Jurisprudence : Cass. civ. 1, 06-12-2023, n° 22-15.558, FS-B, Rejet

Cass. civ. 1, 06-12-2023, n° 22-15.558, FS-B, Rejet

A669017W

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2023:C100648

Identifiant Legifrance : JURITEXT000048550492

Référence

Cass. civ. 1, 06-12-2023, n° 22-15.558, FS-B, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/102200373-cass-civ-1-06122023-n-2215558-fsb-rejet
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Abstract

L'article VII de l'Accord général sur le commerce de services, qui fait partie des accords de l'Organisation mondiale du commerce, ne peut être invoqué directement devant les juridictions nationales, de sorte que le ressortissant d'un Etat n'appartenant pas à l'Union européenne ou n'étant pas partie à l'accord sur l'Espace économique européen doit, au soutien d'une demande d'inscription au barreau fondée sur l'article 11, 1°, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, prouver que la condition de réciprocité posée par l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 est remplie


CIV. 1

MY1


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 décembre 2023


Rejet


Mme CHAMPALAUNE, président


Arrêt n° 648 FS-B

Pourvoi n° R 22-15.558


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 DÉCEMBRE 2023


M. [U] [Z] [Aa] [S], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 22-15.558 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 13), dans le litige l'opposant :

1°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié [… …],

2°/ au bâtonnier de la Seine-Saint-Denis, domicilié [… …],

3°/ au conseil de l'ordre des avocats au barreau de la Seine-Saint-Denis, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.


Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [Aa] [S], et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Ab, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [Aa] [S] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le conseil de l'ordre des avocats du barreau de Seine-Saint-Denis.


Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 mars 2022), M. [Aa] [S], de nationalité béninoise, a obtenu au cours de l'année universitaire 2007-2008 un master en droit de l'entreprise, délivré par l'université de [3]. Il occupe depuis 2008, à titre bénévole, les fonctions de juriste au sein d'une organisation syndicale.

3. Par décision du 4 novembre 2020, le conseil de l'ordre des avocats du barreau de Seine-Saint-Denis a accepté sa demande d'inscription au tableau de ce barreau, sur le fondement de l'article 98, 5°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991🏛🏛 permettant aux juristes attachés pendant huit ans au moins à l'activité d'une organisation syndicale de bénéficier d'un accès dérogatoire à la profession d'avocat, sous réserve de satisfaire à l'examen de contrôle des connaissances en déontologie et réglementation professionnelle prévu à l'article 98-1 et de disposer d'un domicile professionnel.

4. Le procureur général près la cour d'appel de Paris a formé un recours contre cette décision.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. M. [Aa] [S] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'inscription au tableau des avocats du barreau de Seine-Saint-Denis, alors « qu'il résulte de l'accord général sur le commerce des services (AGCS), directement applicable dans l'ordre juridique interne nonobstant toute disposition contraire ou incompatible, que les ressortissants des pays signataires ont la faculté d'accéder dans un autre Etat signataire aux activités de commerce de services soumises à des conditions de diplôme ou d'expérience dans les mêmes conditions que celles posées aux nationaux ; qu'entre les Etats signataires de l'AGCS la condition de réciprocité dans l'accès à la profession d'avocat est réputée acquise et n'appelle aucune justification ou vérification particulière, y compris lorsque le candidat n'exerce pas déjà cette profession dans son pays d'origine ; qu'en retenant que, de nationalité béninoise, l'exposant, qui sollicitait son inscription au barreau, ne pouvait bénéficier de la réciprocité prévue par l'AGCS dès lors qu'il n'était pas avocat au Bénin, la cour d'appel a violé l'article VII de l'accord général sur le commerce des services, ensemble l'article 11, 1° de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971🏛🏛. »


Réponse de la Cour

6. L'article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques détermine les conditions d'accès à la profession d'avocat en France et dispose, en son 1°, que le candidat doit être français, ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ou ressortissant d'un Etat ou d'une unité territoriale n'appartenant pas à l'Union ou à cet Espace économique qui accorde aux Français la faculté d'exercer sous les mêmes conditions l'activité professionnelle que l'intéressé se propose lui-même d'exercer en France, sous réserve des décisions du Conseil de l'Union européenne relatives à l'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté économique européenne ou avoir la qualité de réfugié ou d'apatride reconnue par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

7. La Cour de cassation a jugé que, entre les Etats signataires de l'accord général sur le commerce de services (l'AGCS), directement applicable dans l'ordre juridique interne nonobstant toute disposition contraire ou incompatible, la condition de réciprocité, réputée acquise, n'appelle aucune justification ou vérification particulière (1re Civ., 22 novembre 2007, pourvoi n° 05-19.128⚖️, Ac. 2007, I, n° 362).

8. Néanmoins, la CJUE a retenu que, compte tenu de leur nature et de leur économie, les accords de l'organisation mondiale du commerce (OMC) ne figurent pas en principe parmi les normes au regard desquelles elle contrôle la légalité des actes des institutions communautaires et que ce n'est que dans l'hypothèse où la Communauté a entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de l'OMC, ou dans l'occurrence où l'acte communautaire renvoie expressément à des dispositions précises des accords OMC, qu'il appartient à la Cour de contrôler la légalité de l'acte communautaire en cause au regard des règles de l'OMC, relevant que cette interprétation était conforme à l'énoncé du dernier considérant du préambule de la décision 94/800 du Conseil du 22 décembre 1994 relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l'Uruguay, aux termes duquel, « par sa nature, l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce, y compris ses annexes, n'est pas susceptible d'être invoqué directement devant les juridictions communautaires et des États membres » (CJCE, arrêt du 23 novembre 1999, Portugal c. Conseil, C-149/96 ; CJCE, 30 septembre 2003, Biret International SA, C-93/02 ; CJCE, 1er mars 2005, Léon Van Parys, C-377/02 ; CJUE, 18 décembre 2014, LVP NV c. Ad Ae, C-306/13).

9. Il y a donc lieu de juger désormais que l'article VII de l'AGCS, qui fait partie des accords OMC, ne peut être invoqué directement devant les juridictions nationales, de sorte que le ressortissant d'un Etat n'appartenant pas à l'Union européenne ou n'étant pas partie à l'accord sur l'Espace économique européen doit, au soutien d'une demande d'inscription au barreau fondée sur l'article 11, 1°, de la loi du 31 décembre 1971, prouver que la condition de réciprocité posée par l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 est remplie.

15. Le moyen, fondé sur l'application directe dans l'ordre juridique interne de l'AGCS, est donc inopérant.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [Aa] [S] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par M. [Aa] [S] ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille vingt-trois.

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