à la levée des réserves,
- 2.290,93 € au titre des pénalités de retard de livraison,
- 6.000 € au titre du préjudice de jouissance,
avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision, en application de l'
article 1231-7 du code civil🏛,
- enjoint à la société Logibell de remettre à Mr [R] [O] [V] et son épouse Mme [C] [L] dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision, les documents suivants :
- le procès-verbal de contrôle de l'étanchéité de la maison,
- le dossier complet de la demande de permis de construire,
- les plans d'exécution,
- le décompte définitif des travaux et la facture de tous les intervenants,
- les marchés de travaux de tous les sous-traitants,
- le devis et la facture du BET RT2012 ainsi que son rapport,
- dit que faute pour la société Logibell de procéder à la production ordonnée, elle sera redevable, passé ce délai d'un mois, d'une astreinte dont le montant sera provisoirement fixé pour une durée de deux mois à 100 € par jour de retard,
- débouté Mr [R] [O] [V] et son épouse Mme [C] [Aa] du surplus de leur demandes de provision et de remise de documents sous astreinte,
- condamné la société Logibell à payer à Mr [R] [O] [V] et son épouse Mme [C] [L] la somme de 1.500 € en application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛,
- condamné la société Logibell aux dépens de l'instance,
- rappelé que la décision est de droit exécutoire à titre provisoire.
Par déclaration du 10 mars 2023, les époux [O] [V] ont interjeté appel de cette décision.
L'affaire a été fixée par le président de la chambre à l'audience du 9 octobre 2023.
Les époux [Ab] [V] ont signifié leur déclaration d'appel à la société Logibell par exploit du 28 mars 2023.
Au terme de ses conclusions notifiées le 5 avril 2023, Mr [R] [O] [V] et son épouse Mme [C] [Aa] demandent à la cour de :
- infirmer l'ordonnance du 11 octobre 2022 en ce que le juge des référés ne leur a pas alloué la totalité des sommes qu'ils ont demandé,
et statuant à nouveau,
- condamner la société Logibell à leur verser une provision d'un montant de 35.376 € au titre des travaux nécessaires à la levée des réserves faites à la réception,
- condamner la société Logibell à leur verser une provision d'un montant de 10.672 € au titre du retard pris dans la réalisation des travaux,
- condamner la société Logibell à leur verser une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Logibell aux entiers dépens de l'instance.
Par jugement en date du 4 avril 2023 publié le 14 avril 2023, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé l'ouverture de redressement judiciaire de la société Logibell et a désigné la selarl [Y] [D] en qualité de mandataire judiciaire.
Par exploit en date du 5 mai 2023, Mr [R] [O] [V] et son épouse Mme [C] [Aa] ont appelé en intervention forcée la selarl [Y] [D] et au terme de cet acte, ils demandent à la cour de:
- infirmer l'ordonnance du 11 octobre 2022 en ce que le juge des référés ne leur a pas alloué la totalité des sommes demandées au titre des travaux de reprise et des pénalités de retard,
et statuant à nouveau,
- fixer au passif de la société Logibell le montant de leur créance au titre des travaux nécessaires à la levée des réserves d'un montant de 35.376 € ,
- fixer au passif de la société Logibell le montant de leur créance au titre du retard pris dans la réalisation des travaux à la somme de 10.672 €,
- fixer au passif de la société Logibell le montant de leur créance au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 5.000 €,
- condamner la société Logibell et Maître [D] aux entiers dépens de l'instance.
La selarl [Y] [D], assignée à personne habilitée n'a pas constitué avocat et il convient de statuer par arrêt réputé contradictoire.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 octobre 2023.
Conformément aux dispositions de l'
article 455 du code de procédure civile🏛, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'ordonnance déférée n'est pas remise en cause en ce qu'elle a alloué aux époux [O] [V] une provision de 6.000 € à valoir au titre du préjudice de jouissance et en ses dispositions ayant fait injonction à la société Logibell de leur remettre, sous astreinte, divers documents et l'appel porte exclusivement sur le montant des sommes provisionnelles allouées à Mr et Mme [O] [V] au titre des travaux de levée des réserves et des pénalités de retard.
Aux termes de l'
article 835, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
1. sur la demande de provision au titre des travaux de levée des réserves :
Les époux [Ab] [V] qui demandent à la cour de fixer le montant de la provision à 35.376 € font valoir que le premier juge a écarté à tort certains postes de travaux en ajoutant aux dispositions de l'
article 1792-6 du code civil🏛 une condition qu'il ne prévoit pas et qu'à la lecture du devis qu'ils versent aux débats chacun des postes facturés fait référence à une réserve émise lors de la réception.
Sur ce :
Par de justes motifs que la cour reprend à son compte, le premier juge a relevé que l'inachèvement des travaux avait été reconnu par le conducteur de travaux de la société Logibell dans un courriel du 17 juin 2021, qu'un expert mandaté par l'assureur des époux [O] [V] avait listé les désordres dans un rapport daté du 15 décembre 2021, que la réception des travaux à laquelle la société Logibell avait été convoquée est intervenue le 17 janvier 2022, en l'absence de la société, et qu'elle avait donné lieu à une liste de réserves dont une partie correspondait aux désordres déjà relevés le 15 décembre, auxquels s'ajoutaient d'autres malfaçons ou non façons.
Il en a justement déduit que le principe de l'obligation d'indemnisation était acquis.
Les époux [Ab] [V] chiffrent leur demande sur la base d'un devis réactualisé à la date du 6 janvier 2023 établi par la société Eovia Energie pour un montant de 35.376 € et dont le premier juge n'a pas eu connaissance, celui visé dans l'ordonnance étant daté du 26 juillet 2022 et établi pour un montant de 32.376 €.
Ce premier devis n'est pas versé aux débats ce qui rend plus difficile pour la cour de constater en quoi l'appréciation par le premier juge des pièces produites aurait été erronée.
La cour relève que le premier juge a de façon précise et détaillée énoncé les motifs pour lesquels certains postes de travaux mentionnés dans le devis n'étaient pas justifiés, relevant notamment pour l'essentiel qu'ils n'avaient pas fait l'objet de réserves et que s'agissant du plus gros poste écarté par l'ordonnance, à savoir la réalisation d'une clôture telle que prévue au plan (17.000 €), celle prévue dans le devis à savoir une clôture extérieure en moellons et panneaux occultant ne correspondait pas au permis de construire initial qui prévoyait un muret d'une hauteur de 60 cm avec piquets en métal et grillage et que le permis de construire modifié du 21 octobre 2019 précisait que la clôture ferait l'objet d'une demande ultérieure.
Force est de constater que les appelants qui sont tenus de formuler expressément les moyens de fait sur lesquels ils fondent leurs prétentions n'apportent aucune critique détaillée dans leurs écritures devant la cour sur la motivation de l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté leurs demandes, se contentant d'affirmer, sans plus d'explications, que le premier juge aurait ajouté des conditions à l'article 1792-6 du code civil et de renvoyer la cour à la lecture d'un devis, manifestement différent de celui produit en première instance.
Les contestations retenues par le premier juge tirées d'une absence de réserves ou de l'absence de preuve d'un engagement contractuel signé entre les parties peuvent être qualifiées de sérieuses et l'ordonnance est donc confirmée en ce qu'elle a limité la provision allouée au titre des travaux à 13.500€.
2. sur la demande de provision au titre du retard pris dans la réalisation des travaux :
Les époux [Ab] [Ac] concluent à la réformation de l'ordonnance en ce qu'elle a limité le montant de la provision à ce titre à 2.290,93 € et sollicitent à ce titre la somme de 10.672 €.
Ils font valoir que le premier juge a à tort :
- limité le montant des pénalités à 32,27 € par jour calendaire alors qu'aux termes du CCAP, la société Logibell s'était engagée à verser une pénalité de 46 € par jour calendaire,
- fixé la date de livraison au 16 juin 2021 alors qu'à cette date, la maison était loin d'être achevée et n'était même pas habitable faute de raccordement au gaz et à l'eau et qu'ils ont du attendre plusieurs mois pour que la société Logibell achève les travaux.
Ils ajoutent qu'à tout le moins, s'il fallait distinguer livraison et achèvement, ils sont fondés à solliciter l'indemnisation du préjudice résultant du retard pris à la fois dans la livraison de l'ouvrage et dans l'achèvement de celui-ci.
Sur ce :
Il est constant au vu des pièces produites aux débats que les travaux initialement prévus pour le 13 novembre 2020 ont été décalés, qu'il a été convenu qu'ils devaient s'achever le 5 avril 2021 et qu'ils n'étaient pas achevés à cette date.
S'agissant du montant de la pénalité de retard, les époux [Ab] [V] se prévalent des dispositions du CCAP selon lesquelles le montant des pénalités de retard s'élevait à 46 € par jour de retard.
Toutefois, si le marché de travaux signé entre les parties fait référence à un CCAP, il est constaté que ce document n'est pas versé aux débats.
Ainsi, par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a justement retenu, faisant application de l'
article R 231-14 alinéa 1er du code de la construction et de l'habitation🏛 selon lequel en cas de retard à la livraison, les pénalités prévues au i de l'article L 2312-12 ne peuvent être fixées à un montant inférieur à 1/3 000 du prix convenu par jour de retard, qu'en l'absence de justification du montant des pénalités contractuellement convenues entre les parties, l'obligation de payer une pénalité de retard n'était pas contestable à hauteur de 1/3 000 de 96.800 €; soit 32,26 € par jour de retard.
Toutefois, si le terme de la mise en oeuvre des pénalités de retard est la livraison de la maison et non pas la levée des réserves émises à la réception, les pénalités de retard prévues à l'article R 231-14 du code de la construction et de l'habitation ne sont pas exclusives de l'attribution de dommages et intérêts.
En l'espèce, la cour relève que les époux [Ab] [V] sollicitent une provision au titre du retard pris dans la réalisation des travaux et non pas spécifiquement le paiement des pénalités de retard prévues au contrat.
Il ressort des pièces produites, notamment les courriers échangés entre les parties qu'au 16 juin 2021, date fixée pour la livraison de la maison, les travaux étaient loin d'être terminés.
Cela ressort notamment d'un courrier de la société Logibell en date du 17 juin mentionnant une liste de travaux et d'où il résulte qu'à cette date, la façade n'était pas faite, que le terrassement n'était pas terminé et que la maison n'était pas alimentée en eau ni raccordée en gaz, ce dont il résulte qu'elle n'était pas habitable.
Les appelants versent aux débats un rapport technique daté du 15 décembre 2021 constatant un certain nombre de défauts de réalisation et d'où il ressort notamment que la chaudière n'était pas raccordée électriquement, faute d'un emplacement sur le tableau électrique et que les baies vitrées fermaient mal, ce qui occasionnait des entrées d'air.
Ces problèmes n'étaient manifestement pas réglés au 17 janvier 2022, date du procès-verbal de réception des travaux.
Il s'ensuit que les époux [Ab] [V] justifient de manière incontestable d'un préjudice résultant du retard pris dans les travaux, excédant la simple application des pénalités de retard et il peut leur être alloué à ce titre à valoir sur leur préjudice, une provision de 6.000 €.
3. sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
L'ordonnance est confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens de l'instance d'appel sont à la charge de la selarl [Y] [D] es qualité de mandataire judiciaire de la société Logibell.
Il convient de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mr et Mme [Ab] [V] en cause d'appel et de leur allouer à ce titre la somme de 1.500 €.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant dans les limites de l'appel,
Confirme l'ordonnance déférée en ses dispositions soumises à son appréciation sauf en ce qu'elle a limité à 2.290,90 € la somme allouée au titre du retard dans la livraison.
Statuant de nouveau de ce chef y ajoutant,
Fixe au passif de la société Logibell la créance provisionnelle de Mr [R] [O] [V] et de son épouse Mme [C] [L] au titre du retard pris dans la réalisation des travaux à hauteur de 6.000€.
Condamne la selarl [Y] [D] es qualité de mandataire judiciaire de la société Logibell à payer à Mr [R] [O] [V] et à son épouse Mme [C] [L] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne la selarl [Y] [D] es qualité de mandataire judiciaire de la société Logibell aux dépens d'appel.
La Greffière, Le Président,